Dans les années 50, la Médina de Kairouan abritait trois souks de blaghjia qui comportaient une corporation de plus de 60 artisans. De nos jours, la vocation originelle de ces souks a presque disparu au profit d'échoppes de pacotilles, de mules et de produits made in China. Seuls six artisans continuent de s'adonner à ce métier qui n'est plus aussi lucratif que par le passé. Parmi eux, Am Khemaïs Kaâbi, 80 ans, qui a appris toutes les techniques de fabrication par le biais de son père et qui est dans ce métier artisanal depuis 63 ans. Très réputé dans l'art de la confection à la main de peau de caprins, d'ovins ou de bovins pour en faire des balghas et des kountras, il déplore la cherté de la matière première : «Dans les années 50, par exemple, le kilo de clous importés coûtait 500 millimes. Aujourd'hui, il est à 13D et de mauvaise qualité. En outre, le prix du cuir augmente d'année en année. De ce fait, la balgha, qui me demande deux jours de travail, coûtait dans les années 60 entre 2 et 5D. Aujourd'hui, son prix varie entre 30 et 40 D...», relève notre interlocuteur, avant d'ajouter que le processus de fabrication de ces chaussures traditionnelles, qui ne provoquent ni allergie ni maladie de la peau, demande beaucoup de patience, d'où le refus des jeunes de prendre la relève et de s'initier à cet artisanat qu'ils jugent ringard. «Pour survivre, je suis obligé de réparer et d'entretenir les vieilles chaussures achetées de la friperie. Je souhaiterais que l'on encourage les jeunes à s'adonner à cet art afin de le sauver de la perdition...», précise Am Khemaïs Kaâbi.