A l'invitation du Centre Al-Kawakibi pour les transitions démocratiques (Kadem), en collaboration avec l'organisation «No Peace Without Justice» (Npwj), une délégation de hauts responsables de la Cour pénale internationale (CPI) est actuellement en visite en Tunisie, où elle prévoit d'assister à des rencontres de dialogue et de concertation avec les protagonistes de la justice et les différents acteurs concernés dans le pays. Ils vont se pencher, pendant quatre jours, sur les défis de la justice transitionnelle à l'échelle nationale et les possibilités de recours aux mécanismes juridiques internationaux, afin de venir, dans les meilleurs délais, à bout des questions en suspens et de statuer sur les procès déjà en cours. Sur la même lancée de la réforme de l'institution judiciaire, longtemps coincée entre le marteau d'un pouvoir autoritaire abusif et l'enclume d'un corps professionnel jugé majoritairement corrompu, l'application du statut de Rome de la CPI, auquel la Tunisie vient d'adhérer en juillet 2011, semble être comme un dernier recours sur la voie des poursuites des responsables du régime déchu inculpés pour crimes divers. Cette série de rencontres envisagée avec certaines parties prenantes du dispositif judiciaire national a démarré, hier à Tunis, par un atelier académique dont l'ouverture officielle, à laquelle n'a pas pris part M. Samir Dilou, ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, a été pourtant marquée par les interventions de MM. Noureddine Bhiri et Fadi Al Abdallah, respectivement ministre de la Justice et porte-parole de la Cour pénale internationale. Cette manifestation vient, ainsi, s'inscrire dans le cadre de la célébration du 10e anniversaire de la création de la CPI, à La Haye, aux Pays-Bas. Interrogé sur l'utilité de la mise en œuvre des instruments légaux internationaux pour le soutien des droits de l'Homme et leur apport dans la réalisation de la justice transitionnelle, M. Bhiri a souligné que l'adoption par la Tunisie du Statut de Rome est une question de principe. Et de faire valoir que la poursuite en justice des criminels et le recouvrement des droits des justiciables font partie intégrante des droits de l'Homme après la révolution de la dignité et de la liberté. «Aucun coupable n'est censé fuir les sanctions», promet-il. Il a révélé que quelque 188 dossiers de corruption ont été traités par la justice et dont les auteurs ont été condamnés, d'autres sont au stade de l'enquête, alors que certaines affaires sont encore en suspens. Et pour en finir, en toute équité, il a signalé qu'il a été procédé au lancement d'un pôle judiciaire composé de juges compétents spécialisés dans les crimes de la corruption et de la malversation, l'ultime but étant d'accélérer le parachèvement des dossiers. «Ce faisant, a-t-il ajouté, il nous est impératif de nous inscrire dans la logique d'optimiser le Statut de Rome et tirer profit des mécanismes juridiques internationaux, dont la CPI. L'objectif est de juger les fautifs et parvenir à la conciliation nationale à travers la finalisation du processus de la justice transitionnelle».Ce qui nous commande, également, selon le ministre, de nous engager dans le dialogue élargi entre les pays signataires dudit Statut autour des mécanismes d'optimisation du rôle de la Cour pénale internationale. Bien qu'elle fasse l'objet de critiques et soit mise sur la sellette, au vu de ses jugements discriminatoires envers la cause palestinienne et l'Afrique, la CPI reste la plus haute instance judiciaire du monde. A l'en croire, cela était à l'origine des entraves procédurales et institutionnelles, sous des régimes politiques totalitaires. N'empêche, la CPI est appelée, plus que jamais, à poursuivre les personnes inculpées de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, tout en garantissant la poursuite en justice pour qui que ce soit et le recouvrement des droits des Palestiniens, a-t-il encore enchaîné. «Nous ferons tout notre possible, en tant qu'adhérents au Statut de Rome, pour que les droits des justiciables auprès de la CPI soient garantis», a-t-conclu. Pour M. Fadi Al Abdallah, cette rencontre se veut un forum de dialogue et d'échange de points de vue autour du Statut de Rome, de manière à appuyer le cadre juridique tunisien afin de garantir au processus de réalisation de la justice transitionnelle toutes les conditions de réussite. Par la même occasion, le fondateur de Kidam, M. Mohsen Marzouk, a trouvé très intéressant de mettre à profit cette initiative, qui est la sienne. «Il est temps de s'unir pour inciter le gouvernement tunisien à renforcer son rôle d'intervention auprès de la Cour pénale internationale», exhorte-t-il. Juristes, magistrats et avocats et tous les autres acteurs politiques concernés sont appelés, aujourd'hui, plus que jamais, à se mettre autour de la même table de dialogue pour se pencher sur le devenir de la justice en Tunisie et l'apport de son adhésion à ce Statut. Et de résumer : «Il est important de se rendre compte qu'il est, désormais, possible pour tout citoyen tunisien d'ester auprès de la CPI». 99% des magistrats ont rejoint leurs postes Evoquant le récent mouvement dans le corps de la magistrature, le ministre a précisé que 99% des magistrats mutés ont rejoint leurs nouveaux postes.