Sans d'emblée rien nier de la fragilité du secteur bancaire tunisien, un secteur qui a tout de même significativement permis à l'économie nationale de résister au plus fort moment des turbulences post-révolution et qui contribue encore, en cette période de transition, à soutenir le tissu productif national, Mme Nadia Gamha, Directrice générale de la supervision bancaire à la Banque centrale de Tunisie, apporte ici quelques éclairages suite à la révision par S&P de la notation du risque du secteur bancaire tunisien en le classant dans le groupe 8 sur une échelle allant de 1 (le risque le plus bas) à 10 (le risque le plus élevé). Mme Gamha rappelle à ce propos que la note globale était à 9 avant 2007 et depuis cette date elle a été ramenée à 8 et maintenue par S&P jusqu'à aujourd'hui. La note globale est un mix entre la note du risque économique et la note du risque bancaire. Ce dernier a été noté 7 jusqu'au mois de juin 2012 pour être ramené aujourd'hui à 8 dans le dernier rapport de l'agence de notation S&P. C'est la note du risque économique qui a de fait impacté la note du risque bancaire. Reste une question essentielle: comment cela se fait-il que la note bancaire n'a pas changé puisque le secteur bancaire est directement affecté par une conjoncture économique nationale pour le moins difficile? Mme Gamha relève à cet égard le bon écho qu'a eu auprès des instances internationales et auprès des agences de notation, dont S&P, le paquet de réformes engagées par la BCT. Il s'agit, notamment, du programme d'amélioration et de renforcement des règles de bonne gouvernance dans les établissements de crédit, objet de la circulaire du Gouverneur de la BCT (n°2011-06, en date du 20 mai 2001) et du programme relatif aux provisions collectives, «une première avancée vers Bâle II qui amène les banques à constituer des provisions sur des risques latents afférents à leurs créances courantes». Un paquet de réformes... D'un autre côté, souligne Mme Gamha, il a été procédé à la révision des normes prudentielles qui n'ont pas été revues depuis 2001. Cette révision a touché plusieurs aspects des règles prudentielless, notamment le relèvement du ratio de solvabilité. Ce ratio est actuellement de 8%. Il sera porté à 9% à la fin de 2013 et à 10% fin 2014. Cette progressivité permet de donner aux banques le temps de se conformer à cette nouvelle exigence réglementaire, précise-t-elle, en indiquant que «la BCT va resserrer la limite d'exposition des banques sur les grands risques, avec une plus grande implication des commissaires aux comptes et des conseils d'administration des banques dans l'appréciation et le suivi des risques». Le dernier aspect du mouvement de réforme est relatif à l'introduction, pour la première fois, de sanctions pour les banques qui ne se conforment pas aux normes prudentielles édictées par la BCT. Ces sanctions sont d'ordre prudentiel et d'ordre pécuniaire. Toutes ces mesures ont eu le meilleur écho auprès des agences de notation dont S&P qui a, souligne Mme Gamha, «beaucoup apprécié que l'Etat, en sa qualité d'actionnaire de référence, engage un full audit pour les trois grandes banques publiques». «L'objectif ultime est de restructurer ces banques qui ont un poids important dans l'économie nationale». «Ce qui, ajoute-t-elle, permettra à l'Etat de statuer sur la stratégie de développement futur de ces banques». D'ailleurs, fort apprécié de tous les observateurs, le soutien de l'Etat au secteur bancaire n'a jamais été aussi appuyé qu'aujourd'hui. Un secteur fort sollicité et qui mérite bien aujourd'hui comme hier de son qualificatif de «bras séculier et pilier de l'économie tunisienne». La vulnérabilité du secteur est une réalité que personne à la BCT n'ignore, le paquet de réformes engagées répond à cette réalité. Une réalité, et c'est peut-être bien le plus important aujourd'hui en regard de certaines humeurs défaitistes et alarmistes, qui nécessite la conjugaison de tous les efforts sans exclusive pour soutenir l'élan et le mouvement de réformes engagées par l'Institut d'émission. Le patriotisme économique et le patriotisme tout court, c'est aussi cela.