Avec la chute des régimes dictatoriaux, le déclenchement du Printemps arabe, en même temps qu'une crise financière qui continue de frapper de plein fouet plusieurs pays européens, l'on se demande où vont les relations traditionnelles euro-maghrébines dans ce nouveau contexte politico-socio-économique? Quelle image portent, ainsi, les pays de la rive sud de la Méditerranée à l'égard d'une Europe qui n'arrive pas jusqu'à maintenant à honorer ses engagements à plusieurs niveaux de coopération? Alors qu'elle avait signé autant d'accords d'association avec les pays du Maghreb dont la Tunisie, premier pays signataire depuis 1995. Au-delà, comment définir les nouveaux besoins d'échanges commerciaux et culturels qui profilent à l'horizon des relations de partenariat Nord-Sud? Il devient, dès lors, plus que jamais légitime de remettre les pendules à l'heure pour jeter de nouveaux jalons sur la voie de l'édification d'une nouvelle Union maghrébine largement intégrée dans un espace européen beaucoup plus engagé, coopératif et ouvert. Cet état des lieux, qui vient rendre tangible la réalité des relations bilatérales, témoigne d'une ancienne stratégie géopolitique à revoir de fond en comble. Toutes ces interrogations sur le devenir de la politique de voisinage ont interpellé l'Association des études internationales (AEI) qui a organisé, conjointement avec la Fondation Friedrich Ebert, un colloque de réflexion sur «le nouveau Maghreb et l'Union européenne». Cette manifestation, qui se veut un avant-goût du sommet de Tunis, prévu fin octobre 2012, a vu la participation d'éminentes personnalités politiques et diplomatiques. Dans son mot de bienvenue, le président de l'AEI, ancien ambassadeur, M. Ezzeddine Kerkeni, a tenu des propos mitigés, allant de l'éloge d'un partenariat stratégique euro-maghrébin pour s'arrêter sur les exigences d'une nouvelle vision globale qui devrait forcément tenir compte des transformations profondes qu'a connues l'espace maghrébin et la crise qui semble s'installer dans plusieurs pays de l'UE. «Plusieurs défis nous guettent et risquent même d'affecter sérieusement tout partenariat si ne faisons pas attention et ne regardons pas l'avenir, ce qui suppose une vision, donc une stratégie.», interpelle-t-il en substance. Et d'enchaîner que le principal défi provient du fait que l'âme de populations entières est minée par le chômage et la pauvreté, deux stimulus de la révolution tunisienne, déclencheur du Printemps arabe. Autre défi de taille, c'est l'élargissement du fossé économique entre les deux rives de la Méditerranée, aggravé par la persistance du mur psychologique qui sépare le Nord et le Sud de la région. Et bien que des avancées aient être enregistrées au niveau des relations Maghreb-UE, autant d'initiatives et de promesses n'ont pas abouti. Et de rebondir pour dire qu'il faudrait surtout revoir ce partenariat sur des bases nouvelles pour des lendemains meilleurs. De son côté, M. Jawad Kardoudi, haute personnalité marocaine, de l'Institut maghrébin des relations internationales, est revenu sur l'état des lieux des relations Europe-Maghreb. Lors d'une communication magistralement orchestrée, il a exposé les assises d'une nouvelle relation d'intérêts réciproques basée sur le respect mutuel. Et l'on doit être constructif, à ses dires, pour reprendre de plus belle. Il a qualifié les relations bilatérales de très importantes, étant donné que «l'Europe a besoin du Maghreb, parce qu'il constitue un marché si proche pour la vente de ses biens et services, mais aussi d'un Maghreb fort et prospère parce qu'elle a toujours peur du côté sécuritaire (terrorisme et immigration clandestine)...». Et de penser qu'elle va continuer à changer ses orientations vis-à-vis du Maghreb et appuyer, de la sorte, son développement. «Mais je ne pense pas, contrairement à ce qui a été dit, qu'elle va se désengager», révèle-t-il. Idem pour le Maghreb. Il a aussi besoin de l'UE considérée comme partenaire stratégique, dans la mesure où deux tiers des exportations maghrébines sont commercialisés sur le marché européen. Mais parce que nous avons également besoin d'investissements et des transferts des technologies, mais aussi de leurs expériences et expertises. C'est pourquoi, a-t-il ajouté, les deux parties ont intérêt à coopérer...A propos de l'UMA, l'orateur a déploré que son existence n'est que fictive, formellement sur le papier et qui a manqué de concrétisation pour des raisons essentiellement politiques. D'où, il est urgent de sensibiliser les jeunes de nos pays, à lutter et à militer pour que cette UMA puisse prendre forme. «Et les européens ne sont pas contre l'intégration maghrébine...», conclut-il. Et la question des rapports de force et d'intérêts ainsi que l'intégration maghrébine dans l'espace européen n'ont pas manqué d'enflammer un auditoire aussi attentif qu'interactif. Le débat a été vif et approfondi, évoquant l'échec des accords d'association euro-maghrébins, les difficultés d'échanges culturels et économiques, l'absence des fonds structurels destinés au développement des régions défavorisées, le désengagement européen à l'égard des promesses restant encore lettre morte. Aujourd'hui, les interventions vont se poursuivre sur le profil du nouveau Maghreb post-révolutionnaire, avec deux thèmes fédérateurs, à savoir «nouveaux enjeux, nouveaux acteurs» et «Maghreb-Europe, pesanteurs et perspectives». Le débat reprendra certainement au même rythme et sur le même ton de communication.