Y a-t-il une différence majeure entre les nouvelles et les anciennes formes de jeu de l'Espérance? Il est évident qu'à travers les diverses options techniques et tactiques qu'il a fortement préconisées, Nabil Maâloul a apporté un éclairage supplémentaire au jeu de l'équipe. Sa façon de penser le football n'a pas manqué non plus d'exercer une influence sur le comportement des joueurs sur le terrain. Les nouvelles tendances dans le jeu, telle qu'elles ont pu émerger, ont changé radicalement la manière de jouer de l'équipe. Nous ne sommes pas cependant à une contestation près: il y a et il y aura toujours des gens pour contester un entraîneur, un palmarès. Certains, qui se voient plus intelligents que les autres, ne peuvent pas concevoir un match sans de mauvais choix et de mauvaises appréciations. Mais Nabil Maâloul a mené son combat de la manière la plus engagée et aussi la plus significative, ce qui a attiré les regards mais n'a jamais détourné le sien de son objectif. Il s'est trouvé au milieu des ambitions de chacun de ses joueurs et il a réussi à construire un collectif. Pas facile. Il a réussi à convaincre chaque joueur à prendre sur son compte l'action de l'autre, les critiques de l'autre...Et cela n'était pas facile à mettre en place dans les esprits. Il est parvenu à préserver l'un des plus importants leviers qu'il puisse avoir sur un club: l'influence à long terme sur son développement, sa culture, la façon d'intégrer les jeunes quand beaucoup d'entraîneurs se préoccupent moins de l'avenir, ne pensent qu'au prochain match et ne font pas jouer un jeune qui peut leur coûter le résultat. En dépit de toutes les contraintes et les obligations de l'immédiat, il y a de ces entraîneurs qui se demandent moins ce que le football pourrait faire pour eux que ce qu'ils pourraient faire pour lui. Ce sont des passionnés dans l'âme. Des meilleurs parmi les meilleurs de cette armée grâce à laquelle les choses tiennent encore à peu près debout. Entraîner, c'est parfois comme dans la vie: avoir tort partiellement pour mieux avoir raison globalement. L'entraîneur fait avant tout des choix sportifs. Mais aujourd'hui, sa carrière est dictée par des choix économiques. Le rôle d'entraîneur n'a rien à voir avec le quotidien d'un joueur. Il y a énormément de responsabilité, un travail de fond à effectuer. Il dépend des choses qui ne lui appartiennent pas. C'est beaucoup de soucis. Comme on le dit souvent, avec beaucoup de respect pour ceux qui ont réussi à s'accrocher à leurs principes, la plupart sont des marionnettes que certains présidents, qui n'ont pas forcément de savoir-faire ou de savoir-vivre, changent au gré de leurs humeurs. Il serait tout à l'honneur de Maâloul de refuser catégoriquement les issues tellement faciles, tellement prévisibles où tant d'intérêts contradictoires sont en jeu. A chaque fois qu'il débarque à l'Espérance, il ne cherche pas seulement à exploiter le talent de ses joueurs, mais il essaie aussi d'en tirer le maximum sur le plan humain, de leur permettre de s'épanouir et de les placer dans les dispositions physiques et mentales optimales. Il a un contact, une relation qui permettent aux joueurs de sentir que leur entraîneur est derrière eux. En s'avançant sur ce terrain, il fait attention de ne froisser personne, mais le discours est néanmoins d'une grande fermeté sur le fond. A plusieurs reprises et pour bien se faire comprendre, il a dû faire face aux humeurs capricieuses de certains. Il a inculqué à ses joueurs l'art de la maîtrise et de la patience. Il leur a appris à mieux rentabiliser leur temps fort et à mieux négocier leur temps faible. Son équipe a pu ainsi dégager un mélange de gagne, de tripe compétitive, de calme et de sérénité. Elle est devenue capable de gérer à la fois la grande confiance qui l'habite et l'inquiétude qu'elle ressent à chaque poussée de l'adversaire. Maâloul n'est pas revenu à l'EST uniquement pour la gloire, mais également à un certain niveau d'exigence, vis-à-vis de son métier ou de soi-même. Il a pu prendre un peu de recul et regarder le football de l'extérieur quand il est passé de l'autre côté de la barrière dans le rôle de consultant. C'est une bonne expérience car, quand on est à l'intérieur d'un club, on ne voit pas tout ce qui se passe. On dit parfois que l'entraîneur est un peu comme le jongleur qui s'évertue à garder des assiettes en l'air. Pour Maâloul, ce sont les joueurs qu'il a tenu à garder en haut, en passant de l'un à l'autre. Mais il arrive un moment où cela est devenu compliqué parce qu'ils sont devenus trop nombreux. Au fait, il s'agit moins de dire au joueur pourquoi il ne joue pas que d'expliquer à l'équipe pourquoi elle devrait jouer dans tel ou tel système et pourquoi il convient de faire tourner l'effectif. C'est difficile d'y parvenir parce qu'il faut savoir gérer les ego et être indulgent avec les stars quand elles traversent un petit passage à vide. Le rôle du staff technique espérantiste a été très important dans cette nouvelle consécration. Plus l'équipe derrière l'équipe était forte, compétente et soudée, plus il y avait de la joie chez les joueurs.