Par Med Noureddine DHOUIB* Il est indéniable que chaque Tunisien est en droit d'exprimer son indignation et son refus à tout ce qui touche à la base de sa culture, à savoir sa religion et son vénéré Prophète Mohamed. Il n'en demeure pas moins que son action doit être menée avec discernement et intelligence. En effet, c'est la maîtrise de soi et la bonne réflexion qui doivent guider nos réactions dans le sens de l'efficacité et la pertinence. En aucun cas nous ne devons jouer le jeu de l'adversaire et tomber dans le piège qu'il nous tend. Il est regrettable de constater que les événements récents et à coup sûr regrettables à travers le monde arabe manquent de la part de leurs auteurs de maturité politique. Cela rappelle un événement similaire aussi grave concernant l'attaque de l'ambassade de Grande-Bretagne en juin 1967. En effet, une foule en délire déçue par la défaite de l'armée égyptienne dans le Sinaï, s'était mise à saccager cette ambassade et sur son passage toutes les boutiques de commerçants juifs tunisiens. Cette action a valu un discrédit total à la Tunisie et le départ vers la France d'un grand nombre de médecins et d'enseignants juifs tunisiens. Encore une fois certains individus de notre société n'ayant rien retenu des leçons de l'histoire s'engouffrent dans des aventures stériles et sans lendemain pour la sauvegarde de notre culture. Pour revenir au sujet qui nous préoccupe aujourd'hui, c'est M. Tartempion, pour ne pas citer son nom, ayant pourtant réalisé un film médiocre traitant d'une façon à la fois mensongère et diffamatoire un personnage dont le rayonnement perdure depuis 14 siècles, et vénéré aujourd'hui par plus d'un milliard et demi d'individus, qui a gagné la première manche ! M. Tartempion a réussi à faire amener la population arabe à commettre le répréhensible, à savoir l'attaque des ambassades américaines et assassiner des diplomates, donnant encore une fois cette image déformée de cette religion de paix qu'est l'Islam. En s'acharnant sur les personnes et les biens des représentations diplomatiques américaines, on se trompe d'adversaire et on s'attire l'unanime mépris de l'opinion publique américaine. Il va sans dire que cet ignoble individu a aussi gagné une publicité gratuite à l'échelle mondiale pour son film que tout le monde va chercher à tout prix à voir. Par ce jeu cynique de choisir du 11 septembre pour parler de son film et d'un sujet touchant le plus sacré après Dieu chez les musulmans, à savoir le Prophète Mohamed, il voulait servir ses commanditaires en provoquant une onde de choc contestataire capable de créer le chaos dans les pays du printemps arabe. Pourquoi donc cette exclusivité ? Il n'échappe à personne que la révolution arabe dérange la plupart des monarchies arabes du Moyen-Orient et son échec est vivement souhaité voire soutenu. Comme quoi on doit toujours avoir à l'esprit l'adage: «Dieu préservez-moi de mes amis, mes ennemis je m'en charge». Il est aussi curieux de constater, dans ces pays, aucun mouvement de contestation de la même ampleur concernant cet événement. Pour la Tunisie, les événements du vendredi 14 septembre 2012 entacheront un tant soit peu ses relations séculaires avec les USA et c'est dommage quand on sait que ce pays fut un des premiers à soutenir la révolution du 14 janvier 2011. Certains adeptes du complot, dans une sorte de complexe d'infériorité et un manque de respect à l'intelligence de tout un peuple et à la colère d'une jeunesse incomprise, attribuent l'œuvre à des puissances étrangères dont le chef de file est l'Amérique. En ratant l'opération de protection des personnes et des biens américains, la Tunisie a failli aux règles diplomatiques élémentaires et aux perceptes de l'Islam. Le ministre de l'Intérieur, M. Ali Laârayedh, reconnaîtra cela en annonçant au cours d'un débat sur la première chaîne publique : «La Tunisie a perdu sa réputation et sa crédibilité internationales. Il est du devoir de chaque pays d'assurer la défense des ambassades et des diplomates...». Alors que faire pour limiter l'étendue de ce gâchis et empêcher M. Tartempion de gagner la deuxième manche ? La première action revient à M. Ali Laârayedh de procéder à l'arrestation de tous les auteurs de cette horde sauvage et de leurs commanditaires et les traduire dans les plus brefs délais devant la justice. La deuxième action revient aux organismes internationaux panarabes et panislamiques, par exemple la Ligue des Etats arabes ou la Conférence islamique, d'intenter un procès aux USA contre M. Tartempion et empêcher la diffusion de son film blasphématoire. La troisième action est la lutte culturelle que doivent engager les journalistes à publier dans les journaux américains à grand tirage des articles percutants ou les réalisateurs arabes à faire des films de qualité pour mettre en exergue les hautes valeurs de paix, de justice et de tolérance de l'Islam. Les bailleurs de fond d'Arabie et du Golfe se doivent de mettre la main à la poche pour financer de telles entreprises, comme ils l'avaient fait pour la construction de tours de 800 voire 1.000 m de hauteur. * (Ingénieur à la retraite)