«Au-delà des chiffres, il faut s'assurer que l'économie est en train de sortir du fond du gouffre. J'ai une peur bleue d'un double deep''», martèle le gouverneur de la BCT Deux bras pour piloter l'économie nationale. Le budget de l'Etat et la monnaie. Comment combiner les différents instruments des deux bras pour réaliser une croissance irréversible et rassurante en 2013 est la question qui se pose et qui semble résumer la rencontre scientifique intitulée « La coordination des politiques monétaire et budgétaire», organisé, hier, au siège de la BCT. Dans un passé récent, cette problématique a fait couler beaucoup d'encre, notamment en matière d'indépendance de la BCT. Selon le nouveau gouverneur, il s'agit d'identifier les sources de synergie ainsi que les difficultés inhérentes à l'interdépendance entre les deux politiques. D'ailleurs, plusieurs combinaisons entre les deux politiques sont possibles dans le cadre du concept «policy mix» qui laisse la voie ouverte à plusieurs formes de coordination entre la BCT et le gouvernement. Dans son intervention, le gouverneur de la BCT, M. Chedli Ayari, martèle : «Au-delà des chiffres, il faut s'assurer que l'économie est en train de sortir du fond du gouffre. J'ai une peur bleue d'‘‘un double deep‘‘». Et de renchérir : «La Tunisie ne peut pas supporter deux stagflations». Pis, depuis l'indépendance, c'est la première fois que le pays ne dispose pas d'un plan de moyen terme. «Tout se fait par le tâtonnement. On navigue à vue», déplore-t-il. En effet, l'objectif du séminaire, selon le communiqué de la BCT, est de concevoir une stratégie permettant une croissance plus élevée et une faible inflation loin d'un conflit d'objectifs et d'instruments entre la politique budgétaire et la politique monétaire. En d'autres termes, il s'agit de la recherche du mix optimal entre les politiques monétaire et budgétaire en vue de réaliser un taux de croissance, tout en gardant de solides fondamentaux. Il est à rappeler que le pouvoir exécutif arrête les politiques budgétaires alors que les politiques monétaires se dressent au sein du conseil d'administration de la Banque Centrale. Et la coordination entre les deux acteurs, gouvernement et Banque centrale, n'est pas toujours évidente. Les difficultés, selon le gouverneur, se manifestent à plusieurs niveaux, notamment de la décision, de la mise en vigueur, de la transmission des effets et du volume des moyens à déployer. Mais cette coordination s'impose car elle rend possible la recherche de plusieurs objectifs distincts, qui ne pourraient être atteints par un seul de ces instruments. L'intervention du gouverneur a porté sur les réalisations de l'exercice 2011, les huit mois de l'année courante, ainsi que les perspectives de l'année prochaine. En s'attardant sur les réalisations, il a avancé quatre lots de critiques. Le premier est relatif à l'écart entre le taux de croissance effectif et celui anticipé. Le deuxième consiste en la qualité et la vigueur des équilibres macroéconomiques. Le troisième porte sur le niveau de réponse des stratégies mises en place aux attentes sociales pressantes. Et le quatrième concerne l'évolution de l'environnement des affaires. En somme, d'après le gouverneur, «pour un modèle qui plaide pour la rupture avec le passé, il s'agit d'une continuation de l'ancien modèle». Pour l'avenir, il a insisté que ces quatre critères sont en mesure d'évaluer toute croissance et de justifier les politiques adoptées. Toutefois, cette recherche risque de buter sur plusieurs obstacles. Pour ce qui est du glissement du déficit budgétaire, il recommande de surveiller de près les écarts entre les prévisions et les réalisations. A ce titre, le faible taux de consommation des dépenses publiques remet en cause l'adaptation des projets aux besoins des régions cibles. S'agissant de l'inflation qui a atteint 5,6%, les prévisions de la BCT tablent sur un fléchissement du taux pour avoisiner 4,9% au mois de septembre. Toutefois, les causes de l'inflation sont encore fortes et du coup la tendance est plutôt à la hausse. De même, le niveau record du déficit courant, 7% du PIB, «pourrait déclencher un cercle diabolique», prévient-il. S'attardant sur les réserves en devises, il qualifie le stock de 96 jours d'importation de «préoccupant mais pas du tout catastrophique». Enfin, la situation du système bancaire, à la lumière des notations, demeure inquiétante, bien qu'elle ne se soit pas dégradée depuis 2007. Ainsi, les mesures restrictives prises en concertation avec les banquiers de la place, dans l'objectif de rationaliser les crédits à la consommation, se justifient et ne constituent guère une gestion archaïque.