Les travaux du congrès constitutif du Front populaire (Al Jabha chaâbia) ont démarré, hier, au Palais des congrès. Dans une salle archicomble qui a peiné à abriter une présence massive, ont été rendues publiques les principales orientations politiques, économiques et sociales de ce front composé de 11 partis (le Parti des travailleurs (ex-Poct), le Parti de la lutte progressiste, le Mouvement démocrate progressiste, le mouvement Baâth, le Parti d'avant-garde arabe démocrate, la Fédération du courant ouvrier, le Parti de Tunisie verte, les Citoyens démocrates, le Front populaire unioniste, le Parti populaire pour la liberté et la progression et le Parti national socialiste). Ouvrant les travaux de ce congrès suite à une introduction musicale où l'assistance a eu droit à quelques chansons engagées rendant hommage à la vertu des travailleurs et des pauvres, M. Ahmed Khaskhoussi (Mouvement des démocrates socialistes) a indiqué que l'intérêt supérieur de la patrie et l'indépendance de la décision nationale priment toutes les autres considérations et que le Front populaire part notamment de cette conviction. «Le Front populaire est né pour sortir le pays de la crise politique et socioéconomique dont il souffre», a-t-il avancé, la voix marquée par la fatigue. Des propos suite à auxquels la foule s'est embrasée pour entonner, énergiquement : «Emploi, liberté, dignité nationale», «Non aux islamistes, non aux rcédistes, à bas l'arrivisme», «Notre révolution est une révolution des pauvres» et «le peuple veut renverser le pouvoir», entre autres. Des slogans ayant permis à M. Khaskhoussi de glaner ses mots pour laisser entendre, en reprenant la parole, que des élections du 23 octobre a émané une Assemblée nationale constituante dominée par le gouvernement de la Troïka, sous l'égide du mouvement Ennahdha, qui semble dévier des objectifs de la révolution : «A huit mois ou presque de l'arrivée de cette alliance au pouvoir, les clignotants sont au rouge et les indices de l'installation d'un nouveau régime despotique et dépendant sous une couverture religieuse sont là». Abondant dans le même sens, il a annoncé qu'il refuse, tout comme certains de ses collègues à l'ANC, d'être réduit à un simple comparse sans véritables prérogatives : «En réaction contre la marginalisation à laquelle nous sommes assujettis moi et mes collègues à l'ANC, et en guise de soutien à mes concitoyens tragiquement malmenés à Sidi Bouzid, la matrice de la révolution, à Guellala et à Dkhila, je reprends aujourd'hui la grève de la faim que j'ai suspendue dernièrement pour des raisons de santé», a-t-il conclu, avant de souligner que les composantes de la coalition au pouvoir n'ont aucun point de rencontre et que le Front populaire est la solution pour un peuple assoiffé de liberté et d'équité. Dans son intervention, M.Chokri Belaïd (Mouvement des patriotes démocrates) a fait remarquer que la coalition gouvernant actuellement le pays «a accaparé tous les pouvoirs et a fait main basse sur tous les organes et institutions de l'Etat et qu'elle n'a eu de cesse d'hypothéquer les potentialités du pays aux cercles coloniaux et leurs agents». Apostrophant une foule très enthousiaste qui reprenait souvent des slogans anti-Ennahdha et Nida Tounès, il a appelé les partisans du Front à servir sa cause dans les différentes villes et régions du pays, précisant que les orientations politiques, économiques, sociales et culturelles de ce nouveau-né de la scène politique seront profitables à toutes les couches sociales. Présentant la charte politique du Front, il a déclaré que la question nationale démocratique repose sur des axes bien déterminés. A commencer par la réalisation d'une indépendance effective du pays, la préservation de la souveraineté du peuple, la séparation des pouvoirs, l'indépendance de l'autorité judiciaire et des médias et de la garantie de la liberté syndicale entre autres. M.Hamma Hammami (Parti des travailleurs) a affirmé que le gouvernement de la Troïka a échoué à tous les niveaux, aggravant davantage la crise politique et socioéconomique que traverse le pays. Comme il le pense, le Front populaire est la force politique la plus apte à sauver le pays. Dans cette optique, il a noté que la stratégie économique et sociale du Front repose entre autres sur la révision des accords préjudiciables aux intérêts du pays et à son indépendance, la nationalisation des secteurs stratégiques et la garantie de leur gestion efficace, la nationalisation des entreprises confisquées et l'interdiction de leur cession au capital étranger, la nationalisation d'une industrie nationale qui soit en rapport avec les besoins du pays, ses compétences et ses capacités et la garantie des droits fondamentaux à un travail digne, à un logement décent, à l'éducation publique gratuite et de qualité, ainsi qu'aux soins gratuits. Débattant de la question culturelle comme la conçoit le Front, il a fait observer que la garantie de la liberté de création sous toutes ses formes artistique, culturelle, intellectuelle et scientifique est parmi les convictions immuables de cette force politique regroupant «de hautes compétences nationales».