A l'époque de l'ancien régime comme à l'ère actuelle, où la liberté d'expression semble avoir le vent en poupe, le journaliste tunisien n'est pourtant pas à l'abri de toute forme d'intimidation, d'humiliation et de violence. L'exercice de son métier dans les règles déontologiques requises relève d'un travail de longue haleine, se trouvant, ainsi, dans le collimateur des détracteurs. Comment faire pour que le cavalier de la plume ne soit pas toujours le bouc émissaire de l'information ? Pour y répondre, le Centre de Tunis pour la liberté de la pesse vient d'annoncer la nouvelle : la mise en place d'une unité d'observation et de documentation sur les violations contre la presse tunisienne. Celle-ci se veut un observatoire d'enquête et d'investigation sur les différents risques et périls auxquels pourrait s'exposer, désormais, l'homme des médias sur le théâtre des événements. Lors d'une conférence de presse tenue, hier matin, au siège dudit centre, lancé au lendemain de la révolution, son président M. Mahmoud Dhaouadi, accompagné de son équipe, a fourni tous les détails du travail de l'unité en question. Compte tenu de l'ampleur des atteintes aux libertés journalistiques, plus souvent fomentées à l'encontre de toute information crédible et objective, la défense de la profession demeure incontournable. Après quelques mois de mûre réflexion, rappelle-t-il, voilà que cette unité d'observation a vu le jour, à la faveur d'une ferme volonté de mener un combat acharné pour la défense du journaliste, là où il se trouve, là où il travaille, au grand bonheur d'un public exigeant la réalité des faits. La vérité des vérités ! Et l'observation des violations ne se fait pas de façon arbitraire, unilatérale non plus. Elle doit obéir à une méthodologie bien déterminée fondée sur des normes et critères internationaux. «Aujourd'hui, le journaliste a besoin, plus que jamais, de s'armer d'une culture juridique pour savoir se protéger et défendre ses droits à une presse libre et transparente», martèle M. Dhouadi. Une fois l'atteinte identifiée, l'auteur ferait, ainsi, l'objet d'une campagne médiatique acharnée, jusqu'à ce que le journaliste-victime puisse recouvrer ses droits. Dans ce processus d'investigation, indique M. Fahem Boukaddous, coordinateur de ladite unité, le journaliste, lui-même, sera de la partie, fort impliqué dans l'opération d'identification des cas signalés. Il a annoncé que dans deux semaines, il sera procédé à l'élaboration d'un guide d'une cinquantaine de pages comprenant la classification des différentes formes de violations commises contre les journalistes, en se basant sur des règles reconnues en la matière. La spécificité de l'observatoire, révèle Juan Campan, représentant de l'organisation américaine Open Society, est d'être spécialisé dans la couverture des atteintes à la liberté, de telle sorte que tous les incidents, même ceux qui paraissent sans importance, soient enregistrés. Même si au départ, il n'y a pas de plaintes ou d'agression, il faut qu'il y ait, à son avis, une volonté d'exhaustivité, ce qui fait les caractéristiques de l'observatoire par rapport aux autres mécanismes. «Ce travail vigoureux doit bâtir les bases d'une interprétation des faits, des cas, mais aussi des tendances qui se dessinent autour de ces faits... pour mieux comprendre les enjeux de la liberté en Tunisie...», estime-t-il. Cela suppose, d'après lui, d'établir s'il y a vraiment un lien entre l'atteinte à la liberté à l'encontre du journaliste. A titre d'exemple, «si un journaliste est poursuivi pour une enquête fiscale dont il est responsable, cela n'engage que sa personne, alors que s'il semble que cette enquête fiscale est l'objet d'une politique de harcèlement de la part de l'autorité, il sera, évidemment, question d'une atteinte à la liberté du journaliste», a-t-il expliqué.