L'exploration et l'exploitation du gaz de schiste, un dossier explosif qui divise les Tunisiens, pourquoi ? C'est demain mercredi 7 novembre à 10h qu'un sit-in est prévu devant le ministère de l'Industrie et du Commerce pour protester contre le projet d'exploration et d'exploitation du gaz de schiste en Tunisie. Le gouvernement semble avoir pris sa décision. Puisque le ministre de l'industrie Mohamed Lamine Chakhari a affirmé dans une interview accordée au Maghreb le 2 novembre que les « négociations avec la société Shell sont en bonne voie et un accord définitif est en passe d'être signé ». Tollé général dans la sphère environnementale. La société civile entre en résistance. Un collectif «Stop au gaz de schiste» est formé. Des parlementaires sont saisis. On envisage même un appel au boycott relayé par les réseaux sociaux de la multinationale qui aurait obtenu l'accord de principe d'exploration de ce gaz « sulfureux ». Il serait probable que les parlementaires interpellent le gouvernement dans les jours qui viennent. Le ministre de l'Industrie avait pris soin d'ajouter au gré de l'entretien que des conditions sont requises pour tenir compte de l'intérêt du pays, de la terre et du peuple. Nous avons essayé de joindre l'attaché de presse du ministère en question pour connaître les tenants et les aboutissants du dossier, sans succès. Pourquoi doit-on refuser l'exploration du gaz de schiste ? Une étude américaine officielle reprise par la presse internationale avait révélé en 2011 que « l'extraction par fraction hydraulique aux Etats-Unis a nécessité l'injection de plus de 2.500 produits chimiques incluant des substances cancérigènes et polluantes ». Cette même étude dénonce «le mythe de la fraction hydraulique propre ». Cette technique requiert, toujours selon l'étude, «l'injection dans la roche de grandes quantités d'eau additionnée de produits chimiques pour faciliter les flux des hydrocarbures libérés». Plus récemment en France, au mois de septembre dernier, le président Hollande rejette sept demandes de permis d'exploration d'hydrocarbures non conventionnels, autre appellation du gaz de schiste, et affirme qu'il ne compte pas revenir sur sa position durant son quinquennat. D'autres pays, industrialisés et développés, très au fait du respect de l'environnement comme le Canada, permettent l'exploration du gaz de schiste. Une exploration entourée toutefois de précautions sécuritaires et environnementales rigoureuses. En Tunisie, le ministère de l'Environnement semble coincé dans une position inconfortable. D'une part, il fait partie intégrante du gouvernement. Il est appelé, de fait, à la solidarité institutionnelle, et d'autre part, il se doit de jouer pleinement son rôle de gardien de la nature. Du coup, il souffle le chaud et le froid. Jointe hier par La Presse, Mme Dhikra Gharbi, chef de service outils et programmes de lutte contre la pollution industrielle, nous déclare que la technique utilisée dans l'exploitation du gaz de schiste, la fraction hydraulique, est une technique dangereuse, selon la chef de service, compte tenu de ses répercussions sur l'environnement et le ministère s'y oppose , tranche-t-elle. Quant à l'exploration, nuance Madame Gharbi, il est utile de connaître la quantité de nos réserves, à condition que les techniques utilisées soient respectueuses de l'environnement, insiste-t-elle encore. Chaque étape d'exploration doit être soumise à une étude d'impact, ajoute-t-elle. Si l'étude d'impact précise qu'aucun danger sur l'environnement n'a été identifié, nous ne sommes pas contre. Toujours est-il, et même au niveau de la phase d'exploration, s'il s'avère qu'il y a des risques détectés sur l'environnement, «nous opposons notre refus», ajoute le cadre du ministère : «Les expériences internationales ont montré que l'exploration préliminaire ne présente pas de risques, parce que les techniques employées sont conventionnelles. Maintenant pour ce qui concerne les opérations d'exploitation, l'extraction par fraction hydraulique, et à la lumière des expériences internationales, nous refusons la technique par injection de produits chimiques ». En résumé, non à l'exploitation par fraction hydraulique, oui à l'exploration avec étude d'impact, seulement si aucun danger n'est identifié. En attendant de voir, nous dit-on, les résultats des recherches qui sont en cours dans les pays développés. Réduction de la facture énergétique ? La société civile, pour sa part, rejette le programme dans son ensemble, et utilisant les réseaux sociaux comme caisse de résonance, promet une suite d'actions, en accusant l'Etat «d'aller à l'encontre des droits fondamentaux des citoyens; et de négliger la transparence ainsi que de renoncer à l'étude d'impact promise publiquement par le ministre de l'Environnement». Il faut savoir par ailleurs que des ingénieurs en géosciences se sont penchés sur le dossier et ont tiré des conclusions selon lesquelles « la production d'hydrocarbures de schiste, si la rentabilité est avérée, permettrait de remplacer des importations extrêmement coûteuses et risquées. La Tunisie pourrait même réduire sensiblement sa facture énergétique, ce qui permettrait des investissements dans des zones démunies ». Au final, comme l'enjeu est très grand, il concerne, rien de moins la santé publique de la population tunisienne, celle des générations futures, ainsi que de la sécurité environnementale du pays, les dispositions à prendre doivent être imparables. Dossier à suivre.