Par Zouhaïr EL KHADHI Aujourd'hui, les problèmes de politique économique reviennent en force sur le devant de la scène avec de nombreuses interrogations. Faut-il relancer des réformes d'ensemble, privilégier les stratégies de retouches graduelles ou bien encore saupoudrer des mesures sociales pour endiguer les mécontentements ? Malheureusement, le changement est au point mort. Pire, la Tunisie tente de revenir vers une tendance absurde qui privilégie la protection sur l'action, la redistribution sur la production. Ce serait une erreur de raisonnement économique. Actuellement, si la politique monétaire ne disposant pratiquement plus que de marges infimes, la question de la stratégie budgétaire est redevenue centrale dans le débat public. La politique budgétaire dépend bien sûr des perspectives de croissance et d'inflation. Le scénario économique courant est actuellement celui d'une reprise progressive limitée en 2013 et 2014 par un attentisme inquiétant de l'investissement privé au niveau interne et un ralentissement européen au niveau externe. Dans cet environnement économique, il paraît peu probable que les besoins de financement public puissent se résorber sous le simple effet de la croissance. Il faudra donc des mesures spécifiques portant sur les dépenses et/ou sur les recettes. De toute façon, cette dérive peut impliquer à terme des mesures correctives. Le scénario économique aujourd'hui le plus vraisemblable est une croissance de l'ordre de 3 % en 2013 et 2014. Dans cette zone de croissance, le besoin de financement est tendanciellement élevé. Cela donnerait un déficit public «spontané» proche de 6 % du PIB en 2013 et en 2014 avec des risques d'une spirale d'endettement. Faut-il préciser à cet égard que si le déficit public a augmenté de trois points de PIB, ce n'est pas parce que les recettes publiques ont baissé, mais parce que les dépenses totales se sont accrues très rapidement. La question des priorités de la dépense publique est tout aussi cruciale Un pays qui favorise les dépenses de fonctionnement (dépenses passives) aux dépens des dépenses de développement (dépenses actives) est un pays qui tourne le dos à l'avenir. Même si la situation actuelle nécessite encore un appui budgétaire, le faire à travers les dépenses de fonctionnement n'est pas très sain. Nos finances publiques risquent d'être engluées dans des voies sans issues. Retrouver des marges de manœuvre pour augmenter les moyens impliquera à un moment ou un autre des choix cruciaux. Maîtriser les dépenses de fonctionnement : un objectif incontournable Qu'en sera-t-il dans les prochaines années? Ce qui est d'ores et déjà certain, c'est que le retour vers l'équilibre global des comptes des administrations exigera soit une hausse des prélèvements obligatoires, soit un rythme d'augmentation de la dépense totale durablement inférieur à celui du PIB. Sauf à réviser les mécanismes des prélèvements obligatoires, un effort de maîtrise de la dépense significatif et durable s'imposera donc. Il sera d'autant plus dur qu'il sera entrepris tard. Et l'une des combinaisons gagnantes serait une réduction du déficit public qui réussirait à provoquer en même temps une baisse du taux d'épargne. Ce n'est pas irréaliste, mais cela suppose une stratégie budgétaire claire, cohérente, crédible, affichée et maintenue dans la durée. (Economiste)