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Dans le temps qui passe, il y a la vérité qui s'enfuit
17 décembre 2010 — 17 décembre 2012 - Entretien avec : Le colonel-major, magistrat Marouan Bouguerra
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 12 - 2012

Deux années après le déclenchement de la révolution de la liberté et de la dignité, le dossier des blessés et des martyrs fait encore l'objet de vives critiques de la part des familles des victimes, de l'opinion et de la société civile.
Aucune liste définitive et fiable des victimes ou des auteurs de crimes n'est en effet rendue publique à ce jour. Sans parler des problèmes d'indemnisation et autres réparations morales. Dans ce contexte, la justice militaire joue un rôle important pour faire toute la lumière sur les délits et crimes survenus entre le 17 décembre et le 14 janvier, et même au-delà. Qu'ils soient commis par les agents des forces de sécurité intérieure ou des militaires. Pas question de perpétuer l'impunité, même au nom de la raison d'Etat, affirme, avec force le colonel-major Marouan Bouguerra, magistrat, procureur général et directeur de la justice militaire. Entretien.
On accuse la justice militaire d'être incapable de divulguer toute la vérité sur ce qui s'est réellement passé concernant les affaires des martyrs et blessés de la révolution, et surtout l'impossibilité d'identifier les vrais meurtriers des martyrs ?
Il faut rappeler à cet effet que la justice militaire a pris en main les affaires des martyrs et des blessés de la révolution, le 5 mai 2011, c'est-à-dire quatre mois après le début des événements et le soulèvement contre l'ancien régime, qui ont causé un certain nombre de blessés et de martyrs. Il faut signaler par ailleurs que l'instruction dans ces affaires n'a été ouverte par le parquet civil qu'à la fin du mois de février 2011. Le dessaisissement des tribunaux de droit commun en application de la règle de compétence objective ne s'est effectué qu'à partir du mois de mai 2011, ce qui a rendu plus difficile la tâche des juges d'instruction militaire puisque, selon un dicton arabe, «dans le temps qui passe, il y a la vérité qui s'enfuit».
Les juges d'instruction militaire saisis de ces affaires ont fourni un grand effort pour identifier tous les inculpés – en dépit de la saisine tardive des dossiers — et après avoir terminé l'instruction, ont décidé le renvoi des affaires des martyrs et blessés de la révolution aux Chambres de mise en accusation auprès des Cours d'appel qui ont décidé de renvoyer les affaires devant les chambres criminelles des trois tribunaux militaires de première instance (Tunis, Sfax, Le Kef) pour continuer les procédures de jugement.
D'autre part, la science des statistiques criminelles ou la «criminalistique» démontre que le nombre de crimes commis et les auteurs découverts permettant leur poursuite n'est pas identique et ne peut jamais refléter le nombre exact des crimes commis, ce qui exprime la notion du «Chiffre noir du crime» qui réside dans la différence entre la criminalité apparente ou déclarée et la criminalité réelle.
Je voudrais dire également que l'instruction concernant les auteurs présumés des crimes de foule, ou des crimes commis par les agents de l'ordre public — en même temps sont difficiles à déterminer d'une manière exacte, si l'affaire n'est pas saisie directement par le juge d'instruction après sa commission.
Durant la première période transitoire, le ministère de l'Intérieur et les hauts responsables de la sécurité intérieure n'ont pas pleinement coopéré avec la Justice militaire pour découvrir toute la réalité et la faire connaître au grand public. Certains mêmes ont gardé leurs postes pour un bon moment après la révolution, ce qui a constitué un grand avantage à ces personnes pour faire disparaître tout moyen de preuve à leur encontre, continuant ainsi à concrétiser l'esprit de l'impunité du policier, érigé en un principe d'Etat durant le régime de Ben Ali.
Ce qui nous amène à conclure que la solution judiciaire n'est pas l'unique solution pour lutter contre les phénomènes criminels. En effet, le problème dépend d'une stratégie politique au niveau de l'Etat, qui doit chercher d'autres moyens pour remédier aux blessures de la société et enlever les causes de la criminalité avec des moyens pacifiques et cela ne peut être réalisé qu'après la compréhension des causes de ces phénomènes criminels, car si on arrive à comprendre les causes et on les élimine, on va assurer une société harmonieuse sans criminalité. C'est pourquoi, la réforme du système sécuritaire et l'organisation du ministère de l'Intérieur s'imposent actuellement comme une priorité absolue, et surtout la modification de la loi n° 4-69 du 29 janvier 1969 concernant les réunions publiques, cortèges, défilés, manifestations et les rassemblements, d'une part, et ce, pour donner un cadre juridique protecteur à l'agent de police qui intervient dans les manifestations violentes et instituer une police républicaine au service da la sécurité du citoyen et de l'Etat, d'autre part.
Cependant, la justice militaire et notamment la Cour d'appel militaire est actuellement en train de fournir un grand effort pour revoir toutes les affaires des martyrs et des blessés de la révolution, vu l'effet dévolutif de l'appel (c'est-à-dire que les dossiers sont actuellement en cours d'être revus en profondeur sans tenir compte des jugements de première instance).
Pouvez-vous nous donner un aperçu général sur les affaires des martyrs et blessés de la révolution qui sont de la compétence de la justice militaire ?
Les tribunaux militaires sont compétents pour statuer sur les affaires d'homicide volontaire et de blessures, dont les actes sont commis par les agents des forces de sécurité intérieure. Et ce, sur la base de l'article 5 alinéa 4 du Code de justice militaire et l'article 22 de la loi du 6 août 1982, portant statut général des forces de sécurité intérieure.
En effet, l'article 5 du Code de justice militaire prévoit dans son alinéa 4 que les juridictions militaires connaissent des infractions que les tribunaux militaires peuvent être amenés à en connaître en vertu des lois et règlements spéciaux». (Il s'agit de l'article 22 de la loi du 6 août 1982, portant statut général des forces de sécurité intérieure et de l'article 23 de la loi du 15 mai 1995, portant statut général de la douane).
En effet, l'article 22 de la loi du 6 août 1982, portant statut général des forces de sécurité intérieure, prévoit que «sont du ressort des tribunaux militaires, les affaires dans lesquelles sont impliqués les agents des forces de sécurité intérieure pour des faits survenus dans ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions lorsque les faits incriminés ont trait à leurs attributions dans les domaines de la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat, ou au maintien de l'ordre sur la voie publique et dans les lieux publics et entreprises publiques ou privées, et ce, au cours ou à la suite des réunions publiques, cortèges, défilés, manifestations et attroupements...».
C'est sur cette assise juridique que les tribunaux militaires ont statué sur les affaires des martyrs et des blessés de la révolution après le dessaisissement de la chambre de mise en accusation auprès la Cour d'appel de Tunis au profit de la justice militaire. Cette décision a été suivie par les autres tribunaux de droit commun dans tous les gouvernorats du pays.
Il faut rappeler également que le cadre juridique applicable aux affaires des martyrs et blessés de la révolution du 14 janvier varie selon la période de temps pendant laquelle l'acte est commis. Les affaires d'homicide et de tentatives d'homicide commis lors de la période allant du 17 décembre 2010 au 14 janvier 2011, date de la chute de l'ancien régime, ont abouti à l'accusation de certains agents des forces de sécurité intérieure et un certain nombre de responsables de la sécurité, dirigés par l'ancien président et les ministres de l'Intérieur, pour leur implication dans la répression des manifestations populaires par la force et l'utilisation des armes et des munitions en direct, ce qui a entraîné un grand nombre de décès.
Le cadre juridique et l'appréciation de ces crimes se fait à la lumière de l'article 4 de la loi du 24 janvier 1969 concernant les réunions publiques, cortèges, défilés, manifestations et les rassemblements, lequel article a précisé les cas d'emploi des armes par les agents de sécurité face à des manifestations et des protestations populaires, et donc chaque utilisation excessive de la force ou de mauvais usage de l'arme est sanctionné par la loi en question.
* La deuxième période: les actes de meurtre commis après le 14 janvier 2011, c'est-à-dire après la déclaration de l'état d'urgence et du couvre-feu où un certain nombre des militaires ont été accusés. Il faut rappeler que cette période est marquée par une absence quasi-totale des forces de sécurité intérieure. Le rôle des forces armées durant cette période était de veiller au maintien de l'ordre public et la sauvegarde des établissements et institutions sensibles et stratégiques du pays et à faire respecter le couvre-feu.
Le cadre juridique applicable à ces affaires est le décret du 26 janvier 1978 relatif à l'organisation de l'état d'urgence et les instructions émanant du Haut Commandement militaire, relatifs à l'utilisation des armes et qui ont été conformes au respect des droits essentiels du citoyen, qui respecte et obéit aux ordres des patrouilles déployées dans différents secteurs du pays. Notons ici que les victimes et blessés assument la pleine responsabilité à la désobéissance de ces ordres militaires. Malgré cela, la justice militaire était transparente et a ordonné des enquêtes dans toute affaire de meurtre ou de blessure quelqu'en soient les circonstances, afin de concrétiser les principes de l'équité et la possibilité de réparation pour toute victime, même si elle assume un pourcentage de 90 ou 95% de la responsabilité.
1- Le nombre des affaires pendantes:
Les affaires d'homicide et de blessures pendantes devant les tribunaux militaires, dont les faits se sont déroulés pendant la période de la révolution, du 17 décembre 2010 au 14 janvier 2011, ont atteint le nombre de 504. L'acte d'accusation comprenait l'ancien président en tant que commandant en chef des Forces de sécurité intérieure et son ministre de l'Intérieur et des hauts responsables de la sécurité et un certain nombre d'agents de la sécurité nationale qui ont participé à des actes d'homicide et de blessures d'un certain nombre de manifestants.
Il a été attribué aux accusés figurant dans ces affaires principalement l'homicide prémédité et la tentative d'homicide et la participation à des crimes mentionnés aux articles 32, 201, 202, 59 et 32 du Code pénal.
Selon la règle de la compétence territoriale, les affaires des martyrs et blessés de la révolution du 14 janvier sont réparties entre les tribunaux militaires de première instance comme suit :
- Le tribunal militaire permanent de première instance de Tunis:
Le juge d'instruction du tribunal de première instance du Tunis s'est saisi de 308 affaires, des martyrs et blessés commis dans les gouvernorats du Grand-Tunis (Tunis, Ben Arous, Ariana, Manouba), Bizerte, Sousse, Monastir, Zaghouan et Nabeul, la chambre criminelle du tribunal militaire de première instance a prononcé son jugement le 19 juillet 2012.
Les jugements varient entre l'emprisonnement de vingt ans et l'emprisonnement pour un an, des indemnités matérielles variant entre 80 mille dinars et 330 mille dinars au profit des héritiers des martyrs de la révolution, et entre 4 mille dinars et 270 dinars au bénéfice des blessés de la révolution.
- Le tribunal militaire permanent de première instance de Sfax:
Le juge d'instruction s'est saisi de 185 affaires qui relèvent de sa compétence territoriale des meurtres commis dans les gouvernorats de Sfax, Mahdia, Gabès, Kebeli, Médenine, Tataouine, Tozeur et Gafsa.
-Le tribunal militaire permanent de première instance du Kef:
Le juge d'instruction s'est saisi de 11 affaires et il a ordonné la jonction de 5 affaires dans un seul dossier connu sous le nom «Affaire Thala et Kasserine», la chambre criminelle du tribunal a prononcé son jugement le 13 juin 2012.
Il convient de noter que la justice militaire a été également saisie d'un nombre important d'affaires après le 14 Janvier 2011 et suite à l'annonce de l'état d'urgence dans le pays.
Le nombre total de ces affaires jusqu'ici est de l'ordre de 409 affaires, dont 40 affaires impliquant des militaires accusés de crimes d'homicide et de tentatives d'homicide. Ces affaires sont déférées devant les tribunaux militaires de première instance de Tunis, Sfax et le Kef.
Il faut noter à cet égard que toute mort suspecte c'est-à-dire non naturelle nécessite la saisine de l'instruction et l'intervention de la justice pénale. C'était là un témoignage de la transparence de la Justice militaire qui refuse que ses agents et cadres abusent dans l'utilisation des armes. Maintes organisations internationales ont signalé le caractère positif de cette approche – effectivement l'Armée tunisienne consacre un principe international fondamental qui est celui du non à l'impunité. Un principe qui n'est pas respecté actuellement par un grand nombre d'Etats, plutôt certains Etats cherchent à immuniser leurs militaires contre toute poursuite pénale ! – sous entendu le régime de Ben Ali a, et pendant des années, consacré la règle de l'impunité des agents de l'ordre de la police en Tunisie.
Il convient encore de noter que l'armée nationale a travaillé convenablement dans un cadre légal et sans utiliser la force d'une manière arbitraire. Elle s'est conformée aux règles de droit applicables dans de telles situations.
L'Armée nationale, durant cette révolution, a étroitement collaboré avec les autorités civiles à partir du 14 janvier et après la déclaration de l'état d'urgence, en matière de maintien de l'ordre public et la sauvegarde des établissements et institutions sensibles et stratégiques du pays et a fait respecter le couvre-feu, et ce, à travers les moyens légaux et sans recourir aux compétences exorbitantes que lui accorde l'état d'urgence.


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