C'est à l'évidence dans notre terre et dans l'union des Tunisiens et de la terre qu'est notre force. Sans la terre, surtout pour un pays depuis toujours agricole, rien ne sera fait et rien ne sera solide. Pourtant, bien des terres domaniales, des milliers d'hectares à grand potentiel de développement, sont encore délaissées, ou, dans le meilleur des cas, sous, exploitées. Des milliers d'hectares demeurent à l'abandon alors que la volatilité des prix des céréales semble être désormais durable à cause de la spéculation accrue sur les produits de base à l'échelle mondiale. Afin de mieux s'enquérir des problèmes auxquels est confronté ce secteur, nous sommes allés à la rencontre d'un expert qui a bien des choses à dire. M. Omar Bahi, trésorier à l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche (Utap), soutient, tout comme plusieurs économistes, que le redressement de l'économie nationale est en grande partie tributaire d'une bonne gestion de l'ensemble de nos domaines agricoles, donc d'une agriculture savante. Pour lui, le défi est de taille vu la complexité de la question. C'est qu'il rattache les problèmes que vit le secteur à une gestion qui laisse à désirer, mais qui ne date pas d'aujourd'hui. «De prime abord, il faut reconnaître que le problème est d'ordre beaucoup plus structurel que conjoncturel. L'Office des terres domaniales, qui gère 153 mille ha répartis sur 27 agro-combinats et unités agro-industrielles, s'est trouvé après la révolution chargé de la gestion de 30 mille ha supplémentaires. Ces 30 mille ha supplémentaires, autrefois gérés par les unités coopératives de production (UCP) puis confisqués par le nouveau gouvernement, en raison des dépassements enregistrés lors de leur location aux investisseurs et du non-respect des différentes clauses du cahier des charges y afférent, ont donc alourdi financièrement parlant le dos d'un OTD déjà en difficulté». Faut-il le dire? Là où ceux qui sont beaucoup plus puissants que nous à tous les niveaux continuent à parier sur la culture de la terre en encourageant les agriculteurs (en France, la contribution de l'Etat sous forme d'aide au secteur est de 13,2 milliards d'euros en 2012), chez nous l'on puise encore dans l'improvisation, sans stratégie aucune. Sinon, comment expliquerait-on le délaissement persistant de milliers d'hectares alors que la saison agricole bat son plein? En dévoilant sa propre lecture, notre interlocuteur n'a pas caché sa crainte de ce discours populiste appelant au morcellement des terres. Il pense que la division des vastes lots en de petits lots pour des raisons politiques ou sociales aura des conséquences néfastes sur l'économie nationale. Selon lui, les solutions sont à concevoir et sur le court terme et sur le long terme. Volet court terme, il propose la création de lots viables en termes de superficie et d'adéquation spécialités-zone agricole pour les ingénieurs et techniciens agricoles, dont le taux de chômage est des plus élevés, et ce, sans omettre de leur accorder des crédits à taux bonifiés. L'autre issue possible, c'est de créer des projets de développement, soit pour les locaux, soit pour les étrangers, à condition que ce soit en partenariat avec des locaux. Sur le long terme, le même interlocuteur appelle à engager une profonde réflexion sur la restructuration de tout le secteur qui souffre de plusieurs failles et lacunes. Force est de constater que la non-exploitation des 30 mille ha génère une perte de près de 500 mille quintaux de blé. A méditer.