Maisons des jeunes : Nos jeunes méritent le meilleur    DECES : Docteur Abdelfatteh MRABET    Justice : 12 prévenus renvoyés devant le tribunal    L'Académie militaire de Fondouk Jedid : Un nouvel élan de modernisation et d'excellence    Ministère du Tourisme-Ministère de l'Emploi : Près de 2.700 offres d'emploi confirmées dans plusieurs régions    Projet d'interconnexion électrique «Elmed» Tunisie-Italie : Pour réduire la dépendance énergétique de la tunisie    Compter sur soi, ça rapporte    Poulina Group Holding: L'AGO propose un dividende de 0,360 DT par action    Ligue des champions | Finale aller – EST-Al Ahly (Ce soir à Radès – 20h00) : Avec les meilleurs atouts en main !    Coupe de Tunisie | Huitièmes de finale – Matches avancés : Le ST, le CA et l'ASM rassurent    AHLY SFAXIEN-ESS (14H30) : La Coupe pour se refaire une santé    Météo : Des nuages denses avec pluies éparses au Nord et hausse des températures    1ère édition des journées internationales du Médicament générique et du Biosimilaire : Pour un meilleur accès aux médicaments génériques    Vision+ : Chronique de la télé tunisienne : La télévision dans tous ses états    Pourquoi | Un coup de lifting s'impose    Galerie d'Art Mooja : Un nouveau souffle artistique à Mutuelleville    La Turquie en alerte : Tentative de coup d'état et vaste opération de répression    Vers un prolongement du règne de Kagame ? Le président rwandais se représente    Dattes tunisiennes: 717,7 millions de dinars de recettes d'exportation à fin avril    L'Espagne va reconnaitre l'Etat de Palestine à cette date !    Tunisie – Affaire du complot II : 12 accusés dont des dirigeants d'Ennahdha devant la justice    LTDH : non à la torture, non à la répression des libertés !    Le "lobbying" revient comme un boomerang : la Cour confirme les 3 ans de prison et l'amende d'un million de dollars    Cette année, le prix du mouton de l'Aïd monte en flèche    Nabeul : Démantèlement d'un réseau de trafic de drogue    Liaison électrique entre l'Italie et la Tunisie : Un projet de 850 millions d'euros    Guerre en Ukraine: Situation actuelle (Ambassade d'Ukraine en Tunisie)    Symposium international 'Comment va le monde? Penser la transition' à Beit al-Hikma    CA : 5 billets par supporter pour le derby tunisien    Rencontre avec les lauréats des prix Comar d'Or 2024    Hechmi Marzouk expose 'Genèse Sculpturale' à la galerie Saladin du 18 mai au 23 juin 2024    Daily brief régional du 17 mai 2024: Des peines de huit mois de prison pour 60 migrants irréguliers subsahariens    Exposition «punctum» de Faycel Mejri à la Galerie d'art Alexandre-Roubtzoff: L'art de capturer l'éphémère    Ce samedi, l'accès aux sites, monuments et musées sera gratuit    Le Mondial féminin 2027 attribué au Brésil    Raoua Tlili brille aux championnats du monde paralympiques    Industrie du cinéma : une affaire de tous les professionnels    Mokhtar Latiri: L'ingénieur et le photographe    Météo de ce vendredi    La croissance n'est pas au rendez-vous    16 banques locales accordent à l'Etat un prêt syndiqué de 570 millions de dinars    Basket – Pro A : résultats complets de la J2 play-out (vidéo)    Palestine : la Tunisie s'oppose aux frontières de 1967 et à la solution à deux Etats    Bank ABC sponsor de la paire Padel Hommes    76e anniversaire de la Nakba : La Tunisie célèbre la résistance du peuple palestinien    Nakba 1948, Nakba 2024 : Amnesty International dénonce la répétition de l'histoire    Urgent : Une secousse sismique secoue le sud-ouest de la Tunisie    Le roi Charles III dévoile son premier portrait officiel    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'artiste et le citoyen
L'entretien du lundi : Sami Tlili (cinéaste)
Publié dans La Presse de Tunisie le 07 - 01 - 2013

Les regards se sont tournés très tôt vers Sami Tlili, bien avant son premier long métrage documentaire (Maudit soit le phosphate, prix du meilleur documentaire arabe au festival du film d'Abou Dhabi en octobre 2012), en tant que professionnel. En effet, son court métrage, Sans plomb, réalisé en 2006 dans le cadre de la FTCA, était déjà un film prémonitoire d'une étincelle de révolution, puisqu'il raconte l'histoire d'un jeune chômeur qui, désespéré de sa situation, s'immole par le feu.
Le cinéma, l'art et la culture sont, pour lui, un combat au quotidien, la culture est un cheval de bataille pour contrecarrer la laideur et la bêtise.
Natif d'un petit patelin du côté de Legtar, un village qui a nourri les mines de phosphate par la sueur et le labeur de ses enfants, Sami Tlili a su raconter la douleur des siens, la révolte du bassin minier et le combat pour la reconnaissance et la réhabilitation. Nous l'avons rencontré, alors qu'il était de passage à Tunis, avant de rejoindre ses amis et les siens à Redeyef pour célébrer le 5e anniversaire du déclenchement de la révolte du bassin minier (le 5 janvier 2008).
Entretien...
Vous êtes natif de la région du bassin minier, était-ce pour vous une « obligation » de faire un film sur la région ?
Je suis né dans un petit village du côté de Legtar, appelé Lortess, dont les habitants ont été les premiers à avoir travaillé dans les mines de M'dhilla. Le labeur était, pour ma famille, à la fois une source de fierté et une fatalité à laquelle on résistait, puisque mon grand-père s'est toujours opposé à ce que ses enfants travaillent dans les mines. Pour ce, il n'a pas hésité à vendre ses dromadaires pour payer les études de ses fils. Mon grand-père maternel, lui, était poseur de cadres, ce qui était une tâche importante dans le travail minier. Enfant, je croyais qu'il était le P.D.G. de la compagnie (CPG). Je dois également dire que j'ai baigné, depuis tout jeune, dans un patrimoine syndicaliste ouvrier. Et bien que je n'aie pas vécu à Lotress, j'y allais durant les vacances, pour être bercé par les histoires, les anecdotes et les souffrances des travailleurs des mines. Je voyais comment toute la vie économique du village gravitait autour des mineurs et au rythme de leurs paies... Malgré tout ce background, je n'avais pas l'obsession de faire mon premier long métrage sur les mines.
C'était quoi alors le déclic ?
Le déclic est venu avec le sentiment d'amertume que j'ai ressenti face l'effritement de la mémoire et face à l'oubli. Quand il y a eu le déclenchement de la révolte du bassin minier, je voyais avec quelle nonchalance une grande partie de la population regardait ce qui se passait. Loin de moi de venir, aujourd'hui, dénoncer la lâcheté des gens, et je ne reproche à personne d'avoir eu peur, mais ce qui m'indigne c'est que la plupart des gens, en dehors du cercle restreint des militants syndicalistes, les cinéasts amateurs, les ciné-clubs et l'UGET, ne se sentaient pas du tout concernés...et l'image dégradante qu'on a toujours véhiculée dans les sketchs des va-nu-pieds, ploucs, incultes et stupides m'est revenue et je me suis dit ce sont ces mêmes gens qu'on a ridiculisées durant des décennies, qui se sont soulevées et qui ont résisté durant des mois. Au bout de quelques mois, l'affaire a été étouffée avec l'arrestation des leaders. La question qui s'est posée à moi à ce moment-là était comment combattre l'oubli ? Comment préserver la mémoire de ce qui s'est passé ?
Vous avez commencé à travailler sur ce film en 2008, pourquoi avez-vous mis autant de temps pour le finir ?
Je ne m'inscrivais pas dans le cinéma d'intervention, je voulais un film profond. J'avais aussi l'obsession du discours direct. Mon côté cinéphile me laisse croire qu'une bonne histoire ne fait pas forcement un beau film, en même temps, je ne pouvais pas au nom de la création passer outre les données historiques, encore moins les trahir. Je tenais, en même temps, à donner du plaisir aux gens de voir un beau film. D'un autre côté, l'esthétique est, pour moi, un élément de narration et non pas un accessoire. Il était indispensable pour moi de trouver le juste équilibre pour travailler les personnages sans dénaturer et trahir la cause et faire des choix esthétiques sans tomber dans les prouesses techniques. Je me suis posé tant de questions avant de définir quelle histoire j'avais envie de raconter. Mais je voulais, avant tout, que du soulèvement de Redeyef, l'humain prime.
Que pensez- vous du rôle que doit avoir l'artiste ou l'intellectuel aujourd'hui ?
Notre responsabilité est énorme, on est dans une période de construction et on a tant besoin de création, de faire des films. Je pense que ce qui reste pour l'histoire, ce sont les films, les œuvres d'art et je crois sincèrement que se taire aujourd'hui, c'est trahir la révolution.
Croyez-vous que le rôle de l'artiste aujourd'hui est de produire, uniquement ?
Le constat que je fais aujourd'hui est le suivant: la dictature de Ben Ali n'était pas uniquement politique, elle était beaucoup plus pernicieuse que cela. C'était la dictature de la laideur et beaucoup de nos aînés ont été complices, en produisant des œuvres laides et médiocres. En plus, on a tendance à accuser le public de bêtise, quand une œuvre ne lui plaît pas. Aujourd'hui, on doit bien au peuple tunisien, celui qui a fait la révolution et qui a permis que l'intellectuel s'exprime avec liberté, des œuvres de qualité.
Ne pensez-vous pas qu'il existe un autre rôle à jouer en dehors de la production ?
Du jour au lendemain, on veut être tout à la fois, artiste et militant de la culture. Je persiste à croire que la culture n'est pas une soupape du politique et je pense qu'on ne descend pas dans les manifs en tant qu'artiste, mais en tant que citoyen.
Il y a eu tout de même des actions et des initiatives menées par les cinéastes ...
Malheureusement, toutes les initiatives vont dans un seul sens. On revendique une part du «gâteau» et faire un contre-poids face à ceux qui avaient le monopole de la subvention et des aides du ministère de la Culture. Mais un vrai projet, je n'en ai pas vu. On ne s'est pas réuni autour d'un objectif ou d'une question du genre «quel avenir veut-on pour le cinéma et la culture ?», «c'est quoi la culture ou le cinéma alternatif qu'on ne cesse de revendiquer, quelle définition lui donne-t-on ?...»
Il y a quelque chose qui ne marche pas, on ne s'inscrit que dans la négation de l'autre, on dénonce le sectarisme sans s'en rendre compte qu'on est nous-mêmes sectaires. Alors que s'il y avait un vrai front culturel, on n'aurait pas eu Ennahdha au pouvoir !
Comment voyez-vous alors l'action culturelle?
A mon sens, la résistante intellectuelle est plus importante, car elle dure dans le temps. Je pense qu'il y a toute une génération qui a grandi et évolué ensemble dans tous les domaines (musique, poésie urbaine, cinéma, théâtre...). Il est temps qu'on se réunisse dans une action de coordination dans le but de créer une vague ou une mouvance, sans forcément s'organiser en structure. Il nous faut aller tous dans un même sens pour nous ouvrir de nouveaux horizons et ne pas perdre de vue l'action de l'autre.
Qu'en est-il de vos projets. A quand une fiction?
J'ai entamé avec Maudit soit le phosphate , une trilogie qui tourne autour de la même problématique, « la mémoire ». Quant à la fiction, je pense qu'on attendra encore un moment avant d'y réfléchir. Il faut avoir assez de distance avec la réalité pour qu'on puisse digérer les aléas de la révolution et pour éviter de tomber dans cette image, déjà galvaudée, d'une réalité politique encore brûlante.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.