Tout près du Palais des sports d'El Menzeh, une tente gigantesque a été montée et que lumières et couleurs imposent à la vue. Le festival international du cirque Lidia Togni est parmi nous depuis le 21 décembre 2012. Il a tout juste fait un saut depuis les côtes sud du pays des «pasta» pour apporter aux Tunisiens une masse de bonheur et d'émerveillement. Chaque jour — et jusqu'au 3 février 2013—, plusieurs groupes d'artistes de talent confirmés en jonglerie, en dressage des animaux les plus têtus et les plus féroces, mais aussi dans les jeux de la mort se donnent en scène, affichant à tous les coups un large sourire de satisfaction partagée. Près de la porte d'accès, se trouve un guichet chapeauté par une enseigne lumineuse qui mentionne «billetteria»; des signes qui nous donnent carrément l'impression qu'on est bel et bien dans l'un des villages joyeux de la Provence italienne. Une fois le seuil franchi, les visiteurs plongent tout droit dans un monde de rêve. L'arène du cirque présente un arrière-plan lumineux, un peu à l'ancienne, ce qu'on ne trouve quasiment jamais en Tunisie; un choix qui ressort des spécificités des cirques et des fêtes foraines en Occident. La tente est soutenue par quatre supports métalliques qui servent également de points d'attache aux câbles nécessaires à certains numéros. Des familles et des couples ont pris place dans les sièges contournant l'arène. Le bruitage des enfants reflète déjà un timbre euphorique: ils s'impatientent, ces chérubins, de découvrir ce qu'ils n'ont jamais vu auparavant. Le spectacle commence avec un numéro qui fait monter l'adrénaline chez les chérubins comme chez les adultes. Les Latinos, venus de Colombie et du Venezuela, attaquent avec la roue de la mort. Deux jeunes hommes, d'une agilité époustouflante, s'adonnent à des roulades, à des sauts et à des marches rapides sur deux énormes roues liées par un support métallique et suspendues à quelques mètres du sol. Les roues, en perpétuel mouvement circulaire, présentent ainsi un terrain à risque pour ces deux jeunes hommes dont l'un d'entre eux n'hésite même pas à déhancher aux rythmes de la salsa et à sauter sur une corde. À maintes reprises, les spectateurs ont cru voir ce jeune plus précisément faillir chuter à près de dix mètres d'altitude. Mais il finit fort heureusement par s'accrocher à cette roue, à ce jouet dangereux qu'il maîtrise comme un ballon de foot. L'esprit «metallica» au rendez-vous Puis, c'est le tour des Faltini, un groupe slave qui change complètement l'ambiance latine pour faire plonger le public dans une ambiance de hard rock. Ils débarquent sur une voiture décapotable, habillés de tenues en cuir noir, parsemées de clous et de chaînes. Ils usent de plusieurs outils pour attiser la curiosité du public; des outils qui donnent la chair de poule. L'un d'entre eux entame le numéro en crachant du feu grâce à une boule en flamme. Puis une jeune fille manipule une longue cravache dans un sens circulaire en prenant le risque de se faire agresser elle-même. Et ce n'est pas encore fini avec ce risque à la metallica: la jeune fille semble prête à relever le défi, celui de se dérober à ces couteaux tranchants lancés par le cracheur de feu. Après ces deux numéros, le ton s'adoucit par des numéros plus sages mais tout aussi difficiles à réaliser. Vinicci Canestrelli propose aux spectateurs une chorégraphie peaufinée par de chameaux tunisiens. «J'ai fait l'acquisition de ces chameaux à Hammamet où j'ai compris que cet animal sert à divertir les touristes. J'ai pensé à le dresser afin qu'il puisse apporter un souffle nouveau aux numéros du cirque; une attraction extraordinaire puisée dans le patrimoine tunisien. Cela m'a pris un mois et demi de travail, et le résultat est là», indique M. Canestrelli. En fait, qui d'entre nous a déjà vu des chameaux défiler dans des mouvements synchronisés, se divisant parfois en deux groupes qui se complètent pour former un tableau chorégraphique? Mme Fadhila Saâda, spectatrice, a trouvé ce numéro original: «Je n'ai jamais cru cet animal capable d'exécuter une chorégraphie, surtout que c'est un animal qui fait partie de la faune nord-africaine et donc un animal dont on connaît parfaitement les aptitudes!», s'exclame-t-elle, épatée. Daniel, l'ami du public Les numéros s'enchaînent et les surprises aussi. Daniel, le clown, ponctue le spectacle par des numéros rigolos réussis – en plus de son aspect sympathique — grâce à l'interactivité avec le public: il convie quelques jeunes hommes à tenter un numéro improvisé par là, il appelle d'autres pour jouer une tragi-comédie concoctée, par-ci. Il finit même par danser au fond d'un ballon gigantesque pour en sortir déguisé en coq, sous les applaudissements des enfants. De leur côté, Natacha Moscaleva et Anna Bicova offrent au public un tableau basé sur la manipulation souple des cerceaux. Umberto Vinci Guerra maîtrise un groupe de tigres qui obéissent à ses ordres comme un enfant obéit à son père. Quelque peu gâtés, ou probablement séduits par la présence du public et par les applaudissements, les tigres se montrent réticents lorsque leur maître leur demande de rejoindre les coulisses. Le dernier sur l'arène refuse d'être grondé: il n'accepte d'aller dans les coulisses que lorsque Umberto le traite comme un seigneur. Le dressage des animaux féroces n'arrive manifestement pas à délester les seigneurs de la jungle de leur fierté innée et c'est tant mieux. Le globe de la mort et les quatre motards Il faut avouer, toutefois, que le point de force du cirque italien Lidia Togni n'est autre que le groupe Latino qui, à chaque fois, présente au public une habileté surprenante et des numéros fort dangereux. Outre la roue de la mort, ce groupe marche, danse, saute, roule à bicyclette, effectue des roulades, le tout sur une corde suspendue à près d'une dizaine de mètres du sol. Dans un numéro ultime, quatre motards lancent un défi: ils se hasardent, déterminés, à réussir le numéro du « globe de la mort ». L'idée étant que ces motards s'adonnent à une chorégraphie à haut risque, car à grande vitesse dans une bulle en fer de seulement quatre mètres de diamètre. «C'est une première dans notre cirque. Généralement, dans un espace aussi restreint, il convient de se limiter à trois motos, et ce, pour des raisons de sécurité. En Tunisie, nous avons réussi un autre record», précise M. Canestrelli. Divertis, les enfants savourent en même temps les amuse-gueules et le spectacle. May Meddeb, 12 ans, assiste pour la première fois à un spectacle de cirque. Elle trouve que les groupes sont très agiles et encourent des risques notables. Certes, l'ambiance est formidable. Mais son prix s'avère être bien salé surtout pour un père de famille aux moyens modestes. M. Badreddine Sassi est venu au cirque accompagné de son épouse et de ses trois enfants. Il a été obligé de débourser 81dt rien que pour l'acquisition des tickets. «Sans parler des à-côtés comme les photos et les salés-sucreries. Franchement, je trouve que c'est trop cher surtout en comparaison avec le cirque en date de 2008», remarquer-t-il. En effet, une photo coûte entre 15 et 40dt. Un paquet de pop-corn est à 2dt. «Pour ce qui est des prix, nous avons effectué une remise de trois dinars, soit 15dt pour les adultes et 12dt pour les enfants. Et à partir de dimanche prochain, les tickets se vendront à 12dt par personne, tant pour les adultes que pour les enfants. Quant aux photos, ce sont des Tunisiens qui se chargent de ce volet et non le cirque», souligne M. Canestrelli.