Si le dossier des médecins démissionnaires du secteur public ne connaît, selon les données fournies par le ministère de la Santé publique, aucune évolution notable, il acquiert chez les syndicalistes une importance grandissante. «Les démissions des médecins est un fait qui revient à des facteurs multiples», indique Mme Habiba Mizouni, secrétaire générale du syndicat national des médecins dentistes et des pharmaciens hospitalo-universitaires. Pour elle, les départs allant crescendo des médecins hospitalo-universitaires et la flagrante réticence des médecins fraîchement diplômés quant à l'intégration du secteur de la santé publique constituent un réel dilemme pour le secteur. L'augmentation du nombre des démissions – quoique non justifiées par des chiffres — et la réticence des jeunes médecins à démarrer leur carrière dans les établissements de la santé publique revient, essentiellement, à la dégradation croissante des conditions de travail, tant matérielles que morales. «C'est une réelle souffrance pour les médecins hospitalo-universitaires que de se trouver dans l'incapacité de parfaire leur travail et d'apporter aux malades les prestations, dont ils ont besoin; une incapacité causée par le manque de moyens. D'un autre côté, les concours compte de moins en moins de candidats qui désirent intégrer le système public. Dans certaines spécialités, notamment dans les régions, 50% des postes vacants demeurent vides», explique Mme Mizouni. Certes, certains médecins démissionnaires avancent comme motif de démission le climat de violence régnant dans les hôpitaux et les CHU. Toutefois,le comportement agressif que manifestent certains patients est étroitement liés à la dégradation des conditions de travail. «Je ne cherche aucunement à justifier la violence qui reste inadmissible. Cependant, si le patient trouve dans les hôpitaux ce dont il a besoin comme soins, il ne recourrait point à la violence. L'insécurité régnant dans les établissements de la santé publique s'avère être, donc, un corolaire de la dégradation des conditions de travail», renchérit l'interlocutrice. Par ailleurs, le projet de réforme des hôpitaux tant recommandé par le syndicat et qui tarde toujours à venir annule toute lueur d'espoir en une éventuelle amélioration des conditions de travail. Mme Mizouni évoque le dialogue national sur les politiques, les stratégies et les plans du secteur de la santé publique. Ce projet de réforme, dont le coup d'envoi remonte à quelques mois n'a toujours pas donné les prémices d'un changement salvateur. «Il est impératif de réfléchir sur la mise à niveau des hôpitaux et des CHU et d'asseoir les bases d'une bonne gestion, à même d'améliorer les conditions de travail. Nous avons toujours insisté sur l'impératif de la réforme et sur la nécessité d'élaborer un cahier des charges permettant aux actants de fixer des objectifs et de les relever, comme c'en est le cas d'ailleurs, dans le secteur privé. Mais nous n'avons rien vu venir», indique Mme Mizouni. Manifestement, être médecin hospitalo-universitaire relevant du secteur public n'intéresse plus ni les médecins de carrière ni ceux, fraîchement diplômés. D'autant plus que la tentation du privé se confirme au fil de la dégradation des conditions de travail dans le public. «La carrière dans le public n'intéresse plus personne. D'autant plus que l'écart entre le public et le privé en matière de rémunération des médecins est considérable. Les cliniques privées apportent, en fin de compte, aux médecins rémunération et conditions de travail leur permettant de parfaire leur mission», renchérit l'interlocutrice.