La corruption est un mal à plusieurs visages. La spéculation dans les marchés publics en est la meilleure illustration, où le spectre du gain facile prime sur tous les principes de la transparence commerciale. Et les fonds détournés ont fini par devenir la règle du jeu, la voie la plus raccourcie de l'enrichissement illégal. Le beurre et l'argent du beurre, dit-on! Un monde d'affaires sans foi ni loi. Cela est bien nourri, sous couvert d'appels d'offres souvent trop ramassés, parfois non déclarés. Aujourd'hui, cela se passe de tout commentaire ! Loin de tout contrôle. En ces temps de reconstruction économique, comment faire pour passer des marchés publics dûment conclus ? Qu'en pensent les contrôleurs publics ? Comment réagissent-ils face au vide juridique, en l'absence d'autonomie et d'un pouvoir décisionnel? Ainsi s'interrogent-ils au cours d'un séminaire international tenu, jeudi à El Menzah VII, sur «l'audit des marchés publics», à l'initiative de la jeune Association tunisienne des contrôleurs publics (Atcp). Cette manifestation à laquelle ont pris part des compétences d'envergure en la matière a vu les professionnels du métier se pencher sur leur devenir et sur l'avenir des deniers publics qui risquent d'être abusivement exploités. A l'ouverture des travaux, les propos de Mme Samiha Selmani, présidente de l'Atcp, sont venus résonner comme une sonnette d'alarme, interpellant l'intervention urgente du gouvernement pour lever la main sur tout contrôle administratif et financier, afin de conférer à cette mission l'indépendance totale dans la gestion des dossiers des marchés publics. Elle a réclamé que leur passation soit faite sous contrôle scrupuleux, dans le professionnalisme et la transparence requis. Compte tenu de l'importance capitale des marchés publics, en tant que mécanisme exécutif de la politique socioéconomique du pays, leur règlementation sert de garde-fou contre toute forme d'abus et de fraude. L'audit interne s'impose, donc, comme nécessité impérieuse. Et pour cause, le secteur des marchés publics a fait, au lendemain de la révolution, l'objet d'une révision globale, conformément aux exigences de l'étape, l'ultime but est de combler les lacunes enregistrées dans ce domaine. Et depuis, des textes règlementaires ont été promulgués. D'après Mme Selmani, un projet de réforme du système des marchés publics a été lancé, l'année écoulée, suivant une démarche d'évaluation exhaustive, censée consacrer la bonne gouvernance à travers l'assouplissement des procédures et l'identification des voies de recours, et faire en sorte que les rapports de contrôle et d'audit des marchés publics soient communiqués publiquement. Et les attributions des acheteurs publics seraient de plus en plus renforcées. A cet effet, a-t-elle ajouté, une commission nationale de coordination et de suivi de la réforme des marchés publics ont, déjà, vu le jour, fin mars dernier. S'y ajoute également l'opération d'achat en ligne, autre technique immatérielle bien pensée. La présidente de l'Atcp l'a qualifiée comme un nouveau pas vers la transparence et la consécration de la concurrence loyale, dans un climat de saine émulation. Cela est de mise, à travers les trois étapes de passation des marchés, allant de l'élaboration stratégique jusqu'à l'exécution en passant par la conclusion. L'audit demeure, ainsi, exigeant pour garantir davantage de respect de la loi et la qualité efficace des ouvrages réalisés. Car, routes, autoroutes, ponts et chaussées, tout cela fait partie des domaines de l'Etat et de l'intérêt général. Selon M. Ghazi Jribi, président du haut comité du contrôle administratif et financier, l'actuel dispositif juridique ne fournit aucune garantie. C'est que, a-t-il reproché, la passation des marchés publics est soumise à un contrôle judiciaire ultérieur, ce qui ne permet pas de mettre le doigt sur les abus et les dépassements survenus dans ce processus. Il a plaidé pour la mise en place d'une justice urgente dont le rôle est de détecter les zones de risques et prévenir de la fraude en la matière. Et M. Jribi de recommander de rectifier le tir et de procéder à certains amendements et réajustements pour faire des marchés publics un vecteur de développement intégral. Il a annoncé qu'un projet réformateur du corps des contrôleurs publics vient d'être remis au chef du gouvernement pour avis. L'on s'attend à ce qu'il soit ultérieurement examiné en Conseil des ministres, espère-t-il. Ce projet, a-t-il conclu, vise à donner au métier de contrôleur une indépendance totale lui permettant de statuer délibérément sur les affaires qui relèvent de ses compétences, ici et maintenant, sans trop attendre.