Un nouvel espace qui naît est toujours à saluer d'une pierre blanche. Tout particulièrement quand il est destiné à accueillir les créations de ces mains anonymes, héritières d'une tradition séculaire de savoir-faire, de ces artisans qui travaillent à l'ombre de leurs ateliers, dans la profondeur des régions, à la marge des circuits officiels, et, souvent loin de toute reconnaissance. Yasmine Belkhoja, jeune designer de talent, est allée à leur rencontre, a rendu hommage à leur travail et leur a offert un superbe espace de quelque 500 mètres carrés pour présenter leurs réalisations. Au pied de la colline de Carthage, au croisement des routes antiques qui mènent à Megara, se déploie un espace lumineux, de hauts plafonds, aux voûtes élégantes. Là, tissages et céramiques, sculptures sur bois et broderies, nattes et haïks racontent l'histoire d'une Tunisie éternelle dont le génie ne cesse de se renouveler. C'est ainsi qu'au rythme des espaces judicieusement aménagés pour mettre en valeur chacune de ces formes d'expression, on pourra découvrir les créations de ce qui pourrait être considéré comme un artisanat de l'excellence: celles de Mohamed Hachicha, artiste-céramiste de talent dont les stèles racontent l'histoire de Sidi Kacem Zelligi dont il assure la mémoire en animant le centre de formation de céramique. On s'arrêtera longuement sur le travail de Hela Chadi qui a rendu ses lettres de noblesse au rustique malti en le brodant de fils de soie et en lui donnant de nouvelles vocations. On admirera le talent de Nadia Gribâa, qui sait mieux que personne transformer le couffin traditionnel en véritable bijou. Les sculptures lumineuses de Chamseddine El Mechri qui fait de ses cubes une véritable dentelle de lumière, sont signées «né à Tunis». Les écharpes arachnéennes de Dalenda Mestiri sont peintes sur les deux faces de la soie. Cependant que les bijoux d'Insaf Kooli, qui a travaillé pour Christian Lacroix, inaugurent une nouvelle conception de la parure. Et puis on ne pourra que saluer la place d'invité d'honneur offerte à AAFCAR-Association pour l'Accès au Financement et à la Compétitivité de l'Artisanat Rural: là sont exposés les travaux de Rifka, Lobna et Leïla, les trois sœurs brodeuses de Beni Khalled, les tissages de Mehria de Sidi Mtir, les vannerie de Rabeh de Sbeïtla et, bien sûr, les poupées d'argile de Sabiha, Jemâa, Cherifa et Aljia de Sejnane. Quant à Yasmine, elle ne se contente pas d'être l'âme des lieux, mais met la main à la pâte: c'est elle qui dessine la ligne de meubles, élégants et originaux, qui habitent l'espace de Dar Yass.