La crise est-elle consommée au sein de la Troïka? La fin de l'alliance tripartite est-elle devenue inévitable ? Ces deux questions sont d'autant plus légitimes que le conseil national extraordinaire du CPR tenu tout au long de la journée du samedi 2 février est venu lancer un ultimatum au gouvernement, selon lequel les ministres du Congrès se retireraient de la coalition, dans une semaine, au cas où leurs exigences ne seraient pas satisfaites. Dans le souci d'en savoir plus sur cette nouvelle méthode de gouvernance au sein de la Troïka, La Presse a approché les principaux protagonistes impliqués dans l'affaire, leur posant la question qui taraude les esprits de tous les Tunisiens : quelle sortie pour la crise afin d'éviter que le pays ne tombe dans un vide institutionnel (politique et gouvernemental) dont personne n'est à même de mesurer la gravité des conséquences. Le consensus est toujours possible Hédi Ben Abbès, porte-parole du CPR, préfère retourner au début des négociations sur le remaniement ministériel pour souligner : «Pour nous, au CPR, l'objectif premier était de créer une nouvelle dynamique et un nouveau départ pour la Troïka. Il était impératif de se mettre d'accord sur un nouveau programme de gouvernement avec des priorités claires et des objectifs précis. Le tout assorti de trois mécanismes de mise en œuvre de ce programme et de participation effective à la prise de décision par les trois partis au pouvoir. Il restait donc à remanier le gouvernement en essayant de l'élargir au maximum à d'autres partis politiques et personnalités nationales compétentes afin de donner un souffle nouveau à la coalition. Malheureusement, les négociations sur la composition du nouveau gouvernement ont pris trop de temps alors que le pays ne pouvait plus attendre en sachant que cette période d'attente a paralysé l'action du gouvernement et a reflété une image peu attractive pour les investisseurs et peu rassurante pour nos partenaires». Le dirigeant cpériste ajoute : «Les négociations ont enregistré une évolution positive jusqu'aux décisions du Conseil de la choura d'Ennahdha annoncées le samedi 2 février et qui ont révélé un durcissement contrastant avec la souplesse dont Ennahdha a fait montre concernant les ministères de souveraineté. Cette position a remis en cause les avancées déjà enregistrées et nous sommes retournés à la case départ, ce qui a mis le CPR et Ettakatol dans une position inconfortable avec une marge de manœuvre très limitée. Soucieux d'éviter au pays une crise politique majeure, le Conseil national du CPR a décidé de laisser encore à tous les partis concernés la possibilité de trouver un accord dans un délai que nous estimons raisonnable compte tenu de la précarité de la situation. Il ne s'agit nullement d'un ultimatum, mais d'une marge de manœuvre supplémentaire. Au terme de cette marge d'une semaine, le CPR n'aura aucune autre alternative que celle de retirer ses ministres du gouvernement». Quelle solution propose le CPR au cas où ses conditions ne seraient pas satisfaites d'ici une semaine ? Ben Abbès est clair et concis : «Ce sera l'occasion de penser à une autre forme de coalition sur de nouvelles bases en élargissant au maximum la coalition elle-même afin de répondre aux attentes politiques et économiques de notre peuple. Toutefois, nous considérons que le consensus demeure toujours possible». La Troïka sur le déclin Pour Mahmoud Baroudi, membre du bureau politique de l'Alliance démocratique, partie prenante dans les négociations sur le prochain gouvernement, les choses sont claires : «Avec l'ultimatum lancé par le CPR, la Troïka est sur le déclin. Malheureusement, la position du CPR intervient trop tard. Je ne pense pas que cette position contribuera à changer quoi que ce soit. Il est inquiétant d'en arriver aux menaces et aux ultimatums». Quelle sortie de crise imagine-t-il ? Le responsable de l'Alliance démocratique est convaincu que «seul un véritable consensus est propre à éviter à la Tunisie un vide politique au cours de la prochaine étape dans la mesure où Ettakatol menace aussi de retirer ses ministres du gouvernement. Le consensus est possible à condition qu'Ennahdha place l'intérêt supérieur du pays au-dessus des considérations partisanes. Il se trouve que l'avenir n'est pas rassurant dans la mesure où les décisions prises par le Conseil de la choura d'Ennahdha nous ont fait revenir à la case départ. La crise institutionnelle est plus que jamais à l'ordre du jour». Pour un choc positif De son côté, Mohamed Bennour, porte-parole d'Ettakatol, souligne : «Nous soutenons le document de travail présenté par le chef du gouvernement et nous avons présenté deux feuilles de route contenant les principes et les bases sur lesquels sera opéré le remaniement ministériel. Pour nous, ce remaniement doit aboutir à un choc positif avec la neutralité des ministères des Affaires étrangères et de la Justice. Nous voulons envoyer un message clair aux magistrats pour leur dire que la justice n'est plus sous les ordres du pouvoir exécutif ou d'un quelconque parti politique». Comment sortir du blocage actuel ? «Il faut que les négociations se poursuivent au sein de la Troïka dans l'objectif d'y inclure d'autres formations politiques, à l'instar de l'Alliance démocratique qui a déjà exprimé sa volonté de participer au prochain gouvernement. Seulement, tous les partenaires de la Troïka sont appelés à davantage de sacrifice. Pour nous, la crise n'est pas consommée et l'effritement de la Troïka n'est pas pour demain. Nous attendons toujours un bon signal de la part d'Ennahdha. Le président d'Ettakatol, le Dr Mustapha Ben Jaâfar, poursuit, d'ailleurs, ses contacts dans le but de parvenir a un consensus qui reste dans nos cordes». * Partant de notre souci de donner la parole à tous les protagonistes, nous avons contacté plusieurs responsables d'Ennahdha à maintes reprises. Malheureusement, nos contacts n'ont pas abouti dans la mesure où ils étaient injoignables.