Dès l'arrivée de la dépouille du leader défunt Chokri Belaïd à la maison de la culture de Djebel Jeloud — quartier populaire où il a grandi — vers 10h00 du matin, la foule ne cessait de grossir. Outre les habitants des environs, il y avait des gens venus de plus loin. Mais, alors que la foule attendait que le cortège quitte la maison de la culture, des groupes, surtout des jeunes, commençaient à se faufiler, ici et là, parmi le cortège funèbre. Une dizaine de personnes, habitants de Djebel Jeloud, témoignent : «Ces jeunes ne sont pas du quartier». Puis, alors que les sympathisants prenaient la direction du cimetière du Jellaz, doucement en attendant la sortie du cortège funèbre, certains jeunes sont passés à l'action, convoitant les sacs à main des femmes, venues en grand nombre, mais aussi ceux que certains journalistes portaient sur le dos. 13h30 : arrivée des premiers participants à cette marche au niveau du cimetière du Jellaz et, dans le même temps, écho des bombes lacrymogènes qui résonnaient déjà de l'autre côté du cimetière, près de l'Hôpital militaire. Là, de jeunes casseurs profitaient de cette situation pour aller s'attaquer au dépôt municipal de Montfleury. Les forces de l'ordre, positionnées au pied de la colline, ont utilisé un nombre important de bombes lacrymogènes afin de disperser les pilleurs. En vain, ces derniers, forts de la présence d'un grand nombre de manifestants aux alentours du cimetière, avaient toujours la possibilité de revenir à la charge. 14h15, une forte fumée se propage dans le ciel juste derrière le mur d'une bâtisse qui fait le coin, à une centaine de mètres de l'entrée principale du cimetière d'où le cortège funèbre allait faire son entrée. Les affrontements se poursuivent durant plus d'une heure, et prennent de l'ampleur alors que la grande foule conduisant le cortège approche du Jellaz. Les choses ont pris une autre tournure quand les pilleurs s'en sont pris aux voitures. Voilà un jeune, un peu moins de 20 ans, à la vue de tout le monde, qui porte un appareil vidéo qu'il vient de piller. Juste après l'entrée du cortège dans le cimetière, et alors que les dizaines de casseurs lançaient des projectiles sur les policiers, trois autres voitures sont brûlées. Le temps que des camions de la Protection civile arrivent sur les lieux, d'autres voitures garées à côté de l'autoroute sont incendiées. Dans cette ambiance traumatisante, plusieurs jeunes casseurs sont arrêtés par la police, qui a essayé d'éviter l'affrontement dans un endroit plein d'enfants et de gens de tout âge. La fumée montait haut dans le ciel pour couvrir le cimetière, alors qu'on conduisait la dépouille du martyr pour l'enterrer dans le Carré des martyrs, à côté de Salah Ben Youssef, Hassan Triki et Moncef Bey.