Depuis le début du mois, le nouvel opus du réalisateur américain Quentin Tarantino est dans les salles à Tunis. Bien avant sa sortie, ce film était attendu comme l'un des événements cinématographiques de l'année, parce qu'il est fait par cet étonnant cinéaste, mais aussi parce qu'il revisite un genre que l'on croyait révolu : le western. Dès ses premières œuvres, Tarantino a fait une entrée qui n'a pas laissé indifférent le monde du cinéma. Pour expliquer son approche originale des genres cinématographiques auxquels il s'intéresse dans ses films, on revient souvent à ses débuts comme vendeur dans un vidéo-club, où il a dévoré tous les classiques américains et internationaux. Ce qu'il en est ressorti est une «rumination » assez spéciale. Aussi Quentin Tarantino est-il entré dans ce métier avec une maîtrise exemplaire des codes de chaque genre, avec des préférences pour certains, mais aussi avec un regard mûr, critique et décalé sur ceux-ci. Ses films n'en sont que les fruits. Les stars s'impliquent Devant ses scénarios bien ficelés aux répliques cultes, ses montages minutieux et ses excellents choix de musique, aucun genre ne lui résiste. Que ce soit les films de blaxploitation, ceux de sabre ou — dernièrement — le western, les genres sont comme transformés où les codes sont renversés. C'est, entre autres, ce qui explique que Tarantino a, dès le départ, réussi à impliquer les stars hollywoodiennes dans ses projets cinématographiques, bien qu'étant cinéaste indépendant. Et il continue dans ce dernier et étonnant Django unchained où l'on trouve dans le casting, Jamie Foxx, Christoph Waltz, Leonardo DiCaprio et Samuel Lee Jackson. Le synopsis fait bien le tour de l'histoire et des intentions du réalisateur : « Dans le sud des Etats-Unis, deux ans avant la guerre de Sécession, le Dr King Schultz, un chasseur de primes allemand, fait l'acquisition de Django, un esclave qui peut l'aider à traquer les frères Brittle, les meurtriers qu'il recherche. Schultz promet à Django de lui rendre la liberté lorsqu'il aura capturé les Brittle, morts ou vifs. Alors que les deux hommes pistent les dangereux criminels, Django n'oublie pas que son seul but est de retrouver Broomhilda, sa femme, dont il fut séparé à cause du commerce des esclaves... Lorsque Django et Schultz arrivent dans l'immense plantation du puissant Calvin Candie, ils éveillent les soupçons de Stephen, un esclave qui sert Candie et qui a toute sa confiance. Le moindre de leurs mouvements est désormais épié par une dangereuse organisation de plus en plus proche... Si Django et Schultz veulent espérer s'enfuir avec Broomhilda, ils vont devoir choisir entre l'indépendance et la solidarité, entre le sacrifice et la survie... ». Tout y est dit, en effet, sur les choix et partis-pris de Tarantino. Tout d'abord, il place son histoire deux ans avant la guerre de Sécession. Dans son scénario, il imagine une fiction parmi d'autres qui aurait pu constituer les prémices de cette « révolution» contre l'esclavage, tout en exprimant son point de vue historique dessus. Un esclave pas comme les autres En attribuant le premier rôle à Django, un esclave, un noir, il renverse le western et semble nous dire que la volonté de se libérer ne peut émaner que des esclaves eux-mêmes, pas des blancs, comme le veut et l'écrit l'Histoire. Mais Django n'est pas un esclave comme les autres. Pour embrasser son destin révolutionnaire, il doit se libérer de l'intérieur, répondre à l'appel de liberté qui gît au fond de son âme et de son instinct naturel d'être humain, ou peut-être, de son instinct «animal»? C'est une question que semble se poser le réalisateur dans le film : d'où émane notre désir de liberté ? Le film est ainsi fait comme un hymne à cette valeur de base de l'humanité, mais aussi du mythe fondateur américain. Qu'en ont fait ses compatriotes, semble-t-il encore se demander. D'ailleurs, outre le titre («unchained » veut dire libéré de ses chaînes), la musique originale du film s'intitule Freedom (liberté), interprétée par Anthony Hamilton et Elayna Boynton. Revenons au personnage de Django. Il s'est débarrassé de sa condition d'esclave, mais surtout du conditionnement qui l'y a contraint. Dans le film, on le voit très vite adopter une attitude de blanc, réfléchir et agir comme un blanc, la référence pour se comporter en homme libre. Mais on verra qu'il ira bien au-delà, pour enfin trouver sa propre définition de la liberté, au visage incolore. Sur le chemin du voyage initiatique de Django, Tarantino expose son point de vue sur le « Nord et Sud » qu'était son pays avant la guerre civile. Il critique la notion de justice et le système sécuritaire qui s'installe dans le Nord, la barbarie sous couvert de civisme des Sudistes et, au passage, il critique sévèrement la passivité et la résignation des esclaves. Tout cela est, comme dans toute la filmographie de Tarantino, enveloppé d'un cynisme assumé, et d'humour, noir parce que souvent mélangé à beaucoup de sang, autre caractéristique de ses films. Là où s'arrête le périple de Django, dont il sort vainqueur, commence la révolution sur le système établi. On peut lire les prémices d'une révolution dans le regard d'un esclave qui reçoit comme une révélation quand il voit Django agir en Homme libre. Son regard a changé. Il voit désormais les choses autrement. Django a tracé le chemin pour que d'autres Hommes soient enfin libres... Et Tarantino continue, grâce à ce film, à faire ce qu'il aime le plus et fait le mieux : la revalorisation de la série B et des genres mineurs du cinéma. Un film à voir absolument! Il est tout de même interdit aux moins de 12 ans. Alors pour les adultes, régalez-vous de cette œuvre qui mérite d'être vue. Pour les moins de 12 ans, commencez par les anciens films de Tarantino, en attendant d'avoir l'âge.