On redoute le fléau de la violence, mais fait-on vraiment le nécessaire pour le neutraliser ? Au lieu de prendre le taureau par les cornes en s'attaquant de front aux racines du mal, la Ligue nationale de football professionnel se dérobe devant ses responsabilités et ménage au bout du compte la chèvre et le chou. Les décisions qu'elle a rendues avant-hier soir, après une réunion qualifiée de «marathonienne» (près de huit heures) sentent la démagogie, le populisme et la thérapie sédative: la rencontre Stade Gabésien-Club Sportif Sfaxien sera rejouée sur terrain neutre à une date que la Ligue fixera ultérieurement. Par ailleurs, le président du SG,Sabeur Jemaï, devra répondre devant le bureau fédéral des graves menaces proférées à l'endroit de l'arbitre de la rencontre, Makram Lagguem. On sait, en effet, que dans le cas des présidents des clubs, le seul organe habilité à prendre à leur endroit une décision disciplinaire reste le comité d'éthique issu du bureau fédéral. Certains en concluent que la montagne a accouché d'une souris. Qu'un blanc-seing est délivré à l'impunité, et que l'on encourage la récidive. Embarrassé, le bureau de la ligue invoque l'alibi guère convaincant des versions contradictoires données par les deux clubs belligérants (le contraire nous aurait d'ailleurs étonné), par l'arbitre, le commissaire du match, le délégué de la ligue et par le service d'ordre. A en croire la Lnfp, il lui a été rendu impossible d'appliquer, soit les sanctions relatives à un abandon de terrain (contre le CSS), soit celles inhérentes à une infraction du huis clos (à l'endroit du SG). Mais on sait que, par rapport à l'enfer et au cauchemar vécus par les présents au stade Chenenni dimanche dernier, les mesures prises ressemblent à un calmant, le dossier étant hautement politisé. Déjà, au départ, se pose la question de l'homologation du stade de Chenenni pour un match de Ligue 1. Le stade olympique de Gabès, étant fermé jusqu'au 10 mars, le SG a dû se rabattre sur cette enceinte de fortune. Il lui était autrefois arrivé d'évoluer dans des stades non moins risqués, ceux d'El Hamma et de Bouchamma en l'occurrence. L'hypothèse de la suspension du championnat A présent, la ligue «pro» veut, en tout cas, prendre les devants. Elle a exprimé mercredi sa préoccupation quant à la recrudescence de la violence, appelant la fédération et le ministère à prendre le phénomène à bras-le-corps. Autrement, l'instance présidée par Mohamed Sellami envisage sérieusement l'hypothèse d'une suspension du championnat avant qu'il ne soit trop tard. Toutes proportions gardées, un Port-Saïd bis guette le foot national. Il y a eu des porte-voix pour le rappeler en marge de la transe collective du stade de Chenenni, partant du constat que les enjeux vont crisper un peu plus l'atmosphère et multiplier les risques avec play-off, play-out, matches-barrage pour le maintien en perspective. Confusions chromatiques La fédération a invité mardi à une application rigoureuse du huis clos. Enième insistance, en fait, les fois précédentes ses appels étant tombés dans l'oreille d'un sourd. Par ailleurs, elle menace de reprogrammer toute rencontre à la retransmission de laquelle le club local opposera quelque alibi que ce soit. Sa délocalisation se fera sur un terrain neutre. En Ligue 2, le folklore quotidien n'amuse plus personne. Avant-hier, la rencontre de la 16e journée, Avenir Sportif de Gabès-Sporting Club de Moknine n'a pu se dérouler, l'arbitre Foued Bahri estimant que les tenues des deux clubs se ressemblaient énormément et qu'il y avait un risque réel de confusion entre les joueurs des deux clubs. Le SCMoknine risque de perdre ce match, puisqu'il lui revenait en tant que club visiteur de changer ses couleurs traditionnelles. La réaction ne s'était pas fait attendre: le bureau directeur du Sporting a présenté le soir-même une démission en bloc, et laissé aux supporters le soin de décider s'il faudra se retirer du championnat. Rien moins que ça ! Ne serait-il pas plus judicieux d'arrêter les frais et de prévenir une réelle fuite en avant redoutée par tous, mais contre laquelle on fait si peu !