Le Centre de recherche, d'études, de documentation et d'information sur la femme (Crédif) lance, en partenariat avec le Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap) et un ensemble d'associations, la campagne «5ir Menha?» pour sensibiliser les jeunes à la nécessité de mettre fin aux discriminations à l'encontre des femmes et les informer sur la convention Cedaw. Le coup d'envoi de la campagne a été donné le 8 mars, Journée mondiale de la femme, à Tunis. L'avenue Habib-Bourguiba était particulièrement animée la matinée du 8 mars. Entre dix heures et midi, un concert de musique, organisé près de la cathédrale Notre-Dame de Tunis, a attiré une foule de curieux autour de la scène de spectacle. L'évènement a été programmé dans le cadre d'une campagne entièrement imaginée par des jeunes, qui s'adresse d'abord aux jeunes, pour les sensibiliser à la nécessité de lutter contre les discriminations et la violence à l'égard des femmes. «Savez-vous qu'il existe quatre types de violence, à savoir sexuelle, psychologique, économique et physique? Que 45% des femmes battues en Tunisie ne savent pas qu'elles peuvent porter plainte? Que 35% d'entre elles sont des victimes de leurs proches?» Les spectateurs sont ainsi tout de suite mis dans le contexte de la campagne par de jeunes animateurs, qui sont pour la plupart membres de l'une des associations partenaires du Crédif et du Fnuap, à savoir Associamed Tunis et Tunisian forum for youth empowerment. Les bénévoles leur expliquent également l'intérêt et l'importance de la convention Cedaw, qui est l'un des instruments juridiques les plus importants pour protéger les femmes contre la discrimination. Peu médiatisé, plusieurs spectateurs n'étaient pas au courant de la manifestation mais ont tout de suite été intrigués par la musique et surtout le nom de la campagne. «5ir minha? (littéralement mieux qu'elle) est une question que l'on pose pour pousser les gens à réfléchir sur la situation de la femme et l'égalité des sexes», explique une jeune animatrice. L'homme est-il mieux que la femme? Les points de vue divergent, «mais heureusement, plusieurs ont répondu que les deux sont pareils», ajoute-t-elle. «Il devrait y avoir plus de manifestations comme celle-là pour que les gens comprennent qu'il n'y a pas de différence entre l'homme et la femme, et aussi pour redonner confiance aux femmes et les encourager à faire leur vie», estime un collégien. Une toile a été posée à côté de la scène et les passants ont été invités à y inscrire un commentaire. «Mieux qu'elle? Quelle question! Elle est la vie, alors respect», a-t-on écrit en caractères gras. La campagne 5ir minha? se poursuivra jusqu'au 14 mars avec des actions de sensibilisation et de vulgarisation dans différents espaces universitaires. Cedaw La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (Cedaw) a été adoptée en 1979 par l'Assemblée générale des Nations unies. Elle définit la notion d'égalité entre les genres et les moyens de l'atteindre. En plus d'être une déclaration des droits de la femme, elle énonce un programme d'action pour que les Etats parties garantissent l'exercice de ces droits. Dans son article premier, la convention définit la discrimination comme étant «toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine». La Tunisie a ratifié la convention en 1985 mais a émis, en plus d'une déclaration générale, des réserves au niveau des articles 9 (2), 15 (4), 16 (c,d,f,g,h) et 29 (1). Les articles en question concernent l'égalité homme-femme dans les affaires familiales, telles que la transmission de la nationalité de la mère à ses enfants, les droits et responsabilités durant le mariage et après le divorce, certains aspects relatifs aux enfants et à leur tutelle, les droits personnels des époux et épouses concernant leur nom de famille et leur occupation, et la propriété des biens. En août 2011, le Conseil des ministres tunisien a adopté un projet de décret dans le but de lever toutes les réserves à l'exception de la déclaration générale. Cette dernière stipule que le gouvernement tunisien «n'adoptera, en vertu de la Convention, aucune décision administrative ou législative qui serait susceptible d'aller à l'encontre des dispositions du chapitre 1er de la Constitution tunisienne». Avec cette déclaration, certains articles de la convention ne pourront jamais être appliqués, à l'instar de l'article 16 sur le droit a l'égal accès à la propriété, y compris par voie d'héritage. De toutes les manières, il faudra attendre que le pays se dote d'une constitution puis d'une autorité législative pour que des réformes puissent se faire au niveau des textes de loi visés par la levée des réserves.