« Les intérêts iraniens, turcs et américano-qatari-islamistes livrent une guerre qui ne dit pas son nom, à l'intérieur des pays arabes et notamment la Tunisie, un petit pays qui devra, à travers la constitutionnalisation et l'intégration de la notion de sécurité globale, défendre ses intérêts propres dans un environnement de guerres stratégiques ». C'est ce qu'a déclaré hier Nasr Ben Soltana, lors d'un forum intitulé « Importance de la constitutionnalisation du système de sécurité globale en Tunisie et ses mécanismes d'application» organisé par l'Association tunisienne des études stratégiques et des politiques de sécurité globales et financé par la Konrad Adenauer Stiftung. Menaces bien réelles Selon Nasr Ben Soltana, président de l'association et expert en sécurité globale, il ne s'agit pas d'alourdir la future Constitution de détails superflus, mais bien de garantir qu'un certain nombre d'éléments importants ayant trait à la sécurité globale soient affirmés dans les textes juridiques. C'est d'ailleurs ce que fait remarquer le colonel major Mokhtar Ben Nasr, en démontrant, suite à une étude comparative entre la Tunisie et des pays étrangers, que la majorité des pays démocratiques ont opté pour la constitutionnalisation de la défense. Dans son intervention quelque peu alarmiste, Nasr Ben Soltana a cité une série de menaces guettant la Tunisie, des menaces dont la solution résiderait dans l'intégration, aux niveaux culturel et juridique, de la notion de sécurité globale. En effet, les tentatives incessantes de forces étrangères tel l'Iran à travers des missions visant à convertir des citoyens au chiisme, l'intrusion de l'axe américano-qatari dans le pays ou encore la constitution de bases arrière d'Al-Qaïda dans la région du Maghreb arabe, le tout dans un climat d'affaiblissement des forces de sécurité intérieure et la montée de certaines milices parfois salafistes, démontrent selon lui l'importance de légiférer sur la sécurité globale. « Constitutionnaliser la sécurité globale est la garantie que celle-ci ne sera pas instrumentalisée par les partis politiques quelles que soient leurs orientations », conclut-il. Pour sa part, le colonel major Jamel Boujeh, directeur des affaires juridiques et du contentieux au sein du ministère de la Défense nationale, considère que le système juridique tunisien n'a jamais réellement pris en compte la question de sécurité globale. Pire, la sécurité nationale a été pervertie pour être utilisée comme prétexte afin de museler les forces démocratiques. Par ailleurs, il explique que la sécurité globale doit concerner tous les citoyens, car elle les concerne au plus haut point. Il est donc faux de penser que l'armée est le seul garant de la sécurité nationale. « Autoriser l'exploitation du gaz de schiste sans demander l'avis des citoyens ou l'interruption de l'exploitation du phosphate font aussi partie de la sécurité globale», fait-il observer. Le colonel major Jamel Boujeh conclut son intervention par un appel à l'élaboration d'un livre blanc sur la défense et la sécurité, un livre qui servira de socle à toute stratégie future de sécurité globale, comme cela a été fait en France. Pour une armée démocratique Intervenant dans le cadre d'une étude comparative entre la Tunisie et des pays étrangers sur la constitutionnalisation de la défense, le colonel major Mokhtar Ben Nasr rappelle que le système politique est généralement protégé par une armée, mais, de par le monde, l'histoire a prouvé que l'armée peut entrer en conflit avec le pouvoir politique et peut même se substituer au politique (les coups d'Etat dans bon nombre d'Etats arabes en sont la preuve). Il est donc nécessaire d'ériger des lois à même de contenir ce qu'il a appelé «la tendance naturelle de l'armée à l'agressivité». A la lumière de l'étude qu'il conduit, quelques principes de base ne doivent pas être oubliés ou délaissés par le législateur : il s'agit notamment de définir de façon claire le rôle des forces armées, de prohiber toute forme de police parallèle, d'encadrer les cas de proclamation de l'état d'urgence (afin qu'il n'y ait pas d'abus) et la nécessité de veiller à subordonner l'armée au pouvoir civil (et non pas le contraire). Le colonel Ben Nasr ne manque pas à la fin de son intervention d'affirmer que l'armée tunisienne a été exemplaire lors des événements du 17 décembre 2010 au 14 janvier 2011, soulignant la nécessite que l'armée garde ce rôle de protecteur de la démocratie.