Le glaive et le croissant, documentaire de l'Algérienne Faouzia Fekiri, a été projeté jeudi dernier au Théâtre municipal. Il fait partie de la programmation de Doc à Tunis. Voir ce film datant de 2000 dans la Tunisie de 2013 a plus d'un sens aujourd'hui. Avec les confrontations entre les salafistes et les forces de l'ordre, soutenues par l'armée nationale à Chaâmbi, le regard que le spectateur porte sur un tel film passe de «cela ne risque pas de nous arriver» à «cela n'arrive pas qu'aux autres». Dans Le glaive et le croissant, la caméra pénètre au cœur du cauchemar —de l'époque— algérien. «Guidée» par un islamiste armé et un policier, Faouzia Fekiri entre au maquis et suit les opérations antiterroristes, afin de mieux cerner cette guerre sans lignes de front. Ce que sa caméra filme, la réalisatrice l'alterne avec des images d'archives pour relater la tournure des événements. Les salafistes sont filmés à visage découvert, dans les camps d'entraînement et dans leur vie quotidienne. En parallèle, la réalisatrice suit les forces spéciales dans leur chasse aux salafistes armés. La Loi de la concorde civile leur a permis, s'ils se rendent aux autorités, de revenir à leurs familles, dans leurs villages, sans jugement ni punition. C'est que les années noires en Algérie ont tellement fait de ravages que les autorités ont eu recours à cette loi, pour stopper l'hémorragie. Le film montre comment la population s'est, à un moment donné, retrouvée entre l'enclume des salafistes et le marteau des autorités. La bataille entre les deux n'a pas manqué d'instrumentaliser les citoyens, parfois malgré eux. Pour contrer les salafistes, les autorités ont armé les civils qui sont devenus à leur tour une cible. Le paysage général est devenu celui d'une guerre civile. Dans le même temps, il n'y a pas une seule famille qui n'ait un fils, un cousin ou un frère qui ne soit au maquis. Ces familles ont dû propager l'information selon laquelle les salafistes ne seront pas torturés pour convaincre leurs enfants de descendre de la montagne. Le poids des malheurs qui ont eu lieu pèse encore sur les consciences et les cœurs. Cela se voit sur les visages et la vie quotidienne des Algériens qui ont payé très cher l'insurrection de la fin des années 1980. Le glaive et le croissant pourrait constituer une sonnette d'alarme pour les Tunisiens. Il permet également de comprendre pourquoi, entre autres raisons, le virus de la «révolution» n'est pas passé en Algérie, un pays voisin, alors qu'il a atteint des pays plus lointains. Dommage que les problèmes techniques ont privé les spectateurs des dernières cinq minutes du film. La qualité du son était, d'ailleurs, très mauvaise pendant tout le film. Cela n'a pas empêché le public de débattre de ce travail, en attendant le film suivant, un documentaire très important sur la guerre civile du Liban : Sleepless nights: l'amnésie de la guerre civile libanaise de Eliane Raheb (2010- 120').