La loi d'immunisation de la révolution refait surface et, cette fois, loin des déclarations purement politiques, ce sujet a été traité par des experts en droit, notamment constitutionnel, invités à l'occasion d'une conférence de presse tenue hier par Nida Tounès. En effet, après avoir subi des modifications, ce projet de loi devrait passer devant l'Assemblée nationale constituante au cours de cette semaine. Lors de cette conférence, Lazhar Karoui Chebbi, membre du comité constitutif de Nida Tounès, a affirmé que le projet de loi en question s'oppose au principe d'individualisation de la sentence. De même, il a indiqué que cette loi n'a pas pris en considération le principe du droit qui interdit la punition d'un délit ou pour une raison à deux reprises, faisant remarquer que les Rcdistes ont été déclarés inéligibles lors des élections de 2011. «Ce projet de loi, qui a connu des modifications, est une agression des droits de l'Homme. Il n'a pas de légitimité et s'oppose aux conventions internationales et à la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Entre autres, il s'oppose au préambule de la Constitution puisqu'il ne garantit nullement les droits et les libertés avec équité, c'est qu'il a segmenté le peuple, ôtant la citoyenneté à certains. Le baromètre du respect des droits de l'Homme demeure le critère majeur sur à la base duquel sont jugés les Etats démocratiques ou totalitaires», a-t-il expliqué. Selon Lazhar Karoui Chebbi, l'aspect discriminatoire de ce projet de loi est clair et vise des gens pour qu'ils ne participent pas aux élections. «Cette loi incrimine certains citoyens et les qualifie de corrompus tout en les privant de leurs droits citoyens et politiques», a-t-il ajouté. D'après lui, l'Assemblée nationale constituante a commis un hold-up sur les prérogatives de la Justice qui est la seule à pouvoir incriminer et à décider quant à ce genre d'affaires. De même, il a fait remarquer que ce projet exclut le peuple et limite ses choix pour les personnes à élire. «C'est le peuple, a-t-il souligné, qui a le droit d'exclure à travers les urnes». Idée permise, sans toucher aux droits fondamentaux Dans son analyse du texte du projet de la loi d'immunisation de la révolution, le professeur de droit public Farhat Horchani a indiqué que ce projet est une idée permise dans le sens de la protection de la révolution des corrompus de l'ancien régime. Cependant, il a souligné que dans aucun cas, ce projet de loi ne doit toucher aux droits fondamentaux. D'autre part, il a insisté sur la nature des peines qui doivent être individuelles et non pas collectives en se référant aux expériences vécues dans plusieurs pays à l'instar de la Bulgarie, l'Albanie, la Hongrie, la Macédoine et autres. «Cette loi a été adoptée, mais pas avant l'instauration des principes constitutionnels avec une constitution et des instances constitutionnelles. Il y a des calculs politiques qui sont derrière ce projet, alors que l'exclusion des hommes politiques dans plusieurs exemples de justice transitionnelle, en dépit de leurs accusations pénales, ne se fait qu'en garantissant tous leurs droits à se défendre. Dans le cas échéant, ce n'est pas le cas. Cette exclusion ne se fait qu'en l'existence d'une constitution, d'un tribunal constitutionnel et autres instances constitutionnelles. De même, il faut que cette loi respecte les conventions internationales ratifiées par l'Etat», a enchaîné Horchani. Calculs électoraux, pas plus ! L'opposition de ce projet de loi aux principes de la démocratie et aux principes généraux du droit, ainsi que le dépassement du pouvoir législatif de ses prérogatives en accaparant des prérogatives relevant du domaine de la justice sont deux points sur lesquels ont insisté les experts et professeurs de droit constitutionnel dont Horchani, Fedia Akacha et Rafaâ Ben Achour. Ce dernier, membre aussi du bureau exécutif de Nida Tounès, a indiqué que cette loi est une méthode hors normes légales et non morale pour éliminer des concurrents politiques. Il a souligné que la punition se fait sur des actes commis et non pour des postes politiques ou administratifs occupés. Pour sa part, l'historienne Kmar Bendana a fait remarquer que la loi d'immunisation de la révolution est entrée dans l'histoire contemporaine de la Tunisie avec Bourguiba. «Depuis, la Tunisie a intégré les courants militant pour les droits de l'Homme. Cette loi n'a aucun fondement et elle ne va pas avec la nature moderniste de la Tunisie», a-t-elle précisé. D'après Ridha Bel Haj, directeur exécutif de Nida Tounès, et Lazhar Akremi, son porte-parole, cette loi entre dans un processus politique entier visant à exclure des personnalités politiques rivales d'Ennahdha, qui veut les éliminer de la course électorale...