Le dernier film de Rachid Ferchiou, Shouk El Yasmine (Les épines du jasmin), est sur nos écrans depuis le 9 mai. Ce film a eu droit à une sortie très discrète, le réalisateur-producteur n'étant pas exigeant, puisqu'il a accepté de projeter son film en première matinée, à savoir 13h00 et 15h00 uniquement, cédant la place, en soirée, à d'autres films. C'est certainement à cause de ces choix que le public ne s'est même pas aperçu qu'il y avait un nouveau film tunisien qui se projetait quotidiennement. Après l'Accident, une intrigue réalisée il y a quelques années déjà, Ferchiou revient pour signer une nouvelle œuvre que nous avons encore du mal à définir. Shouk El Yasmine est l'histoire d'une boucle œdipienne, aussi cruelle qu'inexorable. C'est ainsi que son auteur la définit... Il s'agit d'une descente aux enfers d'un héros tragique qui n'en finit pas d'affronter son destin et d'expier sa faute, en dépit de vaines tentatives qu'il espère salvatrices, mais qui ne font que l'enfoncer davantage dans le désarroi. Le drame intime s'inscrit dans l'histoire d'un pays sur lequel souffle le sirocco en plein rêve de printemps. Le collier de jasmin prend alors les allures d'une couronne d'épines, digne de ce vers de Racine dans Phèdre : «Quand tu sauras mon crime et le sort qui m'accable, je n'en mourrai pas moins, j'en mourrai plus coupable», comme on le lit dans la brochure de présentation. Une présentation assez prétentieuse pour raconter une nouvelle intrigue et un drame psychologique autour de trois personnages centraux: le père, la fille, et l'amie-maîtresse. Suite au décès de sa femme, Sami (Néjib Rekik) sombre dans la dépression et tente de se suicider. Sa fille May, rôle campé par Nadia Boussetta, essaye tant bien que mal de le soutenir et de le faire sortir de sa mélancolie. Elle demande à Shirine (Meriyam Ben Mami), sa meilleure amie et fille de sa nounou, de séduire le père triste et taciturne pour lui redonner goût à la vie... Propos décousus Dès les premières séquences, on sent que le film a du mal à s'installer, les dialogues sont redondants et cela se ressent, surtout, quand May surprend son père tentant de se suicider. On a ainsi eu droit à de longues minutes, durant lesquelles elle redit presque les mêmes mots pour convaincre son père de se ressaisir et de s'accrocher à la vie. Tout au long de cette séquence, le père reste silencieux, tentant difficilement de faire couler des larmes ... C'est autour de cette histoire de la mère disparue et du deuil du père que toute la première partie du film s'étale en longueur avec la scène de la rencontre de la fille avec le médecin puis avec sa nounou à qui elle parle de l'état de dépression de Sami et de son refus de s'alimenter... Et lorsqu'elle part rejoindre son amoureux (photographe), les dialogues tournent bizarrement autour de l'histoire de la Tunisie... La rencontre entre amoureux devient une sorte de conférence sur la construction du palais beylical «Kobet Ennhas»... Les événements prennent une nouvelle tournure quand May décide d'emmener son père, son amoureux et sa meilleure amie Shirine à la villa familiale à Hammamet, histoire de changer d'air et de distraire le père endeuillé. A partir de ce moment-là, on a eu droit à un défilé de maillots de bain et à un étalage de scènes futiles et inutiles, entre petit déjeuner, farniente et promenades sur la plage. Ferchiou n'épargne aucun effort pour rendre son film aguicheur, il filme ses deux comédiennes principales, sous toutes les coutures. Il s'attarde sur le cadre féerique de la deuxième résidence de la famille, poussant à l'extrême le jeu de charme auquel Shirine s'adonne avec le père à la demande de la fille... Au bout de plus d'une heure de spectacle sans suspense et sans rebondissements, le film bascule, sans crier gare, dans une autre attitude, entre révélations, secrets découverts, adultère, inceste, et...la mise à feu de la maison par May. Trop d'éléments interviennent et se bousculent vers la fin, pour arriver à un dénouement pas du tout préparé par le traitement du film. En fin de compte, Rachid Ferchiou nous sert une pseudo-intrigue psychologique dont les mécanismes ne sont pas maîtrisés. Les nombreux remplissages, aussi bien côté images que volet dialogues, ainsi que les séquences vides d'éléments dramatiques, nous laissent perplexes face à cet objet filmique desservi par un jeu quasi absent du personnage du père, la vacuité de celui du photographe. Quant à Meryam Ben Mami, elle s'est limitée à être belle et séductrice. Nadia Boussetta, elle, se débattait à se trouver un dialogue qui appuierait son jeu. Une direction d'acteur dont l'inexistence sautait aux yeux. Shouk digest Réalisation : Rachid Ferchiou Production : Salammbô Production (Tunisie) Avec : Néjib Rekik, Jouda Najeh , Meryam Ben Mami, Nadia Boussetta, Lassaâd Jamoussi, Abdelmajid Lakhal... Producteur exécutif : Rachid Ferchiou Assistant réalisateur : Néjib Belhadi Script : Safa Messaâdi Directeur photo : Hazem Benrebah Ingénieur son : Moëz Echeikh Montage : Sahbi Khiari Musique : Rabiï Zamouri