Ecrivain, conteur, sculpteur et calligraphe, Naceur Khemir est surtout auteur-réalisateur de nombreux films, consacrés, pour la plupart, aux époques rayonnantes de la civilisation arabe. Pourtant, peu de travaux se sont intéressés à son œuvre, dans le monde arabe comme ailleurs, et ses films n'ont, jusque-là, pas eu l'écho qu'ils méritent. L'Association tunisienne pour la promotion de la critique cinématographique (Atpcc) a tenté d'y remédier en organisant un cycle de projections de ses films, cycle qui s'inscrit dans le cadre d'un atelier de critique et d'analyse filmique qui lui est dédié. Les projections ont démarré le 14 mai avec Les baliseurs du désert (1986) qui raconte l'aventure d'un jeune enseignant nommé dans un village où il n'y a pas d'école. «A travers le regard d'une jeune fille, il est aspiré par ce monde au temps singulier où se côtoient les Mille et Une Nuits, Cordoue, toute la force cachée d'une mémoire souterraine...». La deuxième séance a eu lieu une semaine plus tard, soit mardi dernier, avec Le collier perdu de la colombe (1991), un voyage singulier au pays du «îchq» et des autres soixante noms arabes de l'amour. Le troisième volet de ce que l'on peut considérer comme une trilogie est Bab'Aziz, le prince qui contemplait son âme (2005), où le réalisateur déterre les joyaux du soufisme qu'il polit par son propre regard. Ensuite, place au dernier film de Naceur Khemir, une œuvre d'une durée de 3 heures, une fiction intitulée A la recherche de cheikh Mohieddine (2012) et dédiée, comme son nom l'indique, à ce maître soufi, né le 28 juillet 1165 en Andalousie et mort le 16 novembre 1240, à Damas (Syrie). Cette projection sera un événement en lui-même qui se déroulera en présence du réalisateur, avec qui l'association organisera une rencontre-débat pour parler de son parcours et de son œuvre. De quoi couronner le cycle de projections et donner lieu à la rédaction d'articles critiques par les membres de l'association et les participants de l'atelier qui est, rappelons-le, ouvert au public. Avec la filmographie de Naceur Khemir, le cinéma, un art né il y a à peine une centaine d'années, est une fin en lui-même mais devient, surtout, le support d'un retour aux sources de la culture arabo-musulmanne, dans son essence la plus pure. La poésie de la parole embrasse l'esthétique de l'image pour un mariage digne des Mille et Une Nuits. Les films de Naceur Khemir sont aussi des œuvres qui disposent de leurs propres codes de lecture, d'où l'intérêt de cet atelier organisé par l'Atpcc. Par cette initiative, l'association marque, d'ailleurs, son propre retour aux sources et renoue avec sa principale vocation, celle de produire des textes critiques et de guider le public dans la lecture d'une œuvre cinématographique. Les textes issus de l'atelier seront édités dans une publication spéciale, mais l'activité autour de l'œuvre de Naceur Khemir ne s'arrêtera pas là. Elle s'étendra, en effet, à l'organisation, pendant la prochaine rentrée, d'un colloque sur le cinéaste, en partenariat avec une école de cinéma. La fin de l'année sera, également, marquée pour l'association par un retour sur les films de Naceur Khemir dans le cadre d'une semaine qui lui sera consacrée, où la publication de l'atelier sera présentée au public.