L'Association des magistrats tunisiens (AMT) a appelé, hier, le bureau de l'Assemblée nationale constituante (ANC) à convoquer une réunion avec les membres du comité de pilotage des élections de l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire (Ipoj) afin d'entamer leurs travaux et d'ouvrir la porte des candidatures aux élections des membres de l'Ipoj. Le bureau exécutif de l'AMT indique dans un communiqué qu'il «a avisé via une correspondance le président de l'ANC, Mustapha Ben Jaâfar, du retard pris dans la convocation des membres de la commission de pilotage des élections de l'Instance judiciaire dont la composition a été annoncée depuis le 21 mai dernier». Cette correspondance est motivée par la crainte des conséquences négatives de ce retard sur la mise en place de l'Ipoj. Cela d'autant que le samedi 1er juin le ministre de la Justice, Nadhir Ben Amou, a promis, lors d'une réunion avec des membres du bureau exécutif de l'AMT «de garantir le soutien nécessaire pour la tenue du Congrès des élections des membres de l'instance qui supervisera l'ordre judiciaire, dont notamment le pourvoi d'un local pour le Comité des élections de l'Ipoj». Les modalités de la tenue du Congrès des élections des membres de l'Instance de l'ordre judiciaire ainsi que le rôle imparti au ministère de la Justice sur ce point ont été au centre de cette réunion. Risque de retard Pour en savoir plus sur les conséquences de ce retard, nous avons approché Mme Raoudha Karafi, vice-présidente de l'AMT : «Si le comité de pilotage des élections des membres de l'Ipoj ne se réunit pas de si tôt, pour élire un président et un rapporteur, s'il ne dispose pas dans les jours qui viennent d'un local, la tenue du Congrès des élections de l'Ipoj sera sûrement retardée. Car le comité de pilotage doit, après l'élection de son président et de son rapporteur, ouvrir la voie aux candidatures et se donner un délai d'une semaine afin d'étudier les candidatures et vérifier si elles correspondent bien aux critères fixés. D'autre part, il faut qu'en parallèle les membres non magistrats de l'Instance soient élus au sein d'une assemblée générale de l'ANC. Si le congrès se tient d'ici fin juin, ou début juillet, le mouvement des magistrats pourra avoir lieu en août comme de tradition, sinon ce sera impossible. Franchement, ce retard n'est nullement justifié d'autant que neuf magistrats et six députés membres du comité de pilotage des élections de l'Instance ont été désignés et qu'il suffit de mettre à leur disposition un local. Nous avons également rencontré la vice-présidente de l'ANC, Mehrezia Laâbidi, qui, en concertation avec le président de la Constituante et le ministre de la Justice, nous a promis que l'ANC consacrera bientôt une réunion avec les membres du comité de pilotage des élections de l'Instance judiciaire pour qu'elle puisse entamer ses travaux dans les plus brefs délais». La responsabilité de la tutelle De son côté, l'Otim (Observatoire tunisien indépendant de la magistrature) appelle l'ANC à œuvrer afin que le comité de pilotage des élections de l'Ipoj se réunisse dans les plus brefs délais et que ses membres puissent prendre leurs fonctions selon la loi et puissent élire un président et un rapporteur, tout en rappelant la responsabilité du ministère de tutelle et de l'ANC dans cette opération. Contacté par téléphone, Ahmed Rahmouni, président de l'Otim, énumère les différentes étapes jusqu'aux élections des membres de l'Ipoj et craint qu'un retard ne reporte le mouvement des magistrats au-delà du mois de septembre alors qu'il y a des magistrats dont les mandats ont expiré: «Le comité de pilotage des élections de l'Instance doit se réunir au plus vite afin d'élire son président et son rapporteur et d'établir un calendrier pour les deux processus d'élections: le premier concerne les 10 magistrats qui sont élus par leurs pairs et le deuxième 5 membres non magistrats; des universitaires en droit dont deux cumuleront la qualité d'universitaire et d'avocat, qui seront élus lors d'une assemblée générale de l'ANC. Les 5 autres membres de l'Ipoj ont déjà été désignés ès qualité, soit Brahim Mejri, président de la cour de cassation et qui sera président de l'Ipoj, Ridha Ben Amor, procureur général auprès de la Cour de cassation, Mohamed El Affès, directeur des services judiciaires, Khaled Barrak, inspecteur général auprès du ministère de la Justice, enfin Nouri Kedidi, président du Tribunal immobilier. Une fois l'Instance judiciaire élue, elle établira un règlement intérieur et désignera un vice-président et un rapporteur». Maintenant, le rôle de l'Instance consiste essentiellement à assurer le mouvement des magistrats, notamment les désignations dans les fonctions judiciaires, les avancements et les mutations. «Ce mouvement a lieu d'habitude en août», précise Ahmed Rahmouni. Et de poursuivre : «L'année dernière, il a eu lieu en septembre. Il est de tradition que la préparation de ce mouvement se fasse au mois de mai. Or, l'Instance judiciaire n'est pas encore mise en place, le mouvement qui doit être assuré par l'Ipoj afin de ne pas retourner aux anciennes pratiques sera retardé. Il y va donc de la responsabilité du ministère de la Justice et de l'ANC afin de garantir la logistique et les moyens pour ne point retarder davantage le mouvement des magistrats. Ce pour quoi l'Instance de l'ordre judiciaire a été créée. Un plan d'action concerté par toutes les parties concernées — l'ANC, le ministère de la Justice, le comité de pilotage des élections de l'Ipoj et les représentations des magistrats — doit être annoncé dans la transparence la plus totale afin d'instaurer l'Instance judiciaire et consolider ses compétences dans les plus brefs délais».