Des jeunes bien bâtis demandent de l'argent à des passants sous prétexte qu'ils viennent des régions intérieures, qu'ils sont des étudiants sans ressources ou qu'ils ont perdu leur argent Un phénomène relativement nouveau ne cesse de se développer dans les grandes villes et particulièrement dans la capitale : il s'agit de ces jeunes, âgés entre 20 et 35 ans, qui tendent la main pour demander de l'argent. Ils choisissent leur endroit pour attendre une éventuelle personne aisée pour lui demander gentiment un peu d'argent pour manger. Près des distributeurs automatiques de billets par exemple, ces jeunes sont de temps en temps visibles. Il n'hésitent pas à s'adresser aux gens qui retirent de l'argent en ces termes : «Je viens de la région de Tozeur et je n'ai rien à manger. Pouvez-vous m'aider à acheter un casse-croûte, je vous serais bien reconnaissant». La religion islamique —comme toutes les autres religions d'ailleurs – recommande aux croyants d'aider leurs prochains qui se trouvent dans une situation embarrassante matériellement. Car, personne, même parmi les plus riches, n'est épargné par les affres de la vie et un jour tout peut basculer dans le sens négatif. Mais dépanner des jeunes, à qui les liquidités font défaut, ne doit pas être une action routinière car cela peut encourager cette frange de la société au farniente et à l'oisiveté. Actes punis par la loi Paradoxalement à cette montée en puissance du chômage temporaire des jeunes, plusieurs chefs d'entreprise dans le secteur du bâtiment et des agriculteurs ne trouvent pas une main-d'œuvre suffisante pour travailler. Il y a quelque temps, un agriculteur a été contraint de faire appel à des travailleurs étrangers (d'Afrique) pour faire quelques travaux agricoles! Dans l'administration publique, on nous apprend aussi que certains projets dans les régions à la charge des entreprises privées ont connu du retard faute de disponibilité de main-d'œuvre. L'un de ces chefs d'entreprise estime qu'il est prêt «à recruter immédiatement 100 agents d'exécution dans le bâtiment mais je n'ai pas pu trouver ce nombre de travailleurs, ce qui a eu des impacts sur la réalisation des projets». Une telle situation démontre trois choses : soit les jeunes ne sont pas bien informés de ces opportunités d'emploi disponibles, soit que ces jeunes ne veulent pas vraiment travailler dans les secteurs du bâtiment et de l'agriculture, soit qu'il n'y a pas de projets qui ont besoin de main-d'œuvre. Pour appuyer cette dernière thèse, un jeune, habitué à rester le plus clair de son temps dans un café s'est écrié : «Mais où se trouvent donc ces entreprises de bâtiment qui veulent recruter des agents d'exécution ? Personnellement, je suis prêt à travailler dans l'une de ces entreprises tout de suite». Le manque d'argent temporaire peut se transformer, il est vrai, en un besoin permanent et donc au chômage, voire aux actes punis par la loi. Certains jeunes fuient leur région en direction de la capitale dans le but de dénicher un emploi même pour quelque temps. En arrivant à Tunis, ils sont tout de suite confrontés à une réalité qu'ils n'ont pas prévue : pas d'emploi, ni des gens en mesure de leur fournir une aide matérielle, ne serait-ce que pour manger. Ces jeunes peuvent devenir des hors-la-loi pour subvenir à des besoins pressants, en l'occurrence garantir leurs repas de la journée. Ce n'est pas un hasard que le vol à l'arraché – qui a toujours existé, certes – est de plus en plus constaté parfois en plein jour et devant les passants. Il n'est pas rare de voir des jeunes s'attaquer à des dames et leur arracher des colliers ou des sacs, surtout dans le métro et dans les trains, avant de prendre calmement la fuite devant les usagers hébétés. D'autres cas de vol par effraction, par ruse ou même sous la menace, sont enregistrés de temps à autre, notamment dans le métro où l'on profite de la cohue pour soustraire un téléphone portable ou un portefeuille d'un usager distrait. Mendier dans la même rue Les jeunes qui demandent de l'argent des passants ne sont pas uniquement ceux qui viennent des régions de l'intérieur, mais aussi des étudiants – en tout cas, ils se présentent comme tels – qui ont perdu leurs cartes et ne peuvent donc pas accéder au restaurant universitaire. En fait, ces jeunes sont-ils vraiment en panne d'argent temporaire ou sont-ils des professionnels de l'arnaque ? Personne ne peut le vérifier d'autant plus qu'ils se déplacent fréquemment d'une zone à une autre et on ne trouve presque jamais la même personne à mendier dans la même rue. Cette mendicité temporaire ne concerne pas uniquement les hommes mais même les femmes et les jeunes filles s'y mettent. Rencontrée dans une grande surface, une dame raconte qu'elle a retiré une somme d'argent du distributeur mais au lieu de mettre les billets dans son porte-monnaie, elle les a jetés par mégarde dans la rue. Et la voilà qui se trouve sans argent. «Pourtant je suis obligée de faire les courses pour préparer le repas de mes enfants», précise-t-elle. Et de demander aux cœurs tendres de l'aider avec un peu d'argent pour faire ses emplettes. Certes, on ne peut pas accuser tout le monde de mauvaise foi car chaque citoyen peut être exposé à de tels cas et se trouver même temporairement sans argent. Mais ce qui devrait attirer l'attention, c'est que ces cas se multiplient à Tunis et dans les grandes villes. Ces mendiants d'un autre genre s'ajoutent, bien sûr, aux mendiants habituels que l'on trouve dans les principales artères de la ville, dans le métro et le train. Certains restent dans le même endroit alors que d'autres font le va-et-vient. On en trouve de toutes les catégories : des handicapés, des femmes, des vieux et même des enfants mais rarement des jeunes en bonne santé. Ces derniers se sont plutôt spécialisés dans la mendicité temporaire et gare à celui ou celle qui ose ne pas répondre à leur demande. Ce sont surtout les jeunes filles qui s'inquiètent le plus quand elles rencontrent ces jeunes car ils sont capables de tout surtout quand on n'acquiesce pas à leur demande en leur donnant quelques pièces de monnaie. D'où la nécessité de renforcer la sécurité dans certaines artères toute la journée pour barrer la route devant ces jeunes. Il serait idéal également de créer un Fonds de charité auquel pourrait se rendre tout jeune en panne d'argent pendant quelque temps pour le dépanner et lui garantir au moins les repas du jour. Ce Fonds devrait être géré de façon très simple pour éviter les procédures longues qui rendent le déblocage de l'argent difficile et surtout long.