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«En voulant contenter tout le monde, Ghannouchi est devenu l'otage d'une poignée de conservateurs»
Entretien avec : Abdelfattah Mourou, vice-président du mouvement Ennahdha:
Publié dans La Presse de Tunisie le 19 - 06 - 2013

Contesté et hué par des slogans hostiles lors de la cérémonie du 32e anniversaire d'Ennahdha, célébré à la coupole d'El Menzah, Abdelfattah Mourou a été contraint d'interrompre son allocution.
Il faut dire que les relations entre le vice-président et son mouvement ne sont pas au beau fixe. Qui en veut au cheikh au point de l'humilier ? Qui use de règlement de comptes pour le faire taire, l'isoler et le marginaliser?
Mourou, le fondateur d'Ennahdha, alias MTI (Mouvement de la tendance islamique) il y a 32 ans, révèle ici son regard sur son mouvement : qui en tire les ficelles, quelle est la position de Ghannouchi au sein du parti, quelles sont les raisons de son refus du projet de loi de l'immunisation de la révolution ?
Enfin, l'activiste politique nous dévoile ce qu'il compte faire au cas où son parti ne prend pas position sur les incidents de la coupole d'El Menzah; rester, malgré tout, ou quitter le parti ? That is the question.
Mourou a également répondu à beaucoup d'autres questions d'actualité brûlante. Nous l'avons interviewé chez lui à La Marsa dans sa maison douillette et non moins baroque. Il s'est adonné au jeu des questions-réponses avec sa spontanéité, sa présence d'esprit, son sens de l'humour beldi et son franc-parler habituel. Entretien.
Le divorce semble consommé entre vous et le mouvement Ennahdha : au cours de la cérémonie fêtant le 32e anniversaire de sa création, vous avez interrompu votre allocution vu les slogans hostiles qui ont été lancés à plusieurs reprises. Dites-nous pourquoi cette insistance à rester au parti malgré votre marginalisation et les allers-retours au sein du mouvement tels votre démission en 1992 et votre retour en juillet 2012 en tant que vice-président au sein du bureau politique ?
Ce qui se passe, aujourd'hui, à mon encontre au sein d'Ennahdha n'est ni naturel ni normal. En 1991, j'ai demandé des éclaircissements concernant les actes de violence. En vain. Je n'ai jamais changé de parti ou œuvré contre ses intérêts. Au contraire, je suis le seul à être resté en Tunisie avec toutes les conséquences que vous connaissez, entre prison, insultes, marginalisation, répression, etc. Je suis le seul à n'avoir jamais tendu la main à Ben Ali. Tous ont marchandé sauf moi. J'ai uniquement négocié avec Bourguiba en 1983 avec l'autorisation du mouvement, donc publiquement. Bref, après le 14 janvier, quand le parti s'est activé de nouveau, mon nom n'a pas figuré sur la liste des fondateurs.
Quand j'ai posé la question sur les raisons de cette omission on m'a répondu qu'il ne s'agissait que d'un simple oubli. Lors du congrès de juillet 2012, j'ai réintégré le parti, mais à condition d'avoir la liberté d'énoncer publiquement mes points de vue et opinions. Ce qu'exige, d'ailleurs, l'étape. Mais les arrière-pensées des uns et des autres à mon encontre n'ont pas disparu puisqu'on m'a offert le grade de vice-président et on m'a privé de la fonction. C'est juste un titre flanqué de deux conseils dont «Majliss echoura» où seulement quelques personnes ont le pouvoir de décision. Parce que la majorité de ce conseil constitué de 150 personnes n'a ni les données, ni les dossiers, ni les études nécessaires pour statuer sur n'importe quelle affaire et prendre les décisions les plus idoines. Cela à telle enseigne que tous se retrouvent emportés par un courant qu'ils ne dominent pas.
Bref, l'incident de la coupole d'El Menzah est d'autant plus bizarre et anormal que le matin même à l'Africa alors que je n'étais pas programmé, j'ai fait un speach de 45 minutes qui s'est achevé sous les applaudissements, les rires et les pleurs des uns et des autres. Or, l'après-midi à la coupole d'El Menzah, à peine ai-je pris la parole, juste après trois minutes, j'ai été interrompu par des slogans hostiles à ma personne.
Etait-ce le même public du matin ?
Non, c'est le public des bagarreurs.
Qui l'a envoyé ?
Le mouvement même, plus précisément l'administration d'Ennahdha dirigée par Abdelhamid Jelassi, chargé de l'organisation administrative interne. C'est cette administration qui s'est occupée de ces gens-là, qui les a transportés par bus, leur a communiqué les slogans, etc. Voilà la manière avec laquelle certains veulent œuvrer. Ce qui est inadmissible.
Soupçonnez-vous ceux qu'on appelle «les faucons», l'aile dure d'Ennahdha, Chourou et Ellouze, entre autres ?
Non Chourou et Ellouze sont des marginaux au sein du mouvement. Ceux qui ont monté «la pièce» de la coupole sont des gens de l'administration qui orientent les événements et les décisions selon le tempo des choix du mouvement. Ceux qui font les grands choix et impulsent les orientations du parti sont très peu nombreux. Rached Ghannouchi, le président du mouvement, est entouré d'un noyau d'individus connus de tous et qui sont chargés de la communication, des négociations et autres.
Ils ne font pas partie du gouvernement, mais ils dirigent le parti. Or, cette réalité ne plaît pas et je me suis retrouvé comme une feuille emportée par le vent. Car qu'ai-je dit à la coupole ? Sinon que l'exclusion dont a souffert Ennahdha ne devrait pas être appliquée par ce même parti à d'autres, j'ai conseillé aux partisans d'éviter de le faire en déclarant: «Vous qui avez été touchés dans votre liberté et dignité, ne touchez pas à la dignité et à la liberté d'autres concitoyens».
Si je ne peux me permettre de tenir de tels propos au sein de mon mouvement, où puis-je les tenir alors ? Si on m'interdit de parler lors de pareilles occasions où puis-je le faire ?
Si on ne désire pas que je parle, pourquoi m'inviter ? Qu'on me dise reste chez toi, mais si on croit que je suis bon pour le décor, c'est se tromper sur toute la ligne. Je ne serai jamais juste bon pour le décor.
Je dirai toujours ce que je pense des orientations du mouvement. D'ailleurs, je l'ai dit à Ghannouchi en personne: l'idée de l'immunisation de la révolution est dangereuse, injuste et contre-productive, car ceux qui désirent l'immunisation de la révolution auraient dû le faire il y a deux ans mais non pas aujourd'hui quand les élections sont à nos portes. Car ceux qui sont contre cette immunisation pensent qu'il s'agit de l'immunisation d'Ennahdha contre ses adversaires politiques.
N'avons-nous pas été victimes de l'exclusion ? Ben Ali ne nous a-t-il pas exclus ? Comment pourrions-nous faire subir aux autres, qui sont nos propres concitoyens, la même exclusion ? Moi je dis que la seule immunisation possible devrait se faire à travers des réalisations et des acquis sociaux et économiques.
Pourquoi, selon vous, le parti Ennahdha tient-il à cette immunisation de la révolution ?
Quand on est incapable de résoudre les problèmes, on se donne une légitimité révolutionnaire. Or, Ennahdha oublie que la légitimité révolutionnaire n'est autre que la concrétisation de réalisations et d'acquis.
Quand on ne réalise aucun acquis et qu'on veut utiliser la révolution ou le wahhabisme pour se protéger, je dis non. Comment Ghannouchi s'est-il permis, lors de la contre-manifestation organisée par Ennahdha suite aux obsèques de Chokri Belaïd, de monter sur le podium avec à sa droite Habib Ellouze et à sa gauche Béchir Belhassen ?
Quand la manifestation s'est terminée, j'ai pris le téléphone et j'ai dit à Ghannouchi : «Aujourd'hui, Ennahdha est fini !».
Pourquoi donc ?
Parce qu'Ennahdha est, depuis 40 ans, un projet progressiste, porteur de pensée et de civilisation.
Le parti s'est empêtré dans les règlements de comptes internes à travers des attaques systématiques de certaines personnalités. Comment expliquez-vous que le journal El Dhamir insulte systématiquement Mourou et Jebali ? Or étant activiste au sein de mon parti, je me demande qui sont-ils ces gens qui m'insultent sur les colonnes de ce journal ?
Les règlements de comptes se perpétuent également sur les réseaux sociaux dans le but d'évincer un courant politique au sein du parti. Ce qui relève du style propagandiste hitlérien qui a échoué d'ailleurs.
C'est un style et une manière de faire qui n'a rien d'islamique. Ces gens-là défendent leur désir de pouvoir, moi je suis contre le pouvoir, on m'a même proposé un ministère, mais j'ai refusé.
Rached Ghannouchi a changé quelque peu sa position sur l'immunisation de la révolution, proposant, entre autres, que les concernés demandent pardon au peuple avant de retourner à la vie politique.
Dieu fasse qu'il soit capable de convaincre les autres au sein d'Ennahdha sauf si cette question est entre les mains d'une seule personne. Autrement dit, Ghannouchi lui-même. Tous savent que la loi de l'immunisation de la révolution ne peut pas passer et je suis puni parce que je l'ai clairement dit.
Pensez-vous que ce sont les faucons qui jouent leur va-tout contre les modérés comme vous au sein du parti ?
C'est plutôt la machine d'Ennahdha qui broie ceux qui sortent des rangs. Et Rached Ghannouchi l'a bien dit. Moi je refuse d'imposer mes points de vue et mes opinions au moyen de la machine.
D'aucuns estiment qu'Ennahdha est demeuré un mouvement secret comme auparavant. Etes-vous d'accord ?
C'est vrai, Ennahdha n'est pas encore un parti politique et il agit encore avec la mentalité des années 70 et 80. Pour devenir un parti il faut changer les institutions du mouvement et des personnes à leur tête.
Pour cela, Ghannouchi doit-il quitter le parti comme vous l'avez déclaré, au magazine Marianne, il y a quelques mois ?
J'ai déclaré qu'il devrait partir s'il n'acceptait pas les réformes. J'aime et je respecte Rached Ghannouchi, je n'ai pas de problèmes personnels avec lui. En voulant contenter tout le monde, Ghannouchi s'est retrouvé pris en tenailles et l'otage d'une poignée de conservateurs qui refusent toute réforme du parti.
Enfin, avez-vous décidé de partir ou de rester au sein d'Ennahdha ?
Je n'ai pas encore décidé de rester ou de quitter Ennahdha, j'attends que le mouvement prenne position sur ce qui s'est passé à la coupole. Hamadi Jebali m'a soutenu personnellement en tant que secrétaire général. Je l'ai remercié. Mais les institutions qui dirigent le mouvement ont répondu que «c'est la position de la base qu'on ne peut faire taire». Alors j'en conclus que c'est moi qu'ils veulent faire taire. Mais je leur réponds: apprenez à votre base comment elle doit se comporter avec un dirigeant du parti, je ne comprends pas comment on la lâche pour insulter et attaquer verbalement des dirigeants. Ça tourne au règlement de comptes.
Et si le mouvement ne prend pas position sur l'affaire de la coupole, que feriez-vous ?
Vous voulez peut-être que je laisse la place à ceux qui veulent me priver de mon droit de m'activer dans le parti que j'ai fondé ? Pourquoi seraient-ils prioritaires, ils sont six ou sept à dominer le mouvement.
Ma position est délicate et je ne veux pas donner l'impression de faire des allers-retours, comme vous l'avez relevé, car je n'ai pas migré d'un parti à l'autre. Si j'avais des ambitions politiques j'aurais migré vers un autre parti et travaillé en son sein.
Plusieurs partis m'ont sollicité. Mais je ne cherche pas une place dans un autre parti, je veux avoir ma place dans mon propre parti et tirer une force et un appui de la base. Plusieurs d'entre elle croient en mes principes mais ceux qui ont confisqué le parti ne leur ont pas permis de s'exprimer. Il faut donner à ces gens l'opportunité de s'exprimer, de choisir, de participer aux orientations. Je pense, en outre, qu'il existe au sein d'Ennahdha un courant capable d'adopter la pensée progressiste et l'ouverture d'esprit en ce sens que l'unicité de la culture est contre-productive. Le mouvement devrait s'ouvrir à toutes les cultures.
Mais si ce courant n'agit pas, ne bouge pas, que feriez-vous?
Si le courant progressiste ne bouge pas, je quitterai le parti avec à l'esprit trois éventualités : créer un parti, me consacrer à la prédication ou alors me reposer.
Avec qui allez-vous créer ce parti ? Avec Hamadi Jebali peut-être ?
Je n'ai pas encore réfléchi. Je vous ai parlé d'hypothèses.
Que pensez-vous du soutien indéfectible apporté par Ennahdha à l'ancien ministre des Affaires étrangères, Rafik Abdessalem, dans l'affaire dite «Sheratongate». N'est-ce pas là influencer la justice ?
Il s'agit d'une querelle politique et le soutien apporté par Ennahdha à Rafik Abdessalem est normal et naturel car on a voulu «griller» Ghannouchi à travers son gendre. La blogueuse Olfa Riahi qui a sorti l'affaire a été utilisée par le CPR, dit-on. C'est une carte contre Ghannouchi et c'est donc normal que le mouvement apporte son soutien à Rafik Abdessalem. Mais du point de vue judiciaire, si les faits sont réels et prouvés, nous sommes tous égaux devant la loi et la justice.
Concernant les événements dramatiques de Jebel Chaâmbi, vous avez récemment déclaré : «Je crains un scénario à l'algérienne». Le pensez-vous encore ?
Il s'agit d'une guérilla menée par des terroristes, mais notre armée est-elle préparée à ce genre de combat ? Car il s'agit de personnes qui posent une mine antipersonnel dans la montagne puis descendent vendre des carottes et des navets au marché. Il ne s'agit ni d'agenda extérieur, ni de pièce de théâtre, ces terroristes sont de passage et ne peuvent s'éterniser chez nous car la superficie du pays n'est pas très grande et dans les régions, tout le monde se connaît. Maintenant, il est difficile de dire que ce sera un scénario à l'algérienne car depuis, les salafistes se sont calmés parce qu'ils ont senti le danger et ont compris que la barque peut se noyer avec tous ceux qui sont à bord. Le pays peut plonger et s'enfoncer. Or, personne n'y a intérêt.
Que pensez-vous des déclarations de Sahbi El Amri concernant l'exfiltration de Ghannouchi par Ben Ali vers l'Algérie dans une voiture officielle ?
Je n'ai pas les données historiques et en cette période-là, mes activités politiques étaient gelées.
Les députés de l'opposition ont déclaré que la dernière mouture de la Constitution a été taillée sur mesure par le rapporteur général, Habib Khedher, pour Ennahdha. Qu'en dites-vous ?
Il ne s'agit que d'un projet de constitution qui peut être refusé en séance plénière.
Mais l'absence de consensus sur ce projet pourrait nous conduire au référendum et retarder les élections et allonger indéfiniment la période transitoire...
Celui qui voudra rester indéfiniment au pouvoir est fou et détournera de plus en plus les gens de lui. Parce que les temps s'annoncent durs et difficiles économiquement et socialement, notamment avec les problèmes des caisses sociales : Cnss, Cnrps, Cavis, Cnam, etc. Le pays s'enfonce dans la crise. A mon avis, il faut rapidement passer aux élections et céder le pouvoir à ceux qui les remporteront afin de stabiliser le pays et d'œuvrer à son développement.
Justement, on dit qu'Ennahdha refuse l'alternance par crainte d'une nouvelle répression contre ses membres, autrement dit le retour en prison de plusieurs parmi eux. Etes-vous d'accord avec ce point de vue ?
C'est impossible, cette histoire. L'opinion publique n'admettra jamais ça. Même au temps de Ben Ali, la plupart des détenus nahdhaouis ont été emprisonnés mais pas tués. Supposons et admettons, par exemple, qu'une centaine de personnes soient traduites en justice, où est le problème ? Le parti continuera bel et bien à exister non ? Mais au fond, je ne crois pas à ce genre d'arguties...
On croit savoir qu'un sondage confidentiel commandé par Ennahdha a révélé que son taux de réussite aux prochaines élections ne serait que de 9 à 12%. Est-ce vrai ?
Franchement, je n'ai aucune information. Mais Ennahdha atteindra, à mon avis, un taux de 18% aux prochaines élections.
Pourtant, Ghannouchi a déclaré : «Nous gagnerons les élections maintenant, après et après...». Etes-vous d'accord ?
Je pense que chacun devrait plutôt faire des alliances, car Ennahdha ne peut pas gagner tout seul les élections. La Troïka est en miettes et au mouvement d'Ennahdha de trouver un ou d'autres alliés. A mon avis, Nida Tounès et Ennahdha seront en pole position, il faudrait donc un autre parti pour faire l'équilibre. Et ce parti sera très important et précieux.
Est-ce que cela pourrait être le parti Al Joumhoury car d'aucuns avancent, par ailleurs, que Ahmed Néjib Chebbi pourrait être soutenu par Ennahdha en tant que candidat à la présidentielle?
Oui c'est possible que cette formation soit le parti de l'équilibre, car on voit que Ahmed Néjib Chebbi s'approche d'Ennahdha mais Ennahdha est imprévisible. On ne peut donc affirmer les choses à 100%.
Selon vous, Jebali sera-t-il le candidat d'Ennahdha ?
Je ne sais pas mais s'il se présente en indépendant, il n'aura pas de machine derrière lui pour assurer sa victoire.
Quel est alors le meilleur candidat pour Ennahdha.
Je ne sais pas.
Allez-vous vous présenter à la présidentielle ou aux législatives ?
Ni l'une, ni l'autre. Mais laissez-moi vous dire que le candidat à la prochaine présidentielle devrait être l'objet d'un consensus et qu'il devrait être choisi par l'ensemble des familles politiques. Car s'il est issu d'une seule famille politique, toutes les autres vont le détruire.
Qu'on prenne exemple sur les élections du bâtonnier des avocats dans les années 70. Il y avait consensus sur le candidat qui était élu d'office. Je pense que Béji Caïd Essebsi aurait pu être le candidat du consensus s'il n'avait pas créé son parti. BCE a gaffé en fondant Nida Tounès. Il aurait eu l'assentiment aussi bien des islamistes que celui de la gauche, des centristes et des destouriens.
Mais avec très peu de prérogatives prévues par le Destour, le président pourrait-il agir et faire des réalisations ?
Oui c'est possible...
Moncef Marzouki, l'actuel président, a-t-il fait quelques réalisations selon-vous ?
Il n'a pas fait des choix clairs. Il a multiplié les rencontres sans grande organisation, ni apport. Il aurait pu s'en tenir à 4 ou 5 causes, telles qu'une campagne pour l'emploi, dix mille personnes par exemple, ou une campagne du genre "un logement pour tous" ou encore une campagne nationale de propreté ou d'alphabétisation. Mais il a raté le coche.
Vous étiez dans l'ordre soufi El Madaniya, y êtes-vous encore? Avez-vous réagi aux attaques et incendies des mausolées des saints ?
J'ai encore des relations avec cette confrérie soufie. J'ai visité les mausolées qui ont été incendiés. J'ai dénoncé et condamné la destruction de ces lieux qui appartiennent à notre patrimoine et à notre histoire.
Vous sentez-vous toujours menacé comme vous l'avez déclaré récemment ?
Je suis aimé de tout le monde, mais je me sens seul. Je ne dispose pas de machine derrière moi. Je n'ai pas peur, la vie et la mort sont entre les mains d'Allah.


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