ISTANBUL (Reuters) — La Turquie, en pointe dans la dénonciation de l'abordage sanglant par la marine israélienne d'un bateau turc il y a une semaine, a invité la conférence asiatique qui s'est ouverte hier à Istanbul à sanctionner Israël et à demander la levée du blocus de Gaza. Des dirigeants russes, iraniens et arabes sont présents à cette conférence sur la sécurité régionale qui devrait accentuer un peu plus l'isolement d'Israël. La réunion, hier, de représentants de la Cica (Conférence sur l'interaction et les mesures d'élaboration de la confiance en Asie) sera suivie aujourd'hui du sommet proprement dit. Le Président iranien Mahmoud Ahmadinejad et son homologue palestinien Mahmoud Abbas sont au nombre des huit Chefs d'Etat qui participeront à ce sommet. Le Président syrien Bachar Al Assad, bien que son pays ne soit pas membre de la Cica, y participera à titre d'invité. Le Premier ministre russe Vladimir Poutine est également présent. Israël, qui est l'un des vingt membres de ce forum, a décidé d'y envoyer un diplomate de son consulat d'Istanbul, plutôt que d'exposer une personnalité de plus haut rang à l'indignation provoquée par la mort de neuf militants turcs pro-palestiniens tués dans l'opération commando israélienne du 31 mai. La Turquie compte bien faire monter la pression sur Israël pour que cet Etat lève le blocus auquel il soumet la bande de Gaza. Cette dynamique diplomatique se poursuivra demain par une réunion des ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe à Istanbul, dans le cadre du "forum de coopération turco-arabe". "Politique intolérable" "Israël a commis un crime contre le droit et les règlements internationaux", a dit le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, lors d'une conférence de presse avec ses homologues afghan et pakitanais avant l'ouverture de la séance. Il a exhorté Israël à accepter une enquête internationale sur le raid de lundi dernier, une idée que les Israéliens ont déjà repoussée. Dimanche, sur CNN, Davutoglu a qualifié d'"intolérable" la politique d'Israël envers les Palestiniens. "La Turquie a été l'un des premiers pays à reconnaître Israël. Mais maintenant nous ne pouvons tolérer la politique de la tension, le blocus de Gaza, les sanctions collectives, l'attaque de civils dans les eaux internationales. Tout cela, nous ne pouvons le tolérer", a-t-il dit. "Si la Cica est l'Ocde de l'Asie, alors la déclaration finale du sommet devra parler de l'attaque israélienne", a dit pour sa part un autre responsable turc. "Si un tel raid avait été mené en Hongrie, par exemple, tous les pays de l'Ocde auraient eu leur mot à dire", a-t-il ajouté, faisant référence à l'Organisation pour la coopération et le développement économiques. Le chef de la diplomatie pakistanaise, Shah Mehmood Qureshi, a également condamné "l'agression injustifiée contre la flottille de la liberté. Nous sommes à vos côtés, a-t-il dit à son homologue turc. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a jugé vendredi qu'Israël devait être sanctionné après cet assaut. "Plus rien ne sera pareil" dans les relations entre Ankara et l'Etat israélien, a-t-il dit. La Turquie, seul pays musulman membre de l'Otan, aspire à devenir une puissance régionale de premier plan et à entrer dans l'Union européenne. Ses détracteurs estiment que le gouvernement d'Ankara, issu de la mouvance islamiste modérée, risque d'aller trop loin en cherchant à nouer des relations plus étroites avec des pays du Proche-Orient dans lesquels l'Occident n'a pas confiance. La Cica a été mise sur pied au début des années 1990 par le Président kazakh Noursultan Nazarbaïev, dont le pays a accueilli deux de ses sommets par le passé.