Il dénonce un projet occulte d'islamisation de la culture qui ne toucherait pas le seul festival phare de la banlieue sud. Après l'annonce, via communiqué, de l'annulation de la 34e édition du festival de Boukornine dans la version qu'il a préparée, le comité directeur du festival a tenu une conférence de presse, mardi dernier à l'espace El Hamra, afin d'expliquer les raisons de cette décision et de sa démission. A la tête du festival qui devait se tenir du 11 juillet au 6 août, Leïla Toubel était derrière le micro pendant la conférence. Tout porte à croire que le comité démissionnaire pose problème pour les autorités et pour la ligue de défense de la révolution de Hammam-lif. Leïla Toubel a expliqué que les tentatives de sabotage se sont manifestées depuis l'année dernière avec des affiches déchirées et des appels à boycotter le festival sous forme d'une campagne sur Facebook. «Une bataille politique» Cette année, devait-elle ajouter, la démarche des saboteurs est devenue plus méthodique. D'abord, le délégué de Hammam-Lif a appelé à la tenue de réunions pour décider des critères de sélection du comité du festival de Boukornine, une tâche qui revient au délégué régional de la culture qui s'est montré effacé face à la mainmise du délégué. Ensuite, les membres de la ligue de protection de la révolution de Hammam-lif ont proposé des élections, ce que le comité présidé par Leïla Toubel a refusé, considérant que le choix s'opère sur la base de projets. Le leur a été présenté au ministère de la Culture depuis le 23 janvier, sans réponse. Ce n'est que le 27 avril que le ministère a donné son accord, le même jour où le comité directeur du festival de Boukornine avait organisé une conférence de presse de dénonciation. Leïla Toubel et son équipe n'étaient pas au bout de leurs peines. En effet, depuis cette date aucun travail de restauration n'a été effectué au théâtre de plein air de la ville malgré les sollicitations répétées de la municipalité. Pire encore, jusqu'au 20 juin, aucune subvention n'a été versée sur le compte bancaire du festival, à part les 20.000 dinars qui l'ont été le jour même de la conférence du 25 juin. Le festival aura lieu Le ministère a annoncé, via communiqué encore une fois, que le festival aura quand même lieu. «Il aura lieu sans nous», a répondu Leïla Toubel, au nom de son comité, «mais il aura lieu comme on l'a souhaité», a-t-elle encore déclaré, puisque le ministère a récupéré le programme élaboré par ce comité. Distribué avec le dossier de presse pendant la conférence, on y trouve l'Orchestre symphonique tunisien en ouverture, Hüsnü Selendirici, la Rachidia, Souad Massi, Ghalia Ben Ali, Sonia M'barek, Leila Hjaïej, Lena Chamamyan et la pièce «Monstranum's» en clôture. Projet d'islamisation des festivals d'été La réaction de la municipalité de Hammam-lif a complété le puzzle, son premier responsable ayant annoncé à Leïla Toubel que la subvention habituellement allouée au festival de Boukornine sera, cette année, partagée entre ce dernier et le festival de la Médina de Hammam-lif —un nouveau-né avec des spectacles gratuits et beaucoup de moyens— avant de lui confier que «la bataille est politique» et qu'«ils» ont un problème personnel avec Leïla Toubel. Le comité directeur a quand même tenu bon, espéré recevoir la subvention du ministère de la Culture et collaboré avec une société privée pour le sponsoring, mais rien n'y fit. Face au mutisme du ministère, le comité a décidé de se retirer. Leïla Toubel dénonce tout simplementt «que le festival ait été lâché par ceux qui prétendaient soutenir la culture». Pendant la conférence, et malgré les avis des intervenants qui lui demandaient de ne pas céder, l'artiste et ex-directrice du festival de Boukornine a expliqué que c'est un combat de dignité, où le comité préfère partir plutôt que de servir un produit mal organisé. Elle a, enfin, appelé le public et les artistes à ne pas boycotter le festival et à contribuer à sa réussite. Pendant la conférence, Leïla Toubel a attiré l'attention sur la situation similaire de plusieurs festivals de par la Tunisie dont les comités subissent des pressions, dans un dessein d'islamisation des festivals d'été. Elle a appelé ces comités à s'exprimer dans les médias et à dénoncer de telles pratiques. La sonnette d'alarme est tirée !