Nous essayons à travers cette rubrique de présenter des lieux de culture où règne la convivialité. La galerie Le Damier est un espace accueillant pour des artistes en devenir, amis ou élèves du maître des lieux, Sylvain Monteleone. Ils peuvent y voler de leurs propres ailes et se forger une signature à part. L'espace accueille aussi, bien sûr, le public dans sa diversité, adultes amateurs et enfants; et il leur est possible de découvrir les rudiments de la peinture. Les enfants sont accueillis par Selma Chérif (le mercredi). Elle s'occupe de la galerie chaque jour. Les adultes sont pilotés par Sylvain Monteleone le mardi et le jeudi. L'espace modulable de la galerie est scindé en deux, pour permettre à la fois la tenue des expositions personnelles ou collectives et le travail des ateliers. Le concepteur C'est Monteleone qui conçoit l'aménagement et les détails du mobilier ingénieux : tables pivotantes, chevalet «double face», vitres colorées, dalles transparentes au sol et tout cela fait l'esthétique unique du Damier (n'oublions pas le damier géant en relief suspendu au plafond). L'autre originalité de ce lieu attirant réside dans les textes de présentation des expositions rédigés sous le double signe du jeu de mots et du surréalisme… Dessin à dessein C'est le titre de l'exposition qui court jusqu'au 10 février. A chaque événement correspond une certaine mise en scène. Si elles ne sont pas toutes organisées de façon thématique, les expositions sont guidées par un fil poétique. Ainsi Lamia Guemara avait organisé sa prestation autour des voitures qui durent une éternité à Cuba, l'île des restrictions et de la débrouille. Elle a associé voitures mythiques et figures tutélaires, politiques et artistiques de l'île… Mise en scène et ivresse de la couleur Dans l'exposition actuelle, plusieurs participantes, dont Lamia, multiplient les dessins à dessein. Elles ont un but particulièrement : l'éclat de la couleur pour rendre plus chaleureux l'univers. Par ailleurs, Lamia Guemara sollicite notre dévouement avec trois visages en gros plan, l'homme, la femme, l'enfant, trois visages devant lesquels sont posés des barbelés. A nous d'évoquer les drames de l'actualité. Monteleone propose des dessins de foule, renouant avec sa première manière. Sa maîtrise emporte l'adhésion. On regrette seulement l'absence de titres. Héla Msellati restitue en trois tons et de savants coups de pinceau la notion saisissante du rythme en des couples dansant «tango, lambada, flamenco». Elle se repose de ces rythmes effrénés dans une «attitude et «un village». Avec des couleurs aveuglantes et des effets de profondeur, Selma Cherif Dziri propose un «portrait de famille» où des têtes forment un bouquet, elle impose un hommage à N. Belkhodja, sensible et ordonné à la fois. «La leçon de dessin» unifie le motif peint et la page quadrillée pour un exercice pictural. On partage une ivresse de couleurs : «rouges dédales» et «vert sud»… A l'opposé, Malek Esset préfère des ciels pastels… Emna Berrouhma joue de plus de nuances chatoyantes et pose élégamment sur la couleur des silhouettes japonisantes de barques ou de bâtiments en un portrait noir à la Dufy. Elle correspond, elle compose avec la citation du dépliant d'invitation : «Je ne suis ni dessinateur ni peintre mais mes dessins sont de l'écriture dénouée et renouée autrement.» Cocteau parle ainsi et Monteleone le rejoint tout à fait par un dessin, un tracé noir sobre et vif. Si le dessein n'est pas toujours lisible, chaque personne qui expose ici émet une vibration particulière sans suivisme avec sa personnalité et son énergie. Les élèves ont évolué en toute liberté. C'est sans doute le maître mot de l'expo et du lieu.