Par Dr Moncef Guen* La stimulation de la croissance s'est traduite par l'inflation, alimentée déjà par une politique monétaire expansive. Au cours des deux dernières années, les finances publiques tunisiennes ont connu une dégradation notable. Cette dégradation ne concerne pas seulement les déficits publics qui se sont creusés d'une manière inquiétante mais des allocations inappropriées et insoutenables des dépenses publiques. Une telle tournure nécessite des actions vigoureuses de correction en 2013-2015 de façon à assainir les finances publiques et les mettre au service du développement économique et social du pays. Commençons par les déficits. Ceux-ci (dons non-inclus) ont connu une aggravation substantielle. Ils sont passés de 356 millions de dinars en 2010 à 2.3 milliards de dinars en 2011 et 3,9 milliards de dinars en 2012 soit une multiplication par un facteur de plus de 10 en 24 mois. Une telle évolution ne résulte pas d'une baisse des recettes fiscales, malgré la récession de 2011 et la croissance anémique de 2012. Ces recettes ont augmenté d'une manière appréciable, passant de 12,7 milliards en 2010 à 13,7 milliards en 2011 et à plus de 15 milliards en 2012. Ce dont il faut féliciter nos services d'impôts et de douanes. L'aggravation des déficits est due essentiellement à l'explosion des dépenses publiques. Celles-ci sont passées de 15,4 milliards de dinars en 2010 à 18,4 milliards en 2011 et 20,7 milliards en 2012. Une telle augmentation fulgurante des dépenses publiques (presque 5 points du produit intérieur brut) en 24 mois est fortement inquiétante. On peut comprendre le souci de relance keynésienne de l'économie suite à la Révolution. Mais ce ne sont pas les investissements publics qui ont largement augmenté. Ceux-ci se sont accrus uniquement de 472 millions de dinars en 2011 et (tenez-vous bien !) de 76 millions en 2012. C'est la consommation publique qui a explosé. Les dépenses publiques courantes ont augmenté de 2,5 milliards de dinars en 2011 et de 2,2 milliards en 2012. Les principales rubriques de dépense ont été les traitements des salaires et les transferts et subventions. La première rubrique enregistre une augmentation de 893 millions de dinars en 2011 et de 976 millions en 2012. Recrutements abusifs dans une fonction publique déjà pléthorique et accroissement de salaires soi-disant pour avoir la paix sociale et stimuler la consommation comme levier de la croissance. La stimulation s'est traduite en grande partie par l'inflation, alimentée déjà par une politique monétaire expansive. La deuxième rubrique, transferts et subventions, a enregistré une augmentation encore plus forte que la masse salariale des fonctionnaires. Elle s'est accrue de 1,6 milliard de dinars en 2011 et 1,1 milliard en 2012. Il s'agit, bien sûr, notamment des subventions aux hydrocarbures et aux produits de la Caisse de compensation, subventions évidemment qui ne profitent que peu aux catégories les plus vulnérables de la population. Il faut remarquer, à ce propos, que depuis 2010 les recettes fiscales ne couvrent même plus les dépenses publiques courantes. En 2010, les recettes fiscales s'élevaient 12,7 milliards de dinars et les dépenses courantes à 11,3 milliards. En 2011, recettes : 13,7 milliards, dépenses courantes : 13,8 milliards. Cela s'est accentué en 2012 ; recettes : 15 milliards, dépenses courantes : 16 milliards. Il faut que le train de vie de l'Etat soit couvert par son revenu ordinaire. Un autre signal inquiétant est l'évolution du solde budgétaire primaire (avant paiement des intérêts de la dette). Il est passé d'un excédent de 796 millions de dinars en 2010 à un déficit de plus de 1 milliard en 2011 et 2,1 milliards en 2012 ou 2,2% du PIB. Ce solde mesure la capacité du pays à assurer le service des intérêts de la dette. Or, la dette publique (hors celle des entreprises publiques) a substantiellement augmenté ces deux dernières années, passant de 25,6 milliards de dinars en 2010 à 28,8 milliards en 2011 et à 31,4 milliards en 2012. Bien qu'elle soit encore raisonnable par rapport au PIB, une telle dette ne doit en aucun cas augmenter pour financer ni la consommation publique ni la consommation privée par le biais des subventions. *Ancien Secrétaire Général du Conseil économique et social