La disparité de profils ne facilite pas la cohésion à l'intérieur du parti Dans un contexte national et international mouvant, la crise qui couve au sein du parti Al Joumhouri anime le débat public et accapare l'attention dans les médias. Depuis quelques jours, ce parti coalisé fait beaucoup parler de lui, plutôt en mal. La démission de son secrétaire exécutif, Yassine Brahim, suivie par une série d'autres très médiatisées, augurent d'évolutions aux conséquences incertaines, pour une formation qui représente, malgré tout, une pièce maîtresse des forces de l'opposition. Qu'est-ce qui n'a pas marché entre le PDP et Afek Tounès ? Cette alliance a été scellée en avril 2012 entre deux partis réunis sous l'enseigne démocrate. Tous deux positionnés, à grands traits, au centre de l'échiquier politique. Un petit parti politique qui fait fusion avec un parti plus grand que lui signe son arrêt de mort. Afek Tounès a tout juste apporté quatre sièges à l'union, pendant que le PDP, bien que considéré comme grand perdant des élections du 23 octobre 2011, en a tout de même apporté 16. Le déséquilibre est de taille. Les partenaires ne sont pas à forces égales autour de la table des négociations. Deuxième raison plus spécifique à ce cas de figure. La ligne idéologique défendue par Afek Tounès, économiquement libérale, franchement progressiste et laïque, pouvait-elle se greffer sans risques sur celle plus conservatrice, un brin nationaliste, un tantinet identitaire, du parti de Nejib Chebbi ? Les signes avant-coureurs donnaient pour négative la réponse. Celle-ci est confirmée ces derniers jours. Les divergences d'appréciations de la dernière mouture de la Constitution et le rapprochement supposé du leader Ahmed Néjib Chebbi du parti islamiste au pouvoir mettent en lumière de larges contradictions internes, longtemps couvées en catimini. Autre raison de taille, la disparité de profils ne facilite pas la cohésion à l'intérieur du parti. Si les dirigeants du PDP, notamment Maya Jribi et Néjib Chebbi, sont des professionnels de la politique, auréolés de titres d'opposants historiques qui leur confère une légitimité populaire et politique incontestable, les dirigeants de Afek sont de parfaits inconnus avant la révolution. Ils ont fait, pour certains, les grandes ecoles. De jeunes premiers qui viennent du monde de l'entreprise à l'international. En rentrant au pays, ils ont ramené dans leurs bagages de nouvelles idées, y compris dans la gestion d'un parti politique, qu'ils assimilent, sans complexes, à une firme «modernisable», au niveau de la prise de décision, de l'administration et du fonctionnement. Afek Tounès renaîtra-t-il de ses cendres ? Enfin, dernier élément décisif, ose-t-on le croire; le trop- plein de leaders dans le parti Al Joumhouri, et avec, la profusion d'ego, pour très peu de place. Or, pourquoi s'engager en politique, si ce n'est pour faire carrière, se ménager un espace politico-médiatique et se positionner quelque part sur l'échiquier, c'est légitime ! Tout porte à croire que ce n'était plus possible. Quelques grandes statures faisaient de l'ombre et barraient le chemin. En parfaite connaissance de cause ou sans le vouloir, le résultat étant le même. Trop de points divergents et seulement un élément fédérateur; s'unir pour faire le poids et faire du sens dans une arène politique mouvante et violente. Or, cette coalition n'a été en mesure d'attirer rien ni personne, ni députés, ni militants. Au contraire, le rythme des défections au niveau de la base est régulier. Les sondages montrent invariablement une courbe descendante des intentions de vote pour le parti Al Joumhouri. Par voie de fait, la séparation était attendue, inévitable. Les chemins de Afek et du PDP paraissent pour l'heure définitivement séparés, malgré les timides annonces de réconciliation. Les déclarations des alliés d'hier sont restées toutefois mutuellement respectueuses. Elément à relever dans cette atmosphère viciée par une escalade verbale constante et consternante. Quels sont les projets des uns et des autres à l'issue de ce divorce? Pendant que Afek est en train de recoller les morceaux pour renaître de ses cendres, sous une autre dénomination ou la même; une déclaration est attendue à ce sujet à la fin du mois de Ramadan. Au contraire, l'avenir d'Al Joumhouri demeure incertain pendant que sa secrétaire générale, Mme Jribi, pratique la communication à éclipses. Une certitude, cependant, le parti gardera pour lui l'appellation Al Joumhouri, après le départ de ses alliés. S'essayera-t-il, donc, à une nouvelle coalition politico-électorale qui portera autrement ses fruits, et le leader Néjib Chebbi, éventuellement à Carthage ? C'est ce que disent les rumeurs, c'est ce que dément régulièrement le concerné. Pour comprendre le pourquoi du comment de ce dernier éclatement d'une famille politique, nous avons fait recouper deux sons de cloche : un démissionnaire du parti Al Joumhouri, Noomane Al Fehri et un actuel dirigeant Iyed Dahmani. Divergences en tout mais considération mutuelle. A la découverte, donc, de rivaux qui s'ignoraient...