Maîtres dans l'art de la récup' et initiateurs à leur façon, au milieu des années 60, de l'idée de développement durable, les Congolais de Konono N°1 sont retournés en studio enregistrer un album, «l'album du siècle», baptisé Assume Crash Position, qui est enfin disponible. Rencontre à Paris avec deux de ces musiciens qui ont séduit Björk, Herbie Hancock ou le chanteur et leader de Radiohead, Thom Yorke. Fondé en 1966 par Mingiedi Mawangu, Konono N°1 est un ensemble original de likembés électrifiés. Confectionnés à partir de matériaux de récupération, ces instruments (likembés et percussions) sont amplifiés à l'aide de micros bricolés à partir d'aimants d'alternateurs de voiture branchés sur une sono de fortune, diffusée sur d'anciens mégaphones rafistolés, rebaptisés lance-voix. Le son évidemment sursaturé est riche en harmoniques. Incessant, entêtant et enivrant, il est presque brutal. Car, sur scène, ce groupe dont le nom vous invite à vous mettre à l'abri, vous lessive des pieds à la tête. Mingiedi Mawangu, le fondateur aujourd'hui âgé de plus de 80 ans, et ses jeunes amis dont son fils Augustin, sont à même avec leurs seuls pouces, de rivaliser avec les plus grands producteurs de la sphère techno pour l'énergie que libèrent leurs compositions. Le groupe de ceux qui chantent konono Repéré en 78 sur une compilation du label Ocora intitulée Musiques Urbaines à Kinshasa, le Konono N°1 a refait parler de lui au début du nouveau millénaire avec Lubuaku, un album sur le label hollandais Terp, puis sur le label belge Crammed Discs via sa collection Congotronics. C'est le producteur Vincent Kenis qui s'était alors intéressé à ces musiciens des faubourgs de la ville-capitale sur la rive sud du fleuve Congo, participant de fait à leur reconnaissance hors de leurs frontières. Régulièrement sur les routes du monde entier avec les difficultés que l'on sait pour obtenir des visas, c'est entre deux concerts en Belgique et avant une tournée qui les emmènera en Angleterre, Hollande et en France, qu'Augustin et Aaron ont déboulé en train à Paris pour nous parler de "l'album du siècle". C'est ainsi en tout cas qu'ils en parlaient entre eux, avant son enregistrement. "C'est un album que nous avons décidé d'enregistrer", souligne Augustin comme pour bien marquer la différence avec les précédents albums qui n'étaient que des enregistrements pris sur le vif dans des conditions du live. Il faut dire que l'histoire du Konono N°1 s'est souvent écrite à l'emporte-pièce. La transe Bazombo "Nous sommes par la musique, en relation avec l'esprit de nos ancêtres, explique Augustin. Ils sont certainement ravis que les rythmes que nous jouons soient largement appréciés à travers le monde. Nous sommes une sorte de bibliothèque des rythmes de notre région. Qui veut puiser aux racines des musiques congolaises doit venir nous voir", assène-t-il d'un air docte et jovial à la fois. Les racines dont il parle sont celles de la transe Bazombo. Cette ethnie est installée de part et d'autre de la frontière Angola/Congo. Cette transe a séduit Björk, la pétulante Islandaise qui les a conviés sur Earth Intruders, l'un des titres de son album Volta (2007). Plus récemment, c'est Herbie Hancock, le pianiste de toutes les avant-gardes qui a souhaité les retrouver sur un des titres de The Imagine Project, son tout prochain opus à paraître avant l'été. Ces collaborations, et les découvertes musicales qu'ils ont pu vivre au gré des différents festivals auxquels ils ont participé, ont probablement quelque peu modifié leur rapport aux sons et aux constructions musicales. Ces huit titres se démarquent de leurs productions antérieures.