Faible affluence dans les commerces où des Tunisiens ou autres citoyens peuvent s'acquérir le drapeau national de la Tunisie, qui a commémoré hier le 56e anniversaire de la République. Pour marquer le coup, la société civile, réunie en une coordination pour l'occasion, n'a pas voulu laisser cet événement national passer inaperçu dans un contexte assez particulier dans l'histoire du pays. Elle a initié une action appelant tous les Tunisiens à s'y mettre en parant les devantures des maisons du drapeau rouge et blanc. Mercredi à la rue du Pacha, où cette activité a pris racine, un des fabricants du drapeau regrette le temps où sa boutique ne désemplissait pas. Sa clientèle comme celle de ses pairs est composée, principalement, de municipalités, gouvernorats, délégations et administrations, en plus des ambassades. De tout temps, les citoyens n'étaient pas des acheteurs assidus de drapeaux. Le léger regain d'intérêt pour le drapeau qui a vu le jour au moment de la révolution était loin de constituer une aubaine pour ce commerce assez particulier. La communauté tunisienne à l'étranger demeure la catégorie la plus attachée au drapeau, à en juger par le nombre des vendeurs ambulants qui choisissent de s'installer face au port de La Goulette, a-t-il révélé, ajoutant que des citoyens viennent parfois passer de petites commandes pour leurs proches établis à l'étranger. A noter que sur certains sites étrangers de vente en ligne, le drapeau tunisien figure parmi les articles les plus sollicités : bavoirs bébé brodés, épinglettes en étain, tasses et chopes, cache-cols et pleins d'autres idées innovantes autour du drapeau tunisien y sont proposés. Deuxième catégorie pour qui le drapeau revêt une signification particulière, les anciens cadres de ministères et d'établissements publics aujourd'hui à la retraite. « Ces nostalgiques », comme on se plaît à les appeler, ont été longtemps habitués à voir chque jour le drapeau tunisien sur leurs bureaux et ont beaucoup du mal aujourd'hui à s'en séparer. « Le drapeau n'intéresse même plus les structures de l'Etat, plongeant tout le secteur dans l'agonie, à peine parviendrons-nous à réaliser 10% des recettes d'antan», a confié amèrement un des fabricants. Voilà ce qui explique la désaffection des jeunes du secteur de fabrication des drapeaux. Le nombre des professionnels a considérablement baissé. «Nous sommes la dernière génération à perpétuer cette vocation en héritage. La confection artisanale du drapeau finira par tomber en désuétude», a-t-il noté. Son père, Belgacem Ben Amor Saidi travaillait comme apprenti chez un couturier sfaxien. Un jour, à l'époque coloniale, où le drapeau était vendu dans la clandestinité, il reçoit une commande de drapeaux et décide délibérément de ne pas la refuser malgré son inexpérience dans le domaine. C'était le début d'une longue carrière. Jaloux pour cette vocation transmise de père en fils, M. Saidi junior garde encore dans ses affaires une commande de la province beylicale. A la rue du Pacha, certains s'obstinent à ne confectionner que le drapeau rouge et blanc. Plus pragmatiques, d'autres proposent aussi les étendards d'associations, d'organisations, de partis et d'équipes de football pour remédier à la stagnation du marché du drapeau. Pour les premiers, c'est avant tout un devoir qui leur incombe de défendre une vocation transmise de père en fils menacée par les intrus qui ne respectent pas les normes de fabrication du drapeau telles que définies explicitement par la loi et publiées dans le Journal officiel, et ce, en l'absence de tout contrôle. «Il y va du prestige du pays et de celui de chaque Tunisien », lance-il dans un élan patriotique. «Il est décevant de voir au haut des édifices publics le drapeau tunisien en loques et perdant ses couleurs », a-t-il encore regretté.