Boubaker Hakim et Lotfi Ezzine sont les deux principaux coupables du meurtre de Mohamed Brahmi. La police a réussi à les identifier mais elle peine encore à les arrêter «C'est bien Boubaker Hakim, un salafiste takfiriste, qui est le principal prévenu compromis dans l'assassinat, jeudi 25 courant, de feu Mohamed Brahmi, constituant et coordinateur général du Courant populaire. Il a été tué devant sa maison à la cité El Ghazala, à l'Ariana, des suites de 14 balles tirées sur lui à bout portant (dont 9 se sont logées dans la partie gauche de son corps) lui ayant causé une hémorragie interne provoquant sa mort». C'est là la principale information livrée, hier, par Lotfi Ben Jeddou, ministre de l'Intérieur, lors d'une conférence de presse consacrée aux résultats préliminaires des investigations des forces de sécurité sur le meurtre de l'opposant Mohamed Brahmi. «Les investigations montrent, en effet, que deux suspects, Boubaker Hakim et Lotfi Ezzine, portant des vêtements de couleur noire et utilisant une vespa noire, se sont approchés de la victime et ont tiré une rafale de 14 balles. Il a été établi également que les deux assassins suivaient la victime et surveillaient son domicile depuis quelques jours, que l'arme utilisée, un pistolet 9 mm, est bien l'arme qui a servi pour tuer feu Chokri Belaïd et que c'est bien Boubaker Hakim qui a tiré sur Mohamed Brahmi. Boubaker Hakim est l'un des individus ayant participé au meurtre de Chokri Belaïd, de l'aveu de Sabeur Mchergui, arrêté dans la même affaire. Hakim est compromis dans l'affaire de stockage d'armes dont la cachette a été découverte à la cité Ghazela à l'Ariana. Une récente descente policière au domicile de sa tante où il résidait n'a pas permis de l'arrêter», souligne le ministre de l'Intérieur. Appel à la retenue et à la responsabilité Et Lotfi Ben Jeddou de dégager des points de rencontre ou de croisement dans les affaires Belaïd et Brahmi. «D'abord, la participation de Hakim au meurtre de Belaïd, ensuite l'utilisation de la même arme ayant servi à tuer Chokri Belaïd pour exécuter Mohamed Brahmi. Nous sommes parvenus jusqu'ici à découvrir l'identité des tueurs qui ont liquidé Belaïd et nous en avons arrêté quatre alors que les 10 autres sont toujours poursuivis par nos unités. Il est vrai que déjà plus de cinq mois sont passés depuis le meurtre de Belaïd, mais cette période n'est pas aussi longue comme beaucoup le laissent entendre. Dans de telles affaires, les investigations peuvent durer des années à l'instar des affaires Kennedy ou Rafik Hariri et même dans des affaires de droit commun où il y a meurtre, les recherches peuvent prendre des mois ou des années. Au ministère de l'Intérieur, nous considérons l'affaire Belaïd comme notre priorité absolue et nous l'avons inscrite comme un point permanent à l'ordre du jour des réunions du Conseil de sécurité de notre département, outre le fait que nous avons mis tous les moyens à notre disposition, ainsi que les meilleures de nos unités pour dévoiler les tueurs de Belaïd et de Brahmi et nous arriverons à réussir grâce à l'expérience, au professionnalisme et à la compétence de nos policiers». Pour ce qui est des manifestations et des mouvements citoyens contre la violence et le meurtre de Mohamed Brahmi, le ministre de l'Intérieur est clair et tranchant: «Nous ne sommes pas contre la liberté des citoyens d'exprimer leur colère. C'est un droit qui leur est totalement reconnu. Toutefois, nos forces demeurent aux aguets contre les délinquants qui exploitent ces mouvements pour attaquer les recettes des finances ou les tribunaux. Nous appelons les manifestants à exprimer pacifiquement leurs demandes et à obtempérer aux conseils des leaders de leurs partis qui les appellent à éviter tous les dérapages possibles». La victime n'a pas demandé à être protégée Le ministère de l'Intérieur dispose-t-il d'un plan pour la protection des personnalités inscrites sur les listes des tueurs et comment s'est-il préparé en vue de sécuriser, aujourd'hui, la cérémonie d'inhumation du martyr Mohamed Brahmi ? «Nous avons pris toutes les dispositions nécessaires afin que les obsèques du martyr se déroulent dans les conditions sécuritaires maximales. Quant à la protection des personnalités menacées, je tiens à préciser que le martyr Mohamed Brahmi n'a pas demandé à être protégé. D'autres l'ont fait et ont bénéficié de notre protection alors que certains ont refusé notre aide, estimant que les personnes qui vont être chargées de leur sécurité vont les contrôler et les empêcher d'agir librement». Par ailleurs, Lotfi Ben Jeddou affirme : «Je ne suis pas au courant d'un mouvement de mutation au sein du district de police de l'Ariana. Concernant l'appel du général Rachid Ammar à la création d'une agence nationale de renseignements, je pense que la mise en place d'une telle agence n'est pas dans les compétences d'un gouvernement gérant une étape transitoire. Toutefois, nous disposons de beaucoup d'unités exerçant dans le domaine du renseignement et nos efforts ont abouti à la présentation devant la justice de 50 individus compromis dans les événements de Jebel Chaâmbi. Nous avons réussi aussi à empêcher 4.500 personnes d'aller faire la guerre en Syrie et nous avons refusé l'entrée de 25 prédicateurs en Tunisie. La désobéissance ne servira que les intérêts des tueurs A la question de savoir s'il y a des partis politiques qui seraient derrière l'assassinat de Mohamed Brahmi, le ministère de l'Intérieur éclaire : «Pour le moment, les investigations n'ont pas établi qu'il y a une partie politique quelconque qui serait impliquée dans ce meurtre. Les éléments dont nous disposons montrent l'implication de salafistes durs dont certains ont participé à des actions menées par les groupe «Ansar Al Charia». Seulement, nous sommes sûrs que plusieurs parmi ceux qui ont bénéficié de l'amnistie générale après la révolution dont les éléments du groupe de Soliman ont tenu des réunions et ont décidé de faire plonger le pays dans le chaos et le désordre. Ils ont dressé des listes de personnalités à exécuter et ont monté des centres d'entraînement dans plusieurs régions de la République. L'arrestation de plusieurs parmi eux à Rouhia et à Bir Ali Ben Khelifa ainsi que le mouvement populaire après l'assassinat de Chokri Belaïd ont fait avorter ce plan sordide». La désobéissance civile prônée par certaines parties a été également au centre des commentaires de Ben Jeddou. Il estime, en effet, que ces «appels ne peuvent servir que les intérêts des tueurs et que le grand perdant ne sera que la Tunisie. C'est le ministère public qui a la latitude de poursuivre ceux qui lancent de tels appels alors que le ministère de l'Intérieur n'intervient qu'à la demande de la justice». Deux points restent à éclaircir. Il s'agit, d'abord, de la probable implication d'une main étrangère dans le meurtre de Brahmi. Ben Jeddou ignore tout simplement de répondre à la question malgré l'insistance du journaliste qui l'a posée. Quant à savoir si la décision d'éliminer Brahmi a été prise par la cellule tunisienne d'Al-Qaïda ou par sa direction centrale, le ministre de l'Intérieur s'est contenté de lâcher : «Rien n'est prouvé pour le moment». La rencontre de presse a été marquée par l'intervention de Mustapha Ben Amor, directeur général de la Sûreté publique, et Mohamed Ali Laroui, porte-parole du ministère, qui n'ont fait que répéter les informations données par leur ministre. Il faut reconnaître, tout de même, que Mohamed Ali Laroui a distillé une information qui a laissé tout le monde sur sa faim en précisant que «Boubaker Hakim était sous observation policière et qu'il a quitté le domicile de sa tante où il se cachait avant la descente policière qui a été menée contre ce même domicile».