Parmi les terroristes, un nom revient fréquemment, celui de Fathi Hajji, originaire de la Cité Ezzouhour, qui a continué jusqu'au bout ses actes macabres sur les cadavres des soldats, malgré les demandes du groupe de quitter les lieux C'est une ville quasiment en état de guerre que nous retrouvons quelques jours seulement après le jour de l'Aïd, même si les habitants de Kasserine et des petits villages «paisibles» alentour n'aiment pas ce qu'ils appellent l'«exagération médiatique» des évènements de la région. Sur la route vers Kasserine, nous décidons de prendre la voie de la délégation de Foussana, plus précisément celle de Sidi Harrath où les tirs de mortier ont commencé dès l'aube, et continuent pendant toute la journée. En témoignent la vallée fumante du mont Sammena (voisin du mont Chaâmbi) et les nombreuses explosions entendues à des kilomètres à la ronde. Au bout de quelques routes sinueuses, on aperçoit au loin deux blindés pointés en direction de la montagne, espacés de deux cents mètres. Les tirs qui continuent de retentir ne proviennent pas de ces deux véhicules militaires, il s'agit vraisemblablement d'un poste avancé. Plus loin, nous rejoignons un campement militaire installé en contrebas de la montagne de Sammena à côté d'un champ d'amandiers, d'où partent les tirs de mortiers qui peuvent sembler arbitraires, mais selon le commandant, présent sur place, c'est induire le citoyen en erreur que de dire des choses pareilles. «Une armée bien organisée ne peut pas se permettre de tirer à l'aveuglette, nous opérons selon des informations précises et une stratégie préétablie», nous dit-il. En dépit de nos tentatives répétées, nous n'avons pas pu joindre le porte-parole du ministère de la Défense, qui aurait pu donner ne serait-ce qu'un bilan provisoire sur l'opération militaire en cours. Sur le bilan des opérations, en effet, aucune information ne filtre, mais selon une source miliaire rencontrée à l'entrée du parc national du mont, qui préfère garder l'anonymat en l'absence d'un communiqué officiel, «les opérations se déroulent conformément à la stratégie tracée et des résultats positifs seront communiqués très bientôt». En revanche, pas un seul mot sur l'arrestation où l'élimination d'éléments terroristes. Dans la région pourtant, et malgré le soutien infaillible de la population locale pour les militaires, on semble penser que la «stratégie» adoptée, consistant selon eux à «tirer sur la montagne de façon arbitraire», n'est pas efficace. On parle de «coups de pied dans la fourmilière» qui ne feront que disperser le groupe terroriste sans l'éliminer. A Kasserine, nous rejoignons Soufiène Ghannoudi, directeur de la sécurité publique, qui estime que l'armée, qui fait déjà un boulot fort intéressant, devra faire preuve de plus d'efficacité en opérant des bombardements à basse altitude sur les zones potentiellement dangereuses. Par ailleurs, le capitaine revient sur l'arrestation de Mohamed Habib Amri, membre du groupe terroriste de Chaâmbi, qui a permis entre autres de mettre la main sur une «cellule d'approvisionnement». Selon lui, cet individu n'était pas à court de nourriture, comme l'ont relaté certains médias, mais il était bel et bien en mission de repérage pour une attaque imminente contre un poste de police à Foussana. «Cinq personnes ont été arrêtées et transférées aux services de l'unité nationale d'investigation sur les affaires terroristes, suite à l'arrestation de Mohamed Habib Amri, une vidéo a été saisie, montrant l'assassinat et la mutilation de 8 soldats». Parmi les barbares, un nom revient, celui de Fathi Hajji, originaire de cité Ezzouhour, qui, selon le capitaine (et selon la vidéo), a continué jusqu'au bout ses actes affreux sur les cadavres des soldats, malgré les demandes du groupe de quitter les lieux. Au fur et à mesure de notre entretien, Soufiène Ghannoudi explique qu'il y a un manque de volonté politique évident qui entrave le travail sécuritaire sur le terrain. «Si seulement on nous le permettait, on pourrait éradiquer le terrorisme et surtout l'idéologie de haine qui sévit, aujourd'hui. Nous voyons de jeunes adolescents ne dépassant pas les 16 ans, qui sont endoctrinés dans les mosquées contrôlées par les salafistes, au point qu'ils en arrivent à livrer leurs corps aux terroristes, persuadés de faire le Djihad par le sexe, comme cette jeune fille de 17 ans interpellée récemment». Ce soir, les bombardements risquent fort de reprendre, la population s'est habituée à ces bruits de guerre, mais non sans une certaine amertume perceptible sur les visages et dans les discussions à l'intérieur des nombreux cafés où s'entassent des jeunes qui ont abandonné les débats sur le chômage endémique pour parler exclusivement de la sécurité.