Les marchandages continuent de plus belle. Chacun lance ses petites phrases, ajuste, au gré de ce qui se passe dans la rue, ses conditions et attend les autres Il semble que le ballet des concertations pour sortir le pays de la crise dans laquelle il se morfond depuis l'assassinat du martyr Mohamed Brahmi, coordinateur général du Courant populaire, promet de se poursuivre plusieurs jours encore, pour ne pas dire plusieurs semaines. Personne parmi les protagonistes ne semble pressé ou saisir que l'heure n'est plus aux marchandages ou aux calculs purement électoralistes. Les positions des uns et des autres évoluent ou changent radicalement au regard des mouvements que connaît la rue et en fonction du nombre des sit-inneurs et des manifestants aussi bien du côté des légitimistes que des frontistes. Ennahdha consulte ses alliés (Ettakatol et le CPR) sans prendre de position définitive. «La réunion tenue, lundi, par la coordination de la Troïka n'a abouti à aucune décision concrète et on a convenu de poursuivre le dialogue jeudi (demain), en vue d'arrêter une position commune définitive», confie Mohamed Bannour, porte-parole d'Ettakatol. Ils récoltent ce qu'ils ont semé «Nous nous sommes contentés d'échanger les informations sur les contacts entrepris par chaque parti de son côté», ajoute-t-il. Quant au parti Ettakatol qui doit tenir une réunion de son bureau politique aujourd'hui, «il maintient toujours ses positions initiales, à savoir la préservation de l'Assemblée nationale constituante et la formation d'un gouvernement d'union nationale ou de compétences. «Peu importe l'appellation du prochain gouvernement puisqu'elle émanera du dialogue national, lequel dialogue doit être accéléré au maximum dans la mesure où les différents défis économiques et sécuritaires qui guettent la Tunisie nous commandent de ne plus perdre de temps», conclut-il. Abderraouf Ayadi, président du mouvement Wafa et candidat déclaré à la succession au Dr Mustapha Ben Jaâfar à la tête de l'ANC, propose une analyse particulière de la situation dans le pays. «Pour moi, ils sont dans l'impasse et ils ne font que récolter les fruits de ce qu'ils ont semé. Aujourd'hui, c'est la logique de pousse-toi que je m'y mette qui prévaut, c'est carrément le retour des loups encouragés par le laxisme du gouvernement qui leur a ouvert la voie pour investir de nouveau la scène politique et imposer leurs désirs et caprices», précise-t-il. Ayadi juge les concertations actuelles comme «un jeu et une comédie de mauvais goût qui ne mèneront à rien de concret. D'où la nécessité de l'émergence d'une troisième force qui a les moyens de résoudre la crise». Seulement, il refuse de spécifier que son mouvement Wafa et les amis qui partagent ses idées constituent bien cette troisième force dont il parle. Toutefois, il reconnaît qu'il est candidat à la présidence de l'ANC et qu'il y a plusieurs parties au sein de la Constituante qui appellent au remplacement de Ben Jaâfar. «Mais il y a des procédures à respecter afin que les choses se passent comme le veulent les constituants refusant les décisions de Ben Jaâfar», tient-il à souligner. La balance est entre nos mains Du côté du parti le Mouvement tunisien pour la liberté et la dignité, le ton est à la menace à peine voilée. «Notre patience a des limites et nous n'attendrons pas indéfiniment pour faire basculer soit en faveur des constituants sit-inneurs, soit au profit des légitimistes. Nous disposons de 12 constituants dont les positions peuvent changer la donne de fond en comble. Nous avons choisi de demeurer jusqu'ici neutres. Nous n'avons pas quitté l'édifice de l'ANC mais nous ne participons pas aux travaux des légitimistes. Nous attendons les résultats des tractations qui ont trop duré», tempête Mohamed Tahar Ilahi, constituant et l'un des fondateurs du parti. Il tient à rappeler que son parti a été le premier à appeler à «un gouvernement de compétences nationales dont le choix n'obéira pas aux règles des quotas politiques et à la préservation de l'ANC tout en lui fixant un calendrier précis pour l'adoption de la Constitution et l'élaboration de la future loi électorale, le tout ne devant pas dépasser le 23 octobre 2013, date de l'autodissolution de l'ANC». Une initiative qui rejoint dans une large partie celle de l'Ugtt. «Oui, nous reconnaissons que nous rejoignons l'Ugtt et c'est pourquoi nous considérons que la centrale syndicale ouvrière est le médiateur le plus approprié pour conduire les concertations. Nous considérons que la multiplication des initiatives et des parrains est de nature à marginaliser l'opération des négociations», souligne Mohamed Tahar Ilahi. Il révèle, d'autre part, que d'après ses informations, «les constituants sit-inneurs sont disposés à regagner l'ANC à condition que le gouvernement Laârayedh présente sa démission». Pour conclure, il exhorte les protagonistes de la crise à des concessions mutuelles : «Ennahdha et, partant, la Troïka acceptent le départ du gouvernement et en contrepartie le Front du salut accepte que l'ANC continue sa mission». Non à un gouvernement en dehors de l'ANC Tout en martelant «qu'aucun gouvernement ne doit émaner d'une autorité ou institution autre que l'ANC», Saïd Kharchoufi, constituant appartenant au parti Tayyar Al Mahabba (ex-Aridha Chaâbia), précise que les constituants légitimistes ne resteront pas les bras croisés. «Face à la décision illégale de Mustapha Ben Jaâfar de geler les travaux de l'ANC, nous organisons, aujourd'hui, une réunion de concertation pour examiner les pas à suivre à l'avenir. Le remplacement du président de la Constituante n'est pas encore à l'ordre du jour mais au cas où il persisterait dans ses positions, nous pouvons recourir au règlement intérieur de la Constituante et à la petite Constitution pour lui trouver un successeur». Comment Tayyar Al Mahabba évalue-t-il les concertations menées par l'Ugtt ? «Nous estimons que Hassine Abbassi doit se comporter en médiateur et non en tant que négociateur comme si l'Ugtt était une partie prenante. Quant à Ghannouchi, il négocie au nom de son parti uniquement sans retourner à ses alliés, alors que l'autre partie, soit le Front du salut public, parle un même langage», indique-t-il.