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La mort est ailleurs
«Je ne suis pas mort» de Mehdi Ben Attia
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 08 - 2013

Le héros souffre d'une crise identitaire profonde : comment s'intégrer dans une société qui n'est pas la sienne ? Comment rester lui-même tout en étant autre ?
Le nouveau film du cinéaste tunisien est sorti sur les écrans français le 7 août à Paris. Ce deuxième long métrage qui a été présenté au forum de la 63e Berlinade, a remporté le Grand prix du jury au festival Premiers Plans 2013 d'Angers.
L'histoire de Je ne suis pas mort est complexe, déroutante, frôlant à la fois le fantastique, le drame socio-politique et le psychologique. A la surface, on discerne une fable qui réverbère la question de l'identité, ce sujet qui nous interpelle toujours, surtout quand on est migrant et qu'on se trouve dans une société occidentale et qui incite à porter attention à deux phénomènes importants chers à Giles Deleuze : la reterritorialisation et la déterritorialisation.
Intégration et intégrité
Yacine (Mehdi Dehbi) est un étudiant algérien émérite en sciences politiques, Richard Artaud (Emmanuel Salinger) est son professeur de philosophie politique. Abandonné par un père miteux, Yacine travaille comme coursier pour gagner sa vie. Par un bel hasard, l'étudiant et le professeur se retrouvent en dehors de l'université ; la relation commence à commuer quand Richard se propose de prêter main forte au cadet. C'est là qu'on voit le rapport entre disciple et maître se déclencher. On discerne également un autre rapport plus souterrain ; celui du fils et du père. En effet, Richard s'identifie commodément à Yacine : il retrouve son côté ambitieux et sa soif d'ascension sociale. L'identification est frappante, surtout avec le rapport au père. Le père du professeur, tout comme celui de Yacine, a été constamment absent et indifférent. Deux histoires parallèles qui relatent des rapports similaires avec le père, assimilé au pouvoir qui nous aliène. Un pur destructeur que les deux personnages tentent de subvertir.
Ces deux protagonistes ont donc connu le même processus dans un même champ socio-psychanalytique, sauf que Yacine souffre d'une crise identitaire profonde : comment s'intégrer dans une société qui n'est pas la sienne ? Comment rester lui-même tout en étant autre ? Comment habiter dans un territoire où l'argile de son être doit absolument être décomposée pour être remodelée et renaître autrement?
«Je est un autre»
L'intrigue du film commence quand on apprend soudainement la mort du professeur. Yacine, imperturbable et sûr de lui-même, annonce aux proches du défunt que Richard n'est pas mort, que c'est lui Richard. Le « je » devient alors un autre et ce Moi-Peau érodé devient désireux d'épouser d'autres pores, d'incorporer une autre chair, d'implanter un corps nouveau, de (ré) introniser une existence aguichante : celle d'un professeur distingué dont le statut social est fort séduisant. Le désir de la conquête est apparent. Ainsi, emprunter rapidement les marches de l'ascension, sans dégringolades, à travers cette identification, ôte la frustration de ce jeune.
Dans cette soif d'égalité, la déterritorialisation laisse la place à une reterritorialisation immanente où l'identité de Yacine est à déplacer, à déclasser, à aménager dans l'autre et pas à travers lui.
La formule rimbaldienne insère un jeu autre : la schizophrénie entre alors en scène et la métaphore de l'autre introduit une existence indéterminée qui oscille entre ce que je « suis » dans l'espace-temps et entre le « moi » qui subit les changements et les pulsations.
Dans le film, du début jusqu'à la fin, Yacine met toujours le costume que Richard lui a offert. Ce costume est un personnage à demi invisible, il nous rappelle l'acte d'habiller un nouveau personnage dans le grand théâtre du monde. En effet, Yacine doit porter cet uniforme du bon fonctionnaire français, afin d'épouser un profil adéquat à cette société et s'y intégrer excellemment. La théâtralité de ce costume renoue un lien puissant avec la femme de Richard (Maria de Medeiros). Celle-ci, comédienne de théâtre parvient à réussir ses deux rôles : le premier avec son mari, le deuxième avec le jeune Yacine qui arrive à la séduire et à la transporter dans sa schizophrénie. La femme est l'autre face du jeune, c'est une comédienne de théâtre, son travail est l'art de l'illusion ; elle vit donc cette douce schizophrénie en tant que comédienne et en tant que femme.
Le déguisement et le dédoublement des rôles s'avèrent alors inévitables : ils forment un dénouement lucide de par sa capacité à pénétrer le monde, à travers une dialectique qui rend l'être démuni de toute sa volonté de puissance et devenant, ainsi une herbe, bouturée et à jamais déracinée.
De surcroît, Mehdi Ben Attia, le réalisateur, se plait à intégrer les dimensions fantastique et surréaliste, grâce à l'appel aux hallucinations, aux disparitions et apparitions impromptues et aux forces psychiques. L'inconscient, l'automatisme et les visions nous renvoient à Le Horla de Maupassant et à La métamorphose de Kafka. Cela étant, Yacine nous rappelle ce personnage persécuté par un être surnaturel qui s'appelle le Horla qui n'est autre qu'un être hors-là, c'est-à-dire ailleurs et là, présent avec un corps et absent avec un autre. Quant à Gregory, le personnage kafkaïen, on le voit métamorphosé en insecte, ce qui explique la sensation de l'écart et du rejet qu'éprouvent le personnage et l'auteur Kafka vis-à-vis du père. Mais la recherche de la métamorphose chez Yacine va de pair avec un mal-être nécessaire qui encourage l'acte de transcender son identité.
A la recherche de la substantifique moelle...
L'effet du mystère qui berce le ton du film, la désagrégation de la notion du temps, la sobriété et le côté nuancé nous invitent à réfléchir, à nous interroger sur le fondement de l'être et son intériorité.
«Rompre l'os et sucer la substantifique moelle», disait bien Rabelais qui veut dire extraire la quintessence, l'essence, ce qu'on a de profond, de vrai et d'essentiel. L'identité est incontestable, elle constitue le suc de l'être et doit être pleinement vécue, assumée et confirmée. Mais Yacine qui est son propre fossoyeur, s'expulse de son être pour se noyer dans la soumission de l'autre.
Le film qui connaît une réussite indéniable à Paris, fait plonger notre regard dans un cadrage de plans fort symbolique. Au début, on voit une caméra qui scrute secrètement en resserrant le regard et l'expression du visage rendant, ainsi, les personnages d'un mystère inouï. Cela est bien soutenu par le langage de la musique à la Hitchcock. Dans la seconde partie du film, les plans sont plutôt larges, le champ est plus étendu et se fond sur un fond de toile affranchi et dégagé qui accentue l'épanouissement et la délivrance des personnages.
La mort est ailleurs, certes, comme la vie aussi est ailleurs, comme disait ironiquement Kundera. Renier ses origines c'est aussi une forme de mort, une mort lente, qui noie à jamais notre sang et nos veines dans un non-être, un non-avenu, un non-langage. Quand on prend le mot langage dans toutes ses acceptations, on comprend qu'un non-langage est un acte de rejet de l'autre, de refus de parler avec soi, librement, et avec l'autre dans la différence. Roland Barthes ne disait-il pas que «tout refus du langage est une mort » ?


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