Timorés, divisés et avec une présence médiatique timide sinon nulle, les destouriens, toutes tendances confondues, donnent l'impression d'attendre que la crise s'estompe Les destouriens gardent un silence assourdissant dans la tourmente qui ébranle le pays depuis près d'un mois et dans ce ballet de concertations à ne plus finir où chacun joue les intermédiaires ou les concepteurs d'initiatives les plus diverses. Pas un communiqué de presse émanant de l'une des différentes factions destouriennes, pas une sortie télévisuelle de l'un des dirigeants de la mouvance destourienne qui compte déjà trois ailes : l'Initiative nationale destourienne, pilotée par Kamel Morjane et Mohamed Jegham, le Mouvement des destouriens libres dirigé par Omar S'habou et le Mouvement destourien (encore en cours de formation) parrainé par le Dr Hamed Karoui qui laisse entendre qu'il n'en sera pas le président. Les destouriens sont-ils exclus par les autres formations politiques, principalement Ennahdha accusé par plusieurs parties de vouloir les séduire, mais dans les coulisses pour le moment ? Quelle analyse font-ils de la situation dans le pays et quelle stratégie d'avenir envisagent-ils de mettre en œuvre ? Autant d'interrogations que plus d'un observateur se pose du fait que toutes les composantes du paysage politique et civil national ont fait entendre leurs voix alors que les destouriens semblent se terrer attendant peut-être que les choses se décantent et que la tempête passe. Minés par nos divisions internes Nizar Ben Saâd, membre de la direction de l'Initiative nationale destourienne (provenant d'Al Watan Al Horr dirigé par Mohamed Jegham) adopte une attitude empreinte de clarté et de transparence peu habituelles chez nos nouveaux politiciens en répondant aux interrogations que se pose l'opinion publique. «Oui, nous nous trouvons exclus des négociations en cours parce que les autres nous ignorent. Mais c'est principalement de notre faute. Nous sommes réticents à prendre des positions aux moments opportuns. Nous sommes timorés et timides et nous n'avons aucune présence médiatique. Minés par nos divisions internes qui n'ont que trop duré en dépit de la pression de notre base qui appelle énergiquement à l'union, nous donnons l'impression d'une constellation de personnalités où chaque membre n'en fait qu'à sa tête», précise-t-il. Il va encore plus loin pour accuser Kamel Morjane «de faire cavalier seul. Il parle toujours au nom de son parti Al Moubadara oubliant que nous sommes coalisés au sein d'une alliance qui comprend outre Al Moubadara, trois autres partis : Al Watan Al Horr, Zarkaâ Al Yamama et le Parti libéral destourien. Malheureusement, il ne consulte personne avant de prendre ses décisions comme celle de voter pour le gouvernement Laârayedh, décision que nous avons découverte par la TV comme tout le monde. D'ailleurs, notre base vient de lui dire clairement : votre démarche risque de pousser les destouriens dans un gouffre de perdition et de réprobation. Quant à nos rapports avec le mouvement destourien qu'envisage de lancer le Dr Hamed Karoui, ils sont clairs et nets. Nous le soutenons à fond et nous avons tout fait pour que son premier meeting réussisse. Mais, s'il est établi qu'il va faire alliance avec Ennahdha, à travers son fils Néjib Karoui et Hamadi Jebali, il risque d'être discrédité par les destouriens et de se retrouver tout seul. En tout cas, s'il y a une manœuvre nahdhaouie, les destouriens s'y opposeront fermement». Et Nizar Ben Saâd de préciser encore : «Pour vous dire notre sentiment profond, je déclare que notre ultime refuge c'est bien Nida Tounès à condition qu'on y entre en front et non à titre individuel comme le veulent nos amis de Nida Tounès. Nous sommes jaloux de notre identité destourienne et nous tenons à préserver nos acquis». Volet analyse de la crise, il indique : «Nous adhérons totalement à l'initiative de l'Ugtt bien que la Centrale syndicale ne nous ait pas invités à ses concertations». Il tient également à montrer que le mouvement destourien ne se cantonne pas uniquement dans le Sahel comme beaucoup l'accusent lui collant l'étiquette d'une formation politique régionaliste : «Outre les villes du Sahel, nous nous trouvons à Béja, à Sidi Bouzid, à Gafsa, au Kef, à Jendouba et à Kairouan sans oublier Tunis où nous sommes présents à Ben Arous et à El Mourouj», conclut-il. Soutien total au Front du salut Deuxième composante de la mouvance destourienne, le Mouvement des destouriens libres piloté par Omar S'habou se compose de quelque sept partis de tendance destourienne bourguibienne. «Pour le moment, souligne le président du mouvement, je fais la tournée de la République pour réunir les destouriens que je qualifie de propres, c'est-à-dire ceux qui ne se sont compromis ni à l'époque de Bourguiba, ni lors de celle Ben Ali. Notre programme et nos idées séduisent beaucoup parmi ceux qui ont divorcé d'avec la politique durant ces deux époques. Nous disposons actuellement de quatre bureaux régionaux implantés à Sfax, à Monastir, à Médenine et à Tozeur sans oublier celui de Tunis». Pour ce qui est du mouvement populaire cherchant à trouver une issue à la crise qui ravage le pays, Omar S'habou révèle: «Nous adhérons aux demandes du Front de salut national concernant la dissolution de l'ANC et la formation d'un gouvernement de compétences indépendantes. D'ailleurs, nos militants participent activement aux sit-in d'Arrahil à Tunis et dans les régions et nous sommes la composante destourienne la plus acceptée par le Front». S'habou déplore le fait que le chef du gouvernement ne l'a invité à aucune de ses rencontres de dialogue ou de concertation que «ce soit avant ou après l'assassinat du martyr Mohamed Brahmi. Hassine Abbassi, aussi, ne nous a pas contactés. Mais, nous avons reçu une invitation pour assister au dialogue national le jour où il sera enfin organisé». Il précise, d'autre part, que le Mouvement des destouriens libres est exclu purement et simplement «des concertations menées par Marzouki qui ne m'a pas visiblement pardonné une ancienne déclaration dans laquelle j'ai demandé qu'il soit astreint à un examen médical à l'époque où ses déclarations ont frisé le ridicule et suscité un tollé général de réprobation et d'indignation». Du côté du «Mouvement destourien» appellation donnée à l'initiative du Dr Hamed Karoui tendant à rassembler la famille destourienne, rien de nouveau à signaler à l'exception de la rencontre qu'a eue dernièrement le Dr Karoui avec le président Moncef Marzouki. L'ancien premier vice-président du RCD dissous s'est contenté à l'issue de cet entretien d'appeler à l'union des politiques nationales pour dépasser la crise et à faire prévaloir l'intérêt national sans proposer une solution propre au mouvement qu'il préside.