Malgré la clarté de l'exposé de Lotfi Ben Jeddou et la multiplication des preuves accablantes contre Ansar Echaria, opinion publique et observateurs s'interrogent L'opinion publique demeure perplexe suite aux révélations présentées, avec force détails, par le ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, portant sur le caractère terroriste d'Ansar Echaria. Elle l'est d'autant plus qu'on apprend que quelques membres de cette organisation ont été relâchés par la justice alors que le directeur général de la sûreté publique se réjouissait de présenter leur arrestation comme une véritable performance des forces de sécurité. Autre source de perplexité. Jusqu'où pourra aller la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme ? Certains analystes et experts vont jusqu'à préciser que la Tunisie «peut solliciter l'aide des membres permanents du Conseil de sécurité dont en premier lieu les USA». La suspicion ne fait que se renforcer auprès de l'opinion publique. Une suspicion compréhensible dans la mesure où les Américains n'offriront pas à la Tunisie leur expertise, sans contrepartie. L'Otim s'en mêle L'Observatoire tunisien pour l'indépendance de la magistrature (Otim), dirigé par le juge Ahmed Rahmouni, n'a pas manqué d'exprimer des appréhensions quant au caractère administratif et politique de la décision de Laârayedh. En clair, celui-ci a-t-il les compétences nécessaires lui permettant de prendre une telle décision et comment sera-t-elle appliquée dans la vie quotidienne des Tunisiens ? Dans un document de l'Otim dont une copie est parvenue à La Presse, l'on observe quatre principales remarques. En premier lieu, l'évolution rapide de la position du gouvernement. En effet, lors de sa conférence de presse en date du 23 mai dernier, Ali Laârayedh a refusé d'accuser Ansar Echaria d'être une organisation terroriste. Idem pour le ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, qui a indiqué le 5 août ne pas disposer d'informations ou de données prouvant qu'Ansar Echaria entretient des rapports avec Al Qaïda. En deuxième lieu, la décision du chef du gouvernement ôte «à Ansar Echaria la légitimité de son existence juridique en l'accusant de crimes que la justice est encore en train d'instruire. Et même si les investigations policières ont accompli une avancée remarquable, elles n'ont pas abouti, encore, à l'établissement d'une vérité juridique incontestable». En troisième lieu, «la décision du gouvernement est une décision administrative temporaire mais à caractère politique destinée à limiter la prolifération des actes terroristes et à exercer une certaine pression sur l'organisation visée. Il ne s'agit pas d'une sanction pénale mais bien d'une mesure administrative. «Le gouvernement n'est pas obligé d'expliciter les causes qui l'ont poussé à la prendre». En quatrième lieu, l'Otim estime que les conséquences découlant de cette décision «revêtent une grande importance politique dans la mesure où l'organisation visée va perdre sa qualité d'organisation civile. Quant à ses actes, ils seront qualifiés de crimes ce qui va faciliter la poursuite des membres de cette organisation, ainsi que les interventions des services de la police et des renseignements». En conclusion, l'Otim appelle à la prudence et à la préservation des droits fondamentaux du citoyen, notamment ceux relatifs à la liberté de se réunir et de se déplacer. L'Otim met en garde contre les abus prévisibles (lesquels abus se sont produits dans les pays où la démocratie est ancrée depuis des siècles) qui pourraient aboutir, au cas où ils ne seraient pas contenus à temps, à certaines dérives ou dépassements menaçant l'idée démocratique dans son essence même.