Un système bancaire performant peut générer jusqu'à deux points de croissance. De même, il est en mesure d'assurer une distribution efficace des fonds aux secteurs les plus porteurs qui généreraient à leur tour de la croissance. Un cercle vertueux. Mais en Tunisie, le système bancaire n'arrive pas encore à jouer pleinement son rôle de locomotive de la croissance. En effet, plusieurs ratios, notamment la pénétration du crédit et le taux des créances douteuses, témoignent de l'inefficience des structures bancaires et la limite de leurs offres. Adoptant une analyse comparative, le senior spécialiste de la Banque mondiale, M. Laurent Gonnet, a démontré que si le système fonctionnait mieux, le taux de pénétration du crédit serait de l'ordre de 90% au lieu de 72%. « Ainsi, une enveloppe de 17 et 20 milliards de dinars de crédits supplémentaires serait injectée dans l'économie tunisienne », estime l'expert. Ce qui est en mesure de favoriser une croissance supplémentaire au pays. En d'autres termes, la concurrence entre les banques, notamment les structures publiques qui n'ont pas l'obligation de rentabilité et les banques privées de petite taille, n'a pas généré les bienfaits attendus. Benchmark à l'appui, l'expert financier souligne que les offres des banquiers marocains comptent 70% de produits supplémentaires que les offres en Tunisie. Dans la même lignée, le montant des dotations aux amortissements du secteur bancaire marocain s'élève à 5.3% du pnb, contre 3.17% en Tunisie. Il en découle que les banques marocaines sont moins frileuses quant aux risques inhérents à l'investissement et s'y engagent. Sans parler du différentiel de productivité en faveur du banquier marocain. A l'heure actuelle, plusieurs indicateurs témoignent d'une situation préoccupante, à savoir le niveau élevé des créances douteuses et les enveloppes de refinancement des banques. Des signaux qui ne trompent pas Pour le premier indicateur, la BCT l'estime à près de 13%. Et ce chiffre n'a pas évolué depuis la révolution. «Car au lendemain de la révolution, la BCT a émis une circulaire, très contestée par le FMI, qui offre la possibilité aux banques d'inscrire dans les encours sains les crédits à restructurer», explique M.Laurent Gonnet. Il est vrai que ces crédits ne sont ni sains ni douteux mais vont évoluer vers l'un de ces sens, «mais on a besoin d'estimer la taille de ces crédits», souligne M. Gonnet. Le FMI l'a estimé à 20%, l'année dernière. «Même plus aujourd'hui», renchérit-il. Mais il y a quand même une limite. Quand les créances de banques augmentent, explique-t-il, on aura de moins en moins d'actifs productifs, de moins en moins de collectes d'intérêts. Et donc, les banques se trouveraient à court de liquidités pour payer leurs créanciers, les déposants, les actionnaires... «On considère qu'à 30% de créances douteuses, les banques sont virtuellement en impayé», prévient M. Gonnet. Pour le deuxième critère préoccupant, le niveau de refinancement des banques a battu plusieurs records. Pour retrouver de la liquidité, elles demandent à la BCT de les refinancer en avançant des garanties. A 3 milliards de refinancement, la BCT court des risques élevés. Actuellement, les banques sont en manque de liquidités. D'une part, elles ont prêté pour sauver les entreprises et, de l'autre, les déposants sont moins nombreux.