Après les prémices d'une sortie de crise, c'est à visages fermés que, un à un, les responsables politiques sont sortis de la réunion tenue hier, avec le quartet, dans les locaux de l'Union syndicale des travailleurs du Maghreb arabe : réunion ayant pour objet la présentation de l'ultime décision de la coalition gouvernementale quant à l'initiative de l'Ugtt. C'est, enfin, Mohamed Hamdi, secrétaire général de l'Alliance démocratique, qui s'est dirigé vers les journalistes pour leur révéler ce à quoi ils s'attendaient déjà, à savoir l'échec des négociations. Même si, en bon diplomate, Mohamed Hamdi a usé du terme «peut-être». «Il est désolant de voir qu'après un marathon de négociations, on s'aperçoive qu'une partie a finalement accepté de faire des concessions tandis que la partie gouvernementale hachure l'initiative du quartet, tout en faisant croire à l'opinion publique qu'elle l'accepte», a-t-il déclaré, avant d'ajouter que «maintenant, les partis et les organisations retourneront à leurs bases afin de décider de la suite à donner au mouvement». Une heure plus tard, et à quelques mètres de là, au siège du Parti des travailleurs, le comité politique du Front du salut s'est réuni à son tour pour «constater» l'échec des négociations et prendre acte d'une fin de non-recevoir de la part de la Troïka au pouvoir. Visiblement pris au dépourvu, lui qui espérait une abdication de la coalition au moins sur le point de la dissolution immédiate du gouvernement, le Front du salut manque de grandes annonces. Hamma Hammami, et derrière lui l'équipe au complet, annonce lors du point de presse qu'ils ont été «prévenus du refus définitif de la Troïka, et à leur tête le mouvement Ennahdha, d'adopter l'initiative du quartet, à savoir la dissolution immédiate du gouvernement et la mise en place d'un gouvernement de compétences, ainsi que la limitation du travail de l'ANC en termes de délais et de prérogatives». Le porte-parole du Front populaire rappelle qu'initialement, les demandes du Front du salut national ne voulaient pas moins que la dissolution immédiate de l'ANC et de toutes les institutions qui en découlent mais, dit-il, «après un dialogue avec le quartet et dans le but de faciliter la sortie de crise, nous nous sommes rangés à l'initiative de la centrale syndicale». Notons que, comme le fera remarquer plus tard Taïeb Baccouche, porte-parole de Nida Tounès, c'est la première fois que la coalition au gouvernement présente une réponse écrite traduisant une position commune. «Dans cette réponse, il est écrit que la Troïka continuera avec le même gouvernement, qu'elle souhaite voir l'ANC poursuivre ses travaux avec les mêmes prérogatives et sans modification de la petite Constitution. Ils annoncent aussi un délai de dissolution du gouvernement qui dépendra de l'état d'avancement du dialogue national», s'insurge Hamma Hammami, qui impute la responsabilité de l'échec des négociations à la coalition gouvernementale. Cela ne fait aucun doute chez Taïeb Baccouche : suite à ce niet de la Troïka, «il y a un acharnement à se maintenir au pouvoir et il y a un acharnement à ce que les prochaines élections soient falsifiées». En tout cas, le Front du salut a annoncé dans la foulée que son comité politique demeurera en «réunion ouverte pour décider des prochaines actions», et que la «mobilisation populaire, civique et pacifique se poursuivra, et surtout s'intensifiera, notamment le 7 septembre, à l'occasion de la célébration du 40e jour de la mort de Mohamed Brahmi». «Le Front du salut reste soudé malgré les tentatives multiples de dislocation et continuera à faire pression sur le gouvernement », prévient Hamma Hammami. En attendant, le pays demeure dans l'expectative d'une sortie de crise, qui prend de plus en plus la forme d'une boule de neige capable d'emporter tout le monde.