Hommage au grand cinéaste égyptien Taoufik Salah, décédé le 18 août dernier Les Rencontres cinématographiques de Hergla sont, en cette 9e édition, de retour à l'huilerie, leur lieu de projections habituel. Cet espace offre une convivialité qui s'adapte à l'esprit de Hergla et invite ses habitants à rejoindre les festivaliers dans leur aventure, qui se poursuit jusqu'au 11 du mois. L'hommage à Taoufik Salah La soirée d'ouverture des rencontres a été placée sous le signe de l'hommage, de la musique et du cinéma. Le choix des hommages, aussi bien que des films programmés vient répondre aux thèmes principaux de cette édition, à savoir «La mémoire collective, des problèmes liés au développement, mais aussi de la femme au sein de la famille, du questionnement autour des frontières et des mutations que connaissent nos pays du Sud ». Au début de la cérémonie, le directeur des Rencontres et président de l'association organisatrice, l'Association culturelle Afrique Méditerranée, a pris la parole avec l'universitaire Lassaad Jamoussi pour annoncer qu'un hommage sera rendu au réalisateur égyptien Taoufik Salah, décédé le 18 août dernier, en pleins événements post-Mohamed Morsi. Le cinéaste portait d'ailleurs et jusqu'à ses derniers jours le fardeau de ce qui se passait en Egypte et en Tunisie, comme l'a témoigné son fils, présent pendant la cérémonie d'ouverture. Ce dernier a reçu des mains de Lassaad Jamoussi un diplôme de reconnaissance pour l'œuvre de son père de la part de la Ligue tunisienne des Droits de l'homme. Les premières images projetées de la soirée furent celles de Taoufik Salah en train de discuter au téléphone avec feu Tahar Cheriaa, le fondateur des Journées cinématographiques de Carthage, auquel le cinéaste égyptien dit devoir beaucoup. Ensuite, des extraits de ses films ont été montrés, dont l'un de ses tout premiers documentaires sur le procédé de fabrication des jarres traditionnelles. La transition vers le deuxième hommage a été assurée par le chanteur Yasser Jeradi du groupe Dima Dima. Il a choisi d'interpréter 4 chansons aux douces mélodies et aux propos révolutionnaires : Naditkom qu'il a écrite pendant le premier sit-in de la Kasbah, Redemption song de Bob Marley, une chanson révolutionnaire chilienne et enfin son fameux titre Dima Dima. Image et public Quand il s'agit des Rencontres cinématographiques de Hergla, l'empreinte africaine n'est jamais absente. Elle a été posée sur l'écran, vendredi dernier, par la projection du premier film du cinéaste sénégalais Ousmane Sembène, Borom Sarret, une fiction de 22 minutes qu'il a réalisée en 1961. Un film important, qui peint le portrait du Dakar post-colonial. Rappelons que pendant les JCC 2010, un hommage a été rendu à Ousmane Sembène et Taoufik Salah. La jeune génération a, elle aussi, son mot à dire. C'est ce qu'en témoignent les courts-métrages qui ont suivi. Quand ils dorment de la Marocaine Maryam Touzani et Soleil privé du Palestinien Rami Ayalan sont, au-delà de la forme, particulièrement intéressants grâce à la pertinence de leurs scénarios. Le premier film raconte comment une petite fille très liée à son grand-père veut passer avec lui sa dernière nuit avant qu'il ne soit enterré. Elle se confronte aux codes sociaux liés aux rituels de la mort et aux interdictions qui frappent les femmes. Seulement, ce n'est qu'une enfant et elle se comporte en tant que tel... A travers le regard de la réalisatrice, c'est le regard de l'enfant sur les codes de ses aînés, qui ont oublié qu'ils étaient enfants à leur tour. Soleil privé, et bien qu'il soit filmé en intérieur et en extérieur, peut être considéré comme un huis clos, puisqu'il met en scène cette idée de prison à ciel ouvert que sont les territoires occupés, entourés du mur de séparation, mais surtout des murs érigés dans les esprits et les mentalités des Palestiniens, rajoutant à l'enfer de la colonisation celui de la vie commune. L'histoire d'une jeune femme mariée, partageant le même toit avec la sœur de son mari, qui doit, sur les conseils du médecin, s'exposer au soleil pour renforcer ses os, est truffée de références à la mémoire palestinienne, comme le symbole de la clé, introduit dans la fable d'une manière originale, qui rompt avec certains clichés de la cause palestinienne. C'est un film humaniste qui, dans le même temps, ne néglige pas le contexte d'où il vient. La touche finale de la soirée d'ouverture a été soudanaise avec le court-métrage Studio de Amjad Abu Alala. L'action se passe dans un studio photo où les clients défilent devant l'appareil photo du personnage principal. A travers cette histoire, le film montre la réaction de différentes catégories de personnes, confrontées à leur propre image. De quoi se questionner sur les réactions qu'ont suscitées les films pendant la soirée, de la part d'un public — local — qui est, lui, confronté à une image qu'il n'a pas l'habitude de voir. Nous y reviendrons.