Que l'Assemblée constituante s'occupe d'achever le texte de la Constitution ! Soit. Mais ce sain retour aux fondamentaux laisse sans réponse des questions fondamentales : qui va valider le budget de l'Etat 2014 ? Un budget dont le projet n'est toujours pas prêt, à moins de trois mois de l'année 2014 . Il n'y a guère non plus de projet de budget économique ! Ce qui est en soi un signe révélateur de l'échec de l'actuel gouvernement. Sur quelle plateforme budgétaire va devoir travailler le prochain gouvernement ? Quelles seront ses priorités et qui les fixera ? A qui sera-t-il redevable ? Devant qui sera-t-il responsable : la rue (les rues !) ou une instance politique structurée qui reste à définir?! Une chose est sûre : la tâche du prochain gouvernement sera extrêmement difficile et...ingrate. On comprend d'ailleurs mieux pourquoi les candidats les plus crédibles ne se bousculent guère au portillon pour « décrocher » le poste de chef d'un gouvernement, fût-il de salut national ! Le prochain gouvernement va devoir faire le « sale boulot » qu'aucun gouvernement depuis la révolution n'a eu le courage et l'audace de le faire. Et, complice, la classe politique dans son ensemble laisse aujourd'hui à penser qu'elle attend de lui qu'il fasse pour elle ce boulot...en toute indépendance ! Soit. Mais alors qu'elle donne clairement à ce gouvernement de kamikazes au moins l'assurance de pouvoir mener à bien sa mission : un fort et un solide consensus national autour des réformes profondes à engager d'urgence. Sans ce consensus, les kamikazes n'auront, à la fin, servi à rien. Ou plutôt ils auront servi la politique du pire : conduire le pays tout droit vers la banqueroute... Dégagé de toute ambition électorale, un gouvernement indépendant n'aura en principe pas à verser dans le populisme. Il aura à dire au peuple la vérité et toute la vérité. La vérité amère sur la réelle situation économique du pays, et surtout sur les douloureux sacrifices que les Tunisiens devront nécessairement consentir s'ils voudraient demain éviter le pire. Et, dans une note d'espoir, parce qu'il en faut pour rétablir la confiance, s'ils voudraient sincèrement préparer le rebond de croissance. Les réformes à engager seront douloureuses. Il s'agit non moins que de maîtriser un déficit budgétaire alarmant, avec une rationalisation courageuse de l'évolution des salaires, un assainissement non moins courageux de la situation financière des entreprises publiques et un ciblage nécessaire des interventions de la Caisse de compensation. Ce qui, à l'évidence, ne peut se concevoir en dehors d'un solide et fort consensus national. En dehors aussi de l'obligation qui est faite au secteur privé de l'investissement de revoir son mode de redistribution de la richesse créée par lui. La réforme du système fiscal est à ce titre au nombre des premières et grandes réformes à engager par le prochain gouvernement. Il faut à cet égard espérer que, au-delà des politiques, la lune de miel perdure entre les deux principaux axes du Quartet, l'Ugtt et l'Utica, au moins le temps pour le gouvernement de kamikazes de pouvoir remplir sa mission.