Il n'y a pas de liberté sans liberté de la presse. Conscients des menaces qui pèsent sur le secteur et des dangers qui guettent toute la société, ils se sont rués, comme un seul homme, pour défendre une noble profession, un bastion de liberté. En dépit de quelques défaillances, prévisibles, dans le rang des médias d'obédience islamiste et de la surprise provoquée par la transmission en direct des travaux de l'ANC, amputée de ses députés sit-inneurs, par El Watanya 2 (télévision publique), la deuxième grève générale, en un an jour pour jour, des médias tunisiens, a été un succès, mais « le combat n'est pas fini», prévient la présidente du Syndicat national des journalistes tunisiens qui a appelé à cette grève avec le Syndicat de la culture et de l'information relevant de l'Ugtt. « La libération de Zied El Héni n'est pas une fin en soi mais la goutte qui a fait déborder le vase ; nous faisons face, depuis un bon bout de temps, à une campagne organisée de dénigrement, de diabolisation et de harcèlement des journalistes. Nous sommes, désormais, plus déterminés à poursuivre le combat pour la liberté, forts en cela du soutien inconditionnel et de plus en plus grand de la société civile et de tous les défenseurs de la liberté de la parole», martelle Néjiba Hamrouni face à une foule en colère et débordant sur l'avenue des Etats-Unis où ont stationné plusieurs véhicules des forces de l'ordre. Si l'intention était de prévenir un quelconque débordement, la mission est accomplie puisque des éléments perturbateurs ont tenté de s'immiscer dans la foule en scandant des contre-slogans. Même si le débordement n'a pas eu lieu, les caméras se sont quand même tournées vers eux faisant dire à Mongi Khadhraoui, membre du bureau exécutif du Snjt : «La différence entre eux et nous c'est qu'ils ne nous laissent pas parler alors qu'on les laisse manifester sur notre terrain ». «On ne demande pas la lune» La première grève générale, en date du 17 octobre 2012, a été décrétée au nom du principe fondateur de toute démocratie à savoir la liberté de la presse et d'expression ainsi que l'indépendance du journaliste et des médias. Hier, les journalistes défendaient également leur dignité, leur intégrité et leur rôle, celui de dévoiler la vérité aussi dure et amère soit-elle. En toute impunité. «Non pas que le journaliste est au-dessus de la loi mais la loi spécifique qui doit être appliquée sur le journaliste est l'arrêté 115 et non le 128 qui a été annulé depuis les années 70 et qui a été utilisé contre Zied El Héni. Par ailleurs, la loi ne doit épargner personne y compris les ministres accusés d'abus de biens publics et les criminels qui font couler le sang des Tunisiens», renchérit Mongi Khadhraoui. Après avoir fait l'objet de menaces de mort et d'agressions physiques et verbales, les journalistes sont, en effet, aujourd'hui, victimes d'arrestations abusives et d'emprisonnement parce qu'ils parlent trop, selon le goût de certains. «C'est notre rôle de respecter le droit du citoyen à l'information et à la vérité ; nous ne baisserons pas les bras, car il n'est plus question d'un retour en arrière, nous ne serons plus les porte-voix du régime en place», scande de nouveau la présidente du Snjt qui finit par donner lecture du communiqué publié par les journalistes et techniciens de Radio Kalima annonçant un sit-in ouvert dès hier en guise de revendication de leurs salaires bloqués depuis le mois de juillet dernier et de leurs droits sociaux. Nejiba Hamrouni rappellera par la même occasion les revendications des journalistes : «Nous ne demandons pas la lune, nous revendiquons l'application des lois existantes, en l'occurrence le décret 115, et le respect des droits sociaux et professionnels des journalistes ». Le message de l'Ugtt sera relayé par Nabil Jemour, président du Syndicat de la culture et de l'information : «L'agression, de quelque nature que ce soit, des journalistes est une ligne rouge; la centrale ouvrière se place aux côtés des hommes et des femmes des médias et la liberté d'expression n'est pas un service rendu aux journalistes, c'est un droit ; Farhat Hached a été le premier à appeler à la création d'un syndicat des journalistes». Nebil Jemour n'exclut pas d'autres actions futures au nom de l'intégrité des journalistes et de la liberté de la presse tunisienne. L'ambiance, chauffée par des slogans comme «Presse libre, justice indépendante », «Non à l'emprisonnement des journalistes», «La liberté à la presse tunisienne», monte d'un cran quand Zied El Héni, «fraîchement» sorti de son week-end carcéral, prend la parole pour dire à qui veut bien l'entendre : «Aujourd'hui, c'est la deuxième grève générale des médias non pas pour des revendications sociales et professionnelles mais pour la liberté d'expression, autrement dit le droit de tout citoyen à l'information, et c'est le rôle du journaliste».