Augmentations en série et une révision des bénéficiaires de la Caisse de compensation annoncées pour 2014 Le projet de loi de finances pour l'exercice 2014 vient jeter de l'huile sur le feu et enflammer davantage les esprits excédés par les multiples et successives augmentations des prix à la consommation qui ont usé le pouvoir d'achat des Tunisiens et érodé la classe moyenne (57% actuellement, contre 80% en 2010) sur laquelle reposait le socle économique et social avant la révolution. Le projet de loi de finances 2014, qui arrive tardivement selon certains experts, a apporté, comme prévu, son lot de mauvaises nouvelles pour le contribuable. Bien que prévues, puisque l'année 2014 a été qualifiée par le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie et le ministre des Finances comme l'année la plus difficile en termes de sacrifices et d'austérité, ces nouvelles ont déçu et contribué à accroître l'abattement de la classe des travailleurs, et surtout des salariés. Le chapitre qui a suscité la première vague de critiques et de contestations est indiscutablement celui relatif aux recettes fiscales et aux impôts. Il s'agit pour l'Etat, entre autres mesures urgentes, de compenser un manque à gagner d'un milliard de dinars au niveau des ressources publiques résultant de l'évasion fiscale, selon M. Ali Laârayedh. Cette évasion « a pris de l'ampleur », avait averti le chef du gouvernement, en juin dernier, lors de la cérémonie d'ouverture du 1er congrès national de la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect), appelant à cette occasion les entreprises tunisiennes à « renforcer l'investissement dans les activités économiques et à encourager la création d'entreprises ». En d'autres termes : recycler les bénéfices dans l'approvisionnement de fonds d'investissements et contribuer ainsi à la création de richesses et de postes d'emploi. L'appel a-t-il été entendu ? Qu'en est-il au juste ? Dans la poche du contribuable L'historique centrale patronale, l'Utica, avec ses nombreuses fédérations nationales sectorielles couvrant tous les secteurs économiques, fait partie du Quartet qui attend toujours, avec impatience, que son initiative pour le décollage d'un vrai débat national soit prise au sérieux par la Troïka. Ce qui signifie attentisme voire statu quo, donc ni investissements ni création d'emplois ou de richesses. Par ailleurs, les indicateurs économiques au rouge ne présagent aucune relance économique possible dans le futur proche. Où trouver donc le milliard de dinars pour rééquilibrer le budget de l'Etat ? Un des responsables au sein de l'Utica, M. Nafaâ Ennaïfer, président de la commission des affaires économiques, donne une ébauche de réponse sur les ondes d'une radio privée : « Le projet de loi de finances 2014 a visé l'augmentation des impôts, c'est-à-dire l'affaiblissement du pouvoir d'achat, et ne présente pas de solutions aux difficultés économiques du pays ». Une solution de facilité sans doute qui permet au gouvernement provisoire, et peut-être sortant, de préparer, même dans la précipitation et dans un contexte d'enlisement de la crise politique, la loi de finances 2014 et de s'acquitter ainsi de sa mission et de ses engagements. En résultat, les mesures d'austérité du ministre des finances sont tombées sur la tête du contribuable, en l'occurrence le salarié pour ne parler que de lui, puisque c'est dans sa poche que l'on ira piocher au moins une partie des deniers publics. Et pour cause : une série douloureuse d'augmentations est annoncée pour l'année prochaine dont celles de la taxe de circulation (vignette) de 25%, du prix du litre d'essence à la pompe, de l'électricité... Mais également l'allégement de la charge de la Caisse de compensation, notamment par le biais de l'instauration du système de rationnement, selon des médias qui se sont relayés l'information. Ce système prévoit l'octroi de tickets de rationnement aux familles nécessiteuses (liste officielle établie par le ministère des Affaires sociales) pour leur permettre de bénéficier de la compensation sur les produits alimentaires de base (sucre, farine, huile, etc.). Ce qui signifie qu'une bonne partie des Tunisiens seront amenés à payer leur pain au prix réel, prix coûtant. Cette décision vient au moment où l'estimation théorique du seuil de pauvreté correspond à un revenu mensuel moyen dans la fonction publique de 763 dinars. Or, actuellement, cette moyenne est descendue à 600 dinars. Ceci dit, la liste officielle des familles nécessiteuses ne devrait-elle pas être revue...à la hausse ? A trop tirer sur la corde... Pour le gouvernement actuel, l'impératif et la priorité consistent à réduire le déficit public en visant trois objectifs majeurs : augmentation des recettes fiscales, allègement de la facture énergétique (compensation des hydrocarbures) et réduction de la charge de la Caisse de compensation, les trois lourds fardeaux que le système de gouvernance tunisien, toujours le même, traîne depuis des décennies. Mais face à des difficultés de plus en plus grandes de redresser la barre de l'économie nationale, d'instaurer l'ordre et la sécurité, de réunir les différentes forces politiques autour de la table du dialogue national, le gouvernement actuel n'avait-il pas d'autres choix que d'accabler davantage le citoyen, surtout le salarié, très souvent endetté, pour remplir les caisses de l'Etat. A considérer que ces augmentations soient nécessaires pour compenser les augmentations salariales décidées en 2013, n'était-il pas plus judicieux de commencer par l'annulation, au moins provisoire et bien ciblée, de certains avantages en nature (véhicules de service, bons de carburants, gratuité des factures d'électricité, d'eau, de téléphone), perçus par les hauts responsables, ou d'instaurer une taxe sur les fortunes par exemple, surtout les plus récentes qui ont été constituées (comment ?) à une période où la Tunisie recule dans tous les classements mondiaux et où la majorité des Tunisiens ont vu leur niveau de vie se détériorer. En somme, des solutions nouvelles, même impopulaires, mais qui témoignent d'une volonté, même stratégique, d'équité et de justice de la part des décideurs. Il est clair que l'on ne s'est pas trop embarrassé pour tenter de trouver des solutions qui ménagent un tant soit peu les intérêts de tous. La solution de facilité étant les augmentations, encore et toujours les augmentations, cette épée de Damoclès sur la tête du contribuable. Jusqu'à quand ? A trop tirer sur la corde...que restera-t-il dans le couffin de la ménagère et de la patience des Tunisiens déjà à bout de souffle ?